Fyctia
Chapitre 4 — partie 3/4
— Aïe, gémit-elle en se levant d’une couchette ergonomique KaguXion.
Elle parvient à rouvrir les paupières. Les murs sont grisâtres. L’odeur de sueur et de moisi prend à la gorge. Elle tousse et peine pour loucher sur sa montre.
« Mode : Prison. Il est 13 h 43. »
— Psst !
Elle cherche du regard l’origine du bruit.
— J’suis à côté, lol.
Dans la cellule voisine, un brun. Une dent en moins. De la crasse sur les doigts. En somme, un junkie débraillé.
— T’es là pourquoi ? demande-t-il d’un air surexcité.
— J’ai insulté un agent de sécurité.
— Ça va. Au pire, demain t’es dehors avec une amende.
— J’espère. Et toi ?
— En vrai ? Prr ! J’avais pas ma montre. J’l’ai échangée contre des champis. Ça doit être ça. Ou alors parce que je préviens les gens que CelestAIl veut posséder nos cerveaux. Et ça ! Ça ! Ça plaît pas trop, lol.
Elle lève les yeux — toujours douloureux.
— Pourquoi tu penses qu’ils contrôlent nos cerveaux ? s’enquiert-elle en riant.
— J’sais pas… c’est juste évident !
Elle souffle et s’ébroue.
— Interdiction de communiquer entre détenus, lance la voix douce de l’IA de surveillance.
Un ange passe. Le junkie joue de l’air-batterie comme si de rien n’était. Élodie tente de se changer les idées avec l’affichage de ses USS. Malheureusement, rien, à part la bibliothèque municipale, n’est disponible.
Sa montre vibre.
« Mode : Libération. Il est 13 h 48. Veuillez suivre les instructions. »
La porte de la cellule glisse sur le côté. Un automate s’approche.
— Madame Élodie Wang, félicitations ! Votre période de détention est désormais terminée. L’administration pénitentiaire comprend parfaitement que cette expérience a pu se révéler éprouvante pour vous. Rassurez-vous, l’objectif de l’administration pénitentiaire a toujours été la sécurité de la population ainsi que votre bien-être tout au long de votre séjour au sein de notre établissement, rue de Paradis.
L’automate libère un rire mielleux.
— Madame Zoé Wang, votre sœur cadette, vous attend à l’extérieur de l’établissement. Pour la rejoindre, vous devrez vous acquitter de votre dette envers la société. Compte tenu des éléments calculés par la grande IA centrale de la République Française, à savoir votre détresse émotionnelle ainsi que l’excès de zèle de l’agent Marcel Corteau, une dette de zéro euro a été jugée suffisante pour votre délit. Une chance, si vous voulez mon avis.
L’IA mime un raclement de gorge avant de poursuivre :
— Vous êtes en droit de faire appel de la décision de justice impartiale auprès d’un tribunal humain, ou de vous acquitter immédiatement de votre dette envers la société.
Une nouvelle vibration au poignet d’Élodie. « Virement en attente : 0,00 €. Validez pour confirmer. »
— Trop classe, lol ! J’ai encore jamais eu zéro ! s’extasie son voisin.
Élodie ne proteste pas. Elle expire. Un clic et « Dossier clôturé ».
— À la prochaine ! Élo ! hurle le junkie tandis que l’automate accompagne Élodie vers la sortie.
— J’espère pas, murmure-t-elle pour elle-même.
Paf ! Sans crier gare, une Zoé préoccupée l’enlace avec un tantinet trop de force — Élodie gémit.
— Putain, j’étais trop inquiète. Mais qu’est-ce que t’as foutu pour finir en taule ?
— Visiblement pas grand-chose.
Élodie lui partage le reçu du virement de 0 €.
— J’enrage, putain !
— Enrage à la maison alors. Pas envie de retourner de suite derrière les barreaux, précise Élodie en visant l’automate du menton.
— On t’a encore emmer… embêtée avec ton genre ?
— Hélas, soupire-t-elle en haussant les épaules. Allez ! Partons.
Zoé semble absente puis grimace.
— J’suis désolée, je dois reprendre mon taf. J’t’appelle ce soir. Plus de bêtises. Promis
— T’inquiète. J’m’enferme et j’bouge plus jusqu’à la rentrée des classes.
— À ce soir.
— À toute !
Une heure à pied pour éviter d’autres contrôles de sécurité et leur risque de finir incarcérée, elle arrive chez elle sans encombre. Elle jette ses clés sur le bar, sa veste sur le portemanteau et son dévolu sur la cafetière. Il n’en restera pas pour achever la semaine, mais largement assez pour souffler un peu.
En terminant la dernière gorgée, la boîte orange et noire de ses LingPods attire son regard.
— Désolée, Stéphane, mais j’en peux plus de cette marque de connards, lance-t-elle sans que personne ne l’entende.
Vide.
— Putain ! C’est bien ma veine ! J’ai foutu ces merdes où ?
Le réfrigérateur affiche « 4 °C » en gros caractères verts — une vieillerie. Elle ouvre la porte. Pas de LingPods dedans. Elle soupire. Elle le referme, slalome entre la table du salon et le tapis persan miteux — encombré par une panière à linge renversée —, puis se penche sous le canapé. Des moutons de poussière. Rien d’autre.
Direction la chambre. D’un côté, un lit queen size en acier poli. Sur le matelas, un édredon fané, recouvert d’oreillers fluo — tendance Milan 2085. De l’autre, une commode rococo, métal sombre et tiroirs grinçants — dont le tactile ne fonctionne plus depuis un an. Elle ouvre le premier : vêtements mal pliés, chaussettes orphelines, vieilles culottes, un string. Elle tâte chaque centimètre carré. Toujours pas de LingPods.
Elle fouille sur et dans la table de chevet : trois magazines de mode qui devaient appartenir à sa grand-mère, un réveil à quartz — un objet de collection offert par un élève —, un cahier à spirales avec des gribouillis de cours d’histoire. Surprise par ces artefacts. Elle repose ce fatras. Il n’y a rien dans cette pièce.
Direction la salle de bain. La vasque en porcelaine, blanche. Une armoire à pharmacie au miroir tactile ébréché. Rien à signaler à l’intérieur, hormis un flacon d’anxiolytiques, une brosse à dents usée et des déchets bons pour la poubelle. Sur le plan de travail : un pot de cotons démaquillants recyclés à moitié vide, du fond de teint sec, un épilateur électrique. Elle regarde à tout hasard dans le tiroir inférieur. Des peignes à cheveux et une crème solaire entamée. Elle secoue la tête. Au moins deux heures de recherches et toujours rien.
Ses pas la ramènent au salon. Elle dépouille le meuble TV : des boîtes de vieux jeux de société, deux ou trois câbles emmêlés. Il y a même une manette d’une console revendue naguère. Et sous la table basse : une collection de dessous de verre. Y compris à l’intérieur du bac de l’aspirateur robot — qui se lance quand ça lui chante —, ses LingPods restent introuvables.
Son estomac crie famine. Elle s’arrache à sa frustration et engloutit une barre énergétique. Sans oublier un café. Puis, elle scrute à nouveau l’appartement : cuisine, couloir, chambre, salon, salle de bain. Toujours rien.
Le temps file. Elle peste, s’agace. Son sac vole contre le mur. Son contenu se répand. Elle souffle, tombe à genoux et ramasse ses affaires. Introuvables. Un bruit mécanique brise le silence : six chants d’alouette. Dès que l’oiseau regagne sa cache, sa montre vibre.
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