Anthony Dabsal Surprise Chapitre 5 — partie 2/4

Chapitre 5 — partie 2/4

La Rita Skeeter au rabais — sans lunettes demi-lune — hurle « Suivant ! » et adresse un clin d’œil à Élodie. Elle ne répond pas. Ses épaules préfèrent vaciller entre haussement et crispation, alors ses jambes tranchent et foncent en direction de l’open space R&D.


Dès son entrée, les regards accompagnent sa progression — de véritables projecteurs braqués sur une intruse. Les ragots et les murmures fusent, tandis qu’elle serre les dents, puis accélère. Face à la porte marquée « N. Benamar », elle inspire, expire et tente d’ignorer cette sensation d’être espionnée.


Elle se saisit de son badge, le soumet au scanner… Dix secondes interminables avant le clic. La porte se déverrouille. Elle pousse le battant. Enfin, du silence… et le choc !


Nourredine a beau, soi-disant, aimer l’ordre scientifique, son cabinet se présente en véritable Verdun. Un couple de jours à peine, et la pièce était encore quasi immaculée. À présent, un chaos monstrueux la défigure. Des piles de papiers sens dessus dessous s’entassent au sol. D’autres, froissées, s’accrochent tant bien que mal aux rebords du bureau. Une lampe renversée éclaire un mur souillé de café. Deux ou trois stylets de saisie traînent, brisés, dans un coin. Élodie en a le souffle coupé.


Il serait aisé de penser qu’une tornade s’est abattue en Île-de-France. Du moins, pour qui ne connaît pas Nourredine. Ce n’est pas une raison suffisante pour qu’Élodie renonce à passer la pièce au peigne fin : quelques bibelots à l’envers, un porte-clés CelestAIl cassé, une photo de l’équipe de France de football, un cube NostalgIA qui menace de tomber du meuble. Aucune trace des LingPods à première vue. Ils devraient pourtant se trouver là, quelque part. Avec un tel capharnaüm, impossible de les repérer.


Non sans grommeler — un peu comme les bourgeois après la révocation de l’édit de Nantes —, elle évite de toucher quoi que ce soit. Un pas à droite, un pas à gauche. Pas l’ombre d’un indice ! Les tiroirs sont ouverts et vides. Les classeurs éventrés ne révèlent rien, sinon des fiches techniques qui parlent d’IA ou de codes cryptés. Elle progresse vers le sommet du Mont Bazar. Elle se penche. Toujours rien. Mais quelle mouche a piqué Nourredine ?


Une nausée digne d’une utilisation de NostalgIA s’empare d’Élodie. L’odeur de cette tasse, qui contient un liquide brun et moisi, n’arrange rien. Elle s’ébroue, ramasse un stylo par terre et rédige sur une feuille vierge — d’une écriture enfantine et tremblante — : « Nono, si tu trouves mes LingPods, pense à me les ramener. Et range un peu, ça fait peur ! Élo ».


Elle jette un dernier coup d’œil circulaire, au cas où. Toujours rien. Alors, d’un geste désabusé, elle lève les bras et se retire.


— Bon ! Élo, contente-toi des USS. C’est presque pareil que les LP, dit-elle à haute voix, juste avant d’ouvrir la porte.


Elle se dirige, dans un premier temps, vers la sortie. Néanmoins elle freine rapidement, pivote sur ses talons et traverse l’immense open space — presque aussi vite qu’une mamie avec un déambulateur.


Toutes celles qui possèdent un vagin le savent : trop de testicules dans une pièce, et le harcèlement rapplique. Systématiquement ! Un quinquagénaire adipeux, qui bave sur elle depuis plusieurs minutes, se lève et la siffle. Hilarité garantie auprès de ses collègues masculins.


Elle passe d’abord une main lasse sur son visage, pince l’arête de son nez, puis serre la lanière de son sac à s’en faire blanchir les jointures. Zeus pâlirait face à ce regard foudroyant. Elle semble prête à coller un pruneau dans la poire du prochain lourdaud. Heureusement, la salade de fruits ne sera pas concoctée aujourd’hui. Au fond de la salle, elle remarque un renfoncement et des pièces fermées. L’une d’entre elles, toutefois, est entrouverte. C’est ici qu’elle retrouve celui qu’elle cherchait : Stéphane, de dos, qui décoiffe maladroitement ses cheveux.


Elle en profite pour jeter un œil à ce qui pourrait être un espace témoin d’un catalogue de vente de mobilier KaguXion. Tout est impeccable, millimétré. Les murs sont blancs, vierges de toute affiche superflue. Le sol, lustré au point de refléter les LED. Un plan de travail en verre accompagné d’un siège ergonomique. Le moindre stylo, la moindre feuille : soigneusement ordonnés dans des casiers opaques. Aucun dossier qui traîne. Aucun objet sur les étagères. Un vide presque dérangeant. En somme, le décor est affreusement anodin… le niveau zéro du goût.


Une excentricité existe toutefois : un grand panneau orange « À louer », en lettres capitales — typique des années 2070. L’unique élément qui ne fasse pas robotique ou clinique.


— Non ! Je ne peux pas me permettre cela ! Comprenez-moi, je n’y suis pour rien. Tout était câblé comme vous me l’aviez indiqué, lance Stéphane, jusque-là silencieux.


Élodie se camoufle dans le renfoncement près de la porte et tend l’oreille — curiosité déplacée s’il en est.


— Hum… Hum… En effet !


Il serre le poing et enlève sa veste. Une ombre moite s’étend sous ses bras, aussi immanquable que les publicités pour des déodorants sur la façade de l’immeuble.


— Non, s’il vous plaît. Vous ne l’avez pas vu hier.


Il secoue la tête. Il semble contenir sa rage.


— Mais… je vous en prie… écoutez-moi…


Son interlocuteur ne doit pas l’écouter.


— Vraiment, sauf votre respect, ce serait une torture de lui demander cela.


Élodie se tient la poitrine. Ses yeux se lèvent vers la gauche. Sa figure se crispe, comme si les paroles de l’homme la nommaient indirectement.


— Non, je refuse. Je… je… ne… pourrais pas. Je suis navré.


Il jure entre ses dents et cache son visage.


— Je vous en supplie. J’ai besoin de ce travail. Monsieur Benamar…


Paf ! Une agrafeuse valse contre le mur. Élodie sursaute et prie pour ne pas avoir été entendue. Elle n’a pas le luxe de se demander « Pourquoi Nourredine renverrait-il Stéphane ? », que Stéphane reprend d’une voix calme :


— Bien. Merci, monsieur Benamar. Je vous tiens au courant.


Un ange passe. Puis deux. Puis il hurle :


— Putain ! Quel connard !

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50 commentaires

Vince Black

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Il y a un mois

Désolé mais je n’ai pas la réf Rita Skeeter. Alors j’ai cherché c’est une sorcière de Harry Potter c’est bien ça ? J’imagine que c’est pour le look lol. Bon ça commence à prendre forme autour de la disparition de Nourredine. Ce bureau en bordel en témoigne. Mais je suis peut -être encore à côté de la plaque 🤪 C’est étrange pourquoi tu qualifie souvent de liquide sombre ou brun du café. La première fois c’était je pense pour éviter une redondance mais depuis je ne pige pas. Le café peut moisir en si peu de temps ? Mince alors Elo n’a pas une once de soupçon sur les raisons d’un tel saccage de bureau ? Et en plus elle y place une signature… AIe lol Mince c’est une vision étroite et purement hétéro. Il existe des testicules qui ne harcèle pas comme ceux des gays en tout cas pas les femmes 🤣🤣 La réf mytho à Zeus et la foudre me plaît assez 👍👍 2070 retour à l’orange de 1970 comme le fluo des années 80. Coïncidence ou voulue ? En tout cas les cycles semblent se répéter avec une période d’un siècle… Ha ben j’avais raison je suis à côté de la plaque. Ou alors elle croit avoir été discrète mais Stéphane a été alerté par les testicules et joue son rôle à merveille… Rhhhaaa tu joues avec le lecteur, c’est cruellement divertissant !

Anthony Dabsal

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Il y a un mois

Oui, je joue avec le lecteur (et c'est pas évident), j'ai un peu que ça se casse les dents à un moment donné. Mais, bon, tant que ça marche tant mieux ^^. Oui certaines ref au date et au mode, sont souvent des clin d’œil à 100 ans en arrière (mais quelques fois, si l'objet n'existait pas, je mets au pif ^^). Mince alors Elo n’a pas une once de soupçon sur les raisons d’un tel saccage de bureau ? => Pour cette question, je ne peux répondre que : que je suis content que tu te la poses ^^ (Et oui, Rita Skeeter, c'est pour le look et c'est bien dans Harry Potter)

Akiria.s

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Il y a un mois

Au début j'me disais, c'est bizarre, Nourredine est injoignable, introuvable, son bureau est sans dessus dessous. Mais là...

Mary Lev

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Il y a 2 mois

Classiques relations de travail je suppose !

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Oui, la base 🤭

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Bah mince, qu'est ce qu'il s'est passé ? On veut savoir nous.

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Suspense XD

Gaëlle K. Kempeneers

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Il y a 2 mois

😬 Il y a de l'eau dans le gaz dis donc !

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Il insulte un peu son patron après un appel, ça arrive xD
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