Fyctia
Chapitre 3 — partie 1/3
Dring !
Boum ! Boum !
— Élo ! J’entre !
Le bruit d’un trousseau de clés retentit, suivi de celui de talons — bottes ou bottines, on ne sait pas trop.
— Ah ! Mais quelle heure il est ? Mon réveil a pas sonné… enfin… je crois.
— Déso, Élo, je passais par là. J’ai pris des cinnamon rolls. Mais c’est vrai que c’est de bonne heure pour toi.
Élodie consulte sa montre.
— Sept heures ! Non ! C’est trop tôt !
— Je vais te laisser tranquille alors. Ça te dérange pas si je te pique un café avant de partir au taf ?
— Zoé, relax… fais comme chez toi. Mais laisse-moi dormir.
Brr ! Grr ! Pshiiiit !
— Pourquoi cette machine est-elle aussi bruyante ? Je file prendre une douche, ça va me réveiller. Tu m’en fais un et m’attends pour le roll ?
— T’inquiète, sœurette !
Sous le jet brûlant, Élodie active l’interface de sa lentille. Un message non lu de Nourredine :
— J’t’en ferai des poulettes ! Ducon !
Elle cligne des yeux, soupire, puis coupe l’eau. Vêtue à la hâte, sa serviette sous le bras, elle retourne dans le salon — non sans abandonner la serviette au passage. Zoé attend. Les roulés à la cannelle aussi.
Petit échange routinier. Un sourire pour Zoé, trop matinale et guillerette ; un grognement pour Élodie, peu encline à la conversation. Deux ou trois commentaires sur le temps, la fatigue, le travail. Un café coule, un juron fuse, un rire timide jaillit.
Soudain, un déclic : Élodie se fige, la tasse à mi-chemin. Ses sourcils se froncent et ses lèvres se pincent.
— J’ai accepté d’essayer le produit de l’autre tache.
— Ah ? Qu’est-ce qui t’a décidée ?
— J’sais pas trop. Sûrement que je suis trop bête pour agir logiquement…
— Dis pas ça !
Elle avale une gorgée de café et grimace. Puis elle continue :
— C’est qu’au fond, je le sens pas, ce coup. Tu m’assures que vous ne cherchez pas à me faire une mauvaise blague, et comme Nono avait l’air vraiment perturbé hier, j’me suis dit que j’allais te partager ma position GPS. Au cas où ?
— Élo ? La grande Élo ? Celle qui n’a peur de rien ? Toi ? Tu deviens parano ?
Zoé se met à rire puis s’arrête aussitôt : le visage de sa sœur est trop crispé.
— C’est pas vraiment de la peur. Plutôt de l’angoisse. Je me doute que c’est infondé, mais s’il te plaît, tu veux bien ?
— Ça me coûte rien et si ça te rassure. Partage !
— Merci…
Élodie ouvre sa console oculaire, procède à l’appairage de sa position en continu avec Zoé. Quelques secondes plus tard, les LingPods de cette dernière vibrent.
— C’est accepté ! annonce Zoé, en tirant la langue.
— Merci, Zoé.
— T’es trop tendue. J’te jure, on croirait voir papa.
— Outch !
Les mains d’Élodie se portent à sa poitrine, un faux air de tragédie. Elle mime la mort.
— Rho ! Mais tu m’as comprise ! Bref ! Je connais un mec qui bosse avec Nono, Stéphane. Il faut vraiment que tu le rencontres. Ça te ferait du bien.
— La flemme…
— Pourtant, il est beau gosse. Et ça ne le dérange pas, les filles comme toi.
— Comme moi ? Jolie et stylée ?
— Timbrée, tu veux dire !
— Sale peste !
Les deux frangines rient de bon cœur et croquent — voire dévorent — leur roulé. La montre de Zoé vibre brusquement : il est temps de partir. Elle claque une bise à sa sœur avant de s’éclipser, non sans la taquiner une dernière fois.
— Qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre ? J’aurais pu dormir une heure de plus.
Élodie hausse les épaules. Si le fameux Stéphane travaille avec Nourredine et qu’il est mignon, autant soigner un minimum son apparence. Elle file devant l’armoire. Pas de top sexy, pas de collants aguicheurs. Juste deux ou trois tenues d’hiver « normales ». Un gilet assez ajusté, une jupe pas si courte, des bottes pas trop usées.
Elle jette un œil au miroir. Une petite moue face à sa petite mine. Un coup de brosse, un soupir, une lichette de mascara. Puis elle attrape manteau et sac, claque la porte derrière elle.
Le métro, fidèle à lui-même : chacun dans sa bulle, hormis le vigile qui contrôle l’identité. Son regard tombe sur une vieille photo d’Élodie enfant : le contraste est tel qu’il s’attarde un peu. Un peu trop. Finalement, un bref hochement de tête : elle passe.
Une demi-heure plus tard, elle est déjà devant le musée. Vingt minutes d’avance au bas mot. Le vent glacial lui mord les cuisses : mauvaise idée, la jupe.
— Élodie Wang ?
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Alsid Kaluende
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Il y a 5 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
Anthony Dabsal
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Il y a 2 mois
Merle Hewitt
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Anthony Dabsal
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Il y a 2 mois
Nicolasm59
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Il y a 2 mois
Anthony Dabsal
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Il y a 2 mois