Anthony Dabsal Surprise Chapitre 3 — partie 2/3

Chapitre 3 — partie 2/3

Une voix d’homme grave. Elle se retourne. Face à elle, un bel individu à la mâchoire carrée, épaules larges, veste cintrée, pantalon mode 2050 — la tendance de cette année 2086. Et surtout, de magnifiques yeux jaunes, parfaitement assortis à sa chevelure blond pâle. Denrée rare d’après les deux sœurs.


— Euh… je… voui.


Elle toussote, tente de se ressaisir, mais ses doigts craquent et ses pommettes rosissent délicatement.


— Oui, pardonnez-moi. Vous êtes ?

— Stéphane Duroy. Monsieur Benamar m’a transmis un communiqué d’excuses. Vraisemblablement, à cause du léger problème d’hier, il ne pourra pas venir aujourd’hui.


Il esquisse un sourire. Une fossette creuse la joue d’Élodie, et une ride apparaît sur son front. Le message semble limpide : si c’est LUI le fameux Stéphane, elle ne dit pas non. Elle acquiesce, le langage se perd, le temps aussi. Dure une quinzaine de secondes, où les anges passent et se suivent. Si février était terminé, ils entendraient les mouches voler — les anges comme les deux jeunes gens.


— Veuillez m’excuser. Je suis malpoli. Je suis l’assistant de votre…


Il se racle la gorge.


— … ami ?

— Il a encore dit « ma sœurette », c’est ça ?

— En effet.

— Côté faciès, on ne se ressemble pas, je vous l’accorde.


Elle plaisante. Son rire se fait un peu plus clair.


— Monsieur Benamar m’a désigné, car je supervise la partie historique de notre invention. Comme il vous l’a peut-être dit, NostalgIA doit être présenté au Musée de l’Homme d’ici trois semaines. D’où notre présence.

— Il a dû le mentionner, oui, mais je ne l’ai pas retenu, avoue-t-elle en pinçant les lèvres.


Stéphane indique l’entrée du musée d’un léger mouvement du menton.


— On rentre ? Il fait frais, et…

— Volontiers, le coupe-t-elle.


Elle souffle dans ses mains avant d’ouvrir la marche. Pourtant, il passe le portique bien avant elle.


— Avez-vous pris votre badge visiteur ?


Elle grimace, hoche les épaules, fouille frénétiquement dans son sac. Par miracle, elle le trouve. Elle l’imite aussitôt et l’accroche à son cou.


— Ça nous épargnera une demi-heure de négociation futile avec l’automate de l’entrée, précise-t-il.


Élodie éclate de rire. La tension retombe un peu. Il sourit, apparemment satisfait de son trait d’humour.


Il l’invite à le suivre. Une allée bordée de bustes célèbres : Darwin, Lévi-Strauss, Mandela, et bien d’autres visages notoires. Il glisse quelques remarques pointues sur chacun. Elle l’écoute attentivement, sans trop oser intervenir — bien que son envie d’entamer une diatribe interminable sur le sujet soit évident. Leurs pas les mènent jusqu’à un panneau « Accès réservé ». Stéphane franchit un nouveau portique. Elle le suit, non sans lever un sourcil.


Le couloir est long, silencieux, baigné par des néons d’un blanc industriel. Rien de luxueux ici. Au bout se trouve une salle immaculée, juste une table métallique au centre. À sa surface, une mallette noire, sobre, carrée, avec le logo du musée et celui de CelestAIl.


Stéphane s’avance, fait signe à Élodie de se rapprocher. Il déverrouille la mallette. Clic ! À l’intérieur, une tablette anthracite tout ce qu’il y a de plus banal, un boîtier crème orné du « N » de NostalgIA, quelques câbles dans un renfoncement.


Il lève un doigt pour demander un instant, sort de la pièce en laissant la porte entrouverte. Elle inspire, en profite pour ajuster légèrement sa jupe et s’assurer que son apparence est convenable. Résultat : cela pourrait être mieux. Il revient une minute plus tard, deux chaises pliantes sous les bras. Il les déploie avec un rire sans doute nerveux et l’invite à s’asseoir.


— Monsieur Benamar vous a présenté les caractéristiques de l’IA ?

— Hormis qu’il s’agit d’une interface permettant de voir le passé tel qu’il s’est produit, je n’en sais pas davantage.

— M’autorisez-vous à détailler un peu plus ? Ou préférez-vous sauter directement au test ?


Élodie se mord la joue.


— Et si je choisis le moment où vous me conviez à prendre un café ?


Rouge comme une pivoine, elle grimace. Lui reste calme, un brin charmeur.


— J’apprécie beaucoup votre proposition, madame Wang. Néanmoins, je suis tenu par un contrat de travail qui m’interdit de vous inviter…


Il regarde sa montre.


— … disons, pendant les quatre-vingt-dix prochaines minutes.

— Serait-il envisageable, alors, que nous nous appelions par nos prénoms et que nous nous tutoyions ?

— Je n’y vois aucun inconvénient, Élodie. Cependant, cela serait sympathique que tu fasses un choix.

— Euh… quelques détails supplémentaires, si ça te va.


Il hoche la tête.


— NostalgIA est une interface humain-machine. Elle génère des vidéos basées sur des données historiques. Qui dit IA, dit potentiel d’erreurs. Regarde les séries qui sortent sur les plateformes en ce moment, ça fait souvent sourire.


En effet, elle sourit. Et acquiesce.


— Sauf que NostalgIA n’est pas juste un générateur de scénarios insipides et sans aucun goût. C’est avant tout un outil de recherche en histoire et géopolitique historique. Pour l’instant, on ne peut remonter qu’à 1750, mais c’est déjà bien plus précis que tout ce qui existe sur le marché. Et, d’après le souci d’hier, peut-être trop précis.


Élodie baisse la tête. Elle retient une moue.


— Vous… Tu sembles déçue ?

— Non, ça vend du rêve. Mais j’ai un faible pour le seizième siècle.

— Ah ! L’apogée ottomane, Luther, Copernic, la chute aztèque, la fin de la période Sengoku ! Je te comprends parfaitement.


En l’écoutant énumérer l’ensemble des faits historiques qui la passionnent, elle ne peut pas le cacher. Elle est rouge comme une pivoine et réalise qu’elle le fixe un peu trop. Lui enchaîne sans ciller :


— Mais même sur la période post -1750, on trouve pas mal d’épisodes cruciaux. Vous… tu trouveras ton bonheur, j’en suis certain.

— Oui… c’est possible…

— Allez ! Tu verras, c’est incroyable. On tente ?


Elle valide d’un mouvement de tête.


— Contrairement à hier, je superviserai, alors on ne tentera pas un événement intime. Enfin, si ça te va ?

— Oui, oui. C’est rassurant de savoir que je n’y vais pas seule.

— Je préfère préciser. Ce n’est pas une machine à voyager dans le temps. Simplement un générateur de vidéos.

— Oui, évidemment.

— Bon. On passe à la traditionnelle récolte de données personnelles, histoire que CelestAIl monétise un peu ton profil…


Elle se ronge un ongle, le regarde pianoter.


Il entre :


Âge : 25


— Je n’ai pas vingt-cinq ans !

— Je te vieillis, c’est ça ? s’enquiert-il visiblement gêné.


Elle secoue la tête, il hausse les épaules.


— Alors ça restera vingt-cinq, insiste-t-il en lui faisant un clin d’œil.


Profession : mannequin, c’est obligé.

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82 commentaires

Akiria.s

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Il y a un mois

Est ce que finalement c'est si utile que ça de remplir le profil ? A quoi sert cette démarche ?

Anthony Dabsal

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Il y a un mois

À vendre des données personnelles

CallistoDione

-

Il y a 2 mois

Élodie semble être une personne qui se laisse facilement troubler… (J’imagine que c’est un choix voulu pour son personnage). Elle est très expressive ! On aurait pu la croire un peu naïve, mais elle capte rapidement les enjeux de NostalgIA et pose des questions pertinentes

Anthony Dabsal

-

Il y a 2 mois

Ça me va :-D

loup pourpre

-

Il y a 2 mois

L’homme est devenu une denrée dans le futur ? Il faut dire qu’il est craquant, gourmand de regard, onctueux dans ses propos et peut-être délicieux quand on l’a sous la main.

Anthony Dabsal

-

Il y a 2 mois

Des beaux blonds, aux yeux jaunes ^^

Leo Degal

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Il y a 2 mois

Quel dragueur, celui-là... misère !

Anthony Dabsal

-

Il y a 2 mois

Misère ! ^^

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Mannequin 25 ans, mais quel charmeur ce Stéphane. NostalgIA me fait rêver et je donnerai tellement pour pouvoir l'essayer.

Anthony Dabsal

-

Il y a 2 mois

Euh... pas sûr, crois-moi XD
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