Fyctia
Chapitre 4 — partie 2/4
— Ça te dérange si je fais la version longue ? Je suis assez nulle pour les résumés.
— Je t’en prie. C’est un vrai plaisir de t’écouter.
Une fossette se dessine sur la joue de Stéphane.
— J’ai vu ce que tu as marqué sur « profession », tout à l’heure. Et je préfère être claire. C’est réciproque. Alors, autant éviter encore une fois les mauvaises surprises.
Son sourire de vendeur de dentifrice s’élargit. Plus radieux qu’un soleil. Plus blanc que neige.
— Je crois saisir, mais continue, lui propose-t-il d’un geste de la main.
— Je reviens à Nourredine et moi. Ses parents ont toujours été ravis qu’il y ait un petit garçon à côté. Alors, à l’âge où le genre ne veut encore rien dire, on jouait ensemble. Tous les jours. Comme… deux gosses normaux.
Elle reprend son air.
— Puis, j’ai compris que l’univers m’avait fait la pire des blagues à la naissance.
Son regard fuit Stéphane.
— Contrairement à nos familles, il a tout de suite accepté. Que… que je sois une fille. Il a parfois été maladroit, c’est vrai. Mais n’empêche qu’il a été là dans les moments les plus durs. Alors que certains de mes ex, eux, dès que je leur expliquais, ils me voyaient comme un homme, ou pire…
Ses paupières luttent afin de ne pas relâcher une larme.
— Comme si j’étais atteinte d’une maladie contagieuse… conclut-elle en grimaçant.
— Mais quels cons ! crie-t-il tout à coup. Pardon, je me suis emporté. Ce n’est pourtant pas difficile de comprendre que tu n’as jamais été un garçon. C’est incroyable qu’il y ait tant de crétins de nos jours !
— Ouais, j’aurais été mieux acceptée dans le deuxième quart du siècle. Mais que veux-tu ? Les gens oublient facilement et ne se mettent jamais à la place des autres.
Elle bondit de sa chaise.
Le métal crisse et bascule.
Boum ! Boum ! Son cœur bat si fort que Stéphane semble en mesure de l’entendre. Ses mains tremblent. Elle ouvre la bouche. Les mots restent coincés. Sa mâchoire aussi.
— Je vais la ramasser. Ne t’en fais pas, dit-il calmement.
— J’suis désolée, j’dois rentrer, baragouine-t-elle d’un trait.
— Je comprends.
Les yeux de Stéphane sont rieurs, ceux d’Élodie fuyants. Elle enlace la lanière de son sac et se dirige vers la porte.
— Attends !
Elle se fige.
— Tu oublies tes USS.
— Garde-les ou rends-les à Nourredine.
— Je… je sais que ce n’est pas sympa de te demander ça. Mais… comment dire ? Je les ai appareillés avec les miens… et… euh… je voudrais prendre de tes nouvelles.
— J’ai des LingPods chez moi.
— Mes USS sont trop anciens pour être compatibles avec les LingPods, avoue-t-il en se grattant les cheveux. Ils datent d’avant la loi concernant l’harmonie des produits sino-américains.
Sans un mot, tête baissée, elle s’empare des USS. Elle se maudit, certes, mais les place dans ses oreilles et s’enfuit.
Elle longe le couloir, franchit le seuil de l’« Accès réservé » et retrouve la galerie des bustes. Soudain, un frisson court sur sa nuque. Son souffle se bloque. Elle sent le regard plongé sur elle. À la vitesse d’une tortue blessée, elle se retourne en tentant de s’enfoncer à l’intérieur de sa carapace.
— Ah ! crie-t-elle en sursautant.
Juste le marbre sculpté d’un illustre personnage.
— Putain, tu deviens parano, murmure-t-elle.
Elle poursuit son chemin en direction du hall désert. Le son régulier du talon de se bottines semble l’apaiser.
D’un coup, une main se pose sur son bras. Un agent de sécurité. Uniforme sombre, sourire mauvais et regard sévère.
— Contrôle, madame.
— Encore ?! se plaint-elle. Mais vous m’avez contrôlé en entrant !
— Serait-ce un refus d’obtempérer ? jouit-il en affichant un rictus carnassier.
Elle lève les yeux au ciel et lui tend sa montre.
— Comment expliquez-vous vos anciennes photos d’identité ?
— C’est la meilleure ! C’est un prank ?
— Répondez ou bien j’applique le protocole !
— J’ai changé de sexe ! Voilà, vous êtes content !
— Je vérifierai attentivement votre dossier. Il est très suspect, car, en vous voyant, vous ne ressemblez pas à un homme !
Tous les muscles de la jeune femme se contractent. Une veine, le long de sa tempe, est sur le point d’éclater.
— Mais parce que j’en suis pas un ! Connard !
Elle n’a pas le temps de réagir. Sa lentille vibre : « Alerte ! »
L’arc électrique suit son nerf optique. Un éclair rouge déchire son champ de vision, son crâne. Son corps convulse.
Un goût de fer. Ses dents claquent.
L’asphalte brûle.
Le froid des menottes mord sa chair. Serrées. Trop serrées.
Des visages flottent. Chris. Stéphane. Zoé. Chris, encore.
Un hurlement. Le sien ? Celui d’un autre ?
Puis, plus rien. Le néant.
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