Fyctia
Chapitre 2 — partie 4/4
La traversée du quai de métro semble interminable : ascenseur, contrôles d’identité, portique automatique. Elle jette un œil nerveux autour d’elle, se remémore le vertige causé par NostalgIA, souffle un grand coup.
Enfin, l’air glacial à la sortie. Sa montre indique le lieu de rendez-vous, son pouls ralentit à peine.
Au bout de quelques centaines de pas, elle aperçoit Zoé devant la terrasse. Deux sourires se croisent, un baiser sur la pommette, quelques phrases classiques : « Ça va ? », « T’as pas trop froid ? ». Deux bières fraîches plus tard, elles s’installent dans un coin plus calme.
— T’as vu un fantôme ? demande Zoé.
Élodie nie, mais se mord l’intérieur de la joue. Elle se tait : accord de non-divulgation oblige.
— Zoé, dis-moi, tu sais si Nono me prépare un sale coup pour mon anniversaire ?
La cadette fait la moue.
— Non, j’crois pas.
— Ouf. Tu me rassures. Il ment mieux que toi ! J’ai failli gober sa connerie d’IA.
Les yeux de Zoé, déjà bien en amande, deviennent tout ronds. Ses sourcils remontent. Son front se plisse à la façon d’un carlin surpris.
— Qu’est-ce que tu racontes ? T’as repris la fumette ? C’est Nono qui t’a fait replonger ?
— Mais, allez ! Ça suffit maintenant, je sais que vous me faites marcher ! T’es pas cool Zoé !
— Je vais lui dire deux mots ! Des mois, tu m’as soûlée en arrêtant ! Des mois !!
— T’es vraiment pas au courant ?
— Non !
— Sûre ?!
— Tu me prends pour qui ?
Le visage d’Élodie se renfrogne une fois de plus.
— Il n’a pas prévu de blague ?
— J’en sais rien ! Tu me prends la tête !
La montre d’Élodie vibre. Nourredine lui écrit : « On déplace le modèle d’expo au Musée de l’Homme » — toujours pas renommé « de l’Humain », ce qui agace beaucoup Élodie. « On t’attend demain, pour un nouveau test. Please, viens ! »
— « On » ? Mais c’est qui, ce « on » ?
— Euh… tu divagues, Élo…
— Je viens de recevoir un message de Nono. Il a un cadeau d’anniversaire pour moi, mais c’est trop bizarre. Je peux pas t’en parler, mais c’est pas très éthique. Le problème, c’est que ça touche à l’Histoire. Et tu me connais…
— Donc tu vas y aller, ça va foirer et tu vas chouiner dans mes jupes, c’est ça ?
— Un peu, oui…
— Vous changerez jamais, vous deux. Deux ados !
— Et maintenant, il me dit qu’ils m’attendent demain, mais je sais pas qui sont ces « ils ». Il sera avec qui, cet abruti ?
— Des assistants ? Des connards de son genre ? Des meufs décérébrées ?
— T’es dure avec lui.
— Et toi, t’es trop bête. Tu lui pardonnes tout. T’es vraiment prête à tomber dans son plan foireux pour ta passion pour l’Histoire ? Encore ?
Élodie se frotte le menton, plisse les lèvres.
— Oui et non !
— Tu viendras pas pleurer si c’est une connerie ! La nuit porte conseil, sœurette.
Le repas se déroule sans éclat particulier : un plat basique, quelques questions sur la famille, le boulot, des silences. Puis découlent des anecdotes insignifiantes sur un passé qu’Élodie pensait intouchable. Un bref « au revoir » sur le trottoir, et chacune part de son côté.
De retour à son appartement, Élodie s’affale sur son canapé. Les écrans s’allument, proposant des films à gros budget des années 2030. Elle sélectionne les pires, bourrés d’explosions et de dialogues creux — ce n’est pas ce qui manque. Un pot XXL de glace en main, qu’elle racle jusqu’au fond, sans grand réconfort.
Le soir, elle commande une pizza trop grasse, agrémentée de frites surgelées. Un cocktail industriel de sauces et de sodas. Ses paupières s’alourdissent. L’angoisse plane. Des frissons la parcourent. Elle éteint tout, s’enferme dans sa chambre, ferme les yeux tant bien que mal. Impossible de s’endormir.
La nuit devrait être réparatrice… Pourtant, son esprit dérive : elle revoit Nourredine qui la supplie, ses propres larmes dans ce « plus beau jour de sa vie », le déjeuner bancal avec Zoé. Les images la secouent : elle sursaute, suffoque, transpire. Des cauchemars l’assaillent.
Puis quatre piaillements. Sa montre indique 3 h 47. À l’aide du support visuel de ses LingPods — ou de ses USS, elle ne sait plus —, elle envoie un message à Nourredine :
— Putain, quelle conne ! Demain, c’est déjà aujourd’hui, marmonne-t-elle avant de replonger dans un semblant de sommeil.
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Alsid Kaluende
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Louisa Manel
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mima77
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Gottesmann Pascal
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