Fyctia
Chapitre 2 — partie 2/4
Après une longue — très longue — série d’expirations, Élodie jette l’éponge et se place comme il le lui demande.
— Et du coup, je fais quoi ?
Cinq, dix, trente secondes passent. Sans réponse. Il est là pourtant, occupé à fouiller dans le bazar de son bureau. Puis, entre deux bruits de papier froissé, Nourredine s’approche et tente d’attraper son lobe d’oreille droit. La réaction ne se fait pas attendre, elle le repousse aussitôt.
— Mais laisse-toi faire, un peu !
— Si tu préviens pas, j’peux pas deviner !
Leur perpétuelle chamaillerie suscite quelques regards curieux, vite détournés par l’attrait d’un café gratuit. Finalement, il saisit le fameux lobe et lâche sur-le-champ.
— Putain, t’as cette connerie de truc chinois. Des LingPods, pff !
— Et je peux savoir ce que t’as contre les Chinois ?
— Leurs produits, c’est de la merde…
— Merci ! Sympa !
— Mais j’dis pas ça pour toi. Et puis t’es pas chinoise.
— Ouais, bon, mes grands-parents l’étaient. C’est pas de ma faute si je peux pas me vanter, comme toi, d’avoir cinq générations de Français dans mon arbre généalogique.
Elle lève les yeux au ciel, secoue la tête et mord sa lèvre.
— Non ! Attends ! J’aurais pas dû dire ça…
— C’est good, Nono, garde-le ton cadeau. J’te pensais pas comme ça, c’est tout…
Elle attrape ses affaires ; il se place en croix devant la porte.
— Élodie… je t’en supplie. J’ai dit ça parce que tout le monde sait que les LingPods, c’est juste un puits de données volées par Pékin. J’ai rien contre eux et encore moins contre ta famille. Alors, pardon.
— Parce que les USS de ta chère boîte CelestAIl, c’est mieux ?
— Je bosse pour eux, donc forcément, je pense que les Ultra Sight Stratus sont meilleurs que les LingPods.
— Tu devrais réviser l’histoire du début du siècle. Tu comprendrais que l’un ou l’autre, c’est du pareil au même…
— T’as sûrement raison. Pardon. Je râlais juste parce que les LingPods sont pas encore compatibles avec NostalgIA.
— J’ai pas d’USS, fin du débat.
— Je vais t’en passer, s’il te plaît, reste. J’te fais confiance, alors reste.
Nourredine recule, baisse la tête et fait tournoyer son badge. Ses épaules, pourtant droites une seconde plus tôt, retombent comme un arc médiéval trop bandé — l’arme préférée d’Élodie. Sans un mot, il quitte la pièce et file dans le couloir. Ses semelles couinent sur le carrelage trop lustré.
Élodie demeure figée.
Ses mains agrippent la bandoulière de son sac jusqu’à faire blêmir ses jointures. Ses doigts craqueront-ils avant elle ?
Son regard dérive vers l’immense open space, le plafond, puis la seule plante verte posée près des machines à café. Son pied droit frappe nerveusement le sol. Elle amorce un pas, se ravise, pivote sur elle-même. Quelques employés, sûrement les mêmes curieux de tout à l’heure, arborent un haussement de sourcil, mais continuent leur route.
Finalement, elle ramène son sac contre sa hanche, hoche la tête vers personne en particulier et s’approche de la porte de sécurité. Elle soupire, serre son badge de visiteur, scanne le code. Le témoin lumineux vert clignote : elle passe le seuil d’une démarche décidée, le regard rivé au sol.
Juste derrière : Nourredine, revenu en trombe, badge encore à la main, goutte de sueur au front.
— Putain, j’suis arrivé à temps !
— C’est bien ma veine, murmure-t-elle assez fort pour qu’il entende.
Ignorant la pique, il enchaîne d’une voix chantante — et essoufflée comme un bœuf :
— J’ai vu avec Stéphane, mon assistant. On avait une paire en rab. Pas le modèle dernier cri, mais… tiens, je te les donne. Normalement, c’est compatible et avec ta montre chinoise et avec NostalgIA.
Visiblement résignée, elle saisit les Ultra Sight Stratus tendus par son ami, les enfile et le suit.
De retour dans le bureau minuscule, elle s’installe sur une chaise en métal. Nourredine pianote quelques minutes sur son clavier tactile, non sans jurer contre l’appareil qui « bugue », puis lui apporte une tablette.
— Bon, tu vas me dire à quoi ça consiste ton machin ? fait-elle, de plus en plus menaçante.
— J’y viens, j’y viens. Pour quelqu’un qui voulait s’enfuir, y’a un quart d’heure, t’es vachement curieuse.
— Tu me teases ça comme le truc du siècle, un bidule qui va changer ma vision du monde ! Tout ça pour finir par insulter mes ancêtres et qu’en plus…
Les doigts auront craqué en premier.
— … tu mettes trois plombes à m’expliquer.
— Sur la tablette, tu verras une interface. Ça te demandera quel épisode tu désires visionner. Tu inscris ton choix et tu laisses la projection se lancer via tes USS. Après, tu me diras si c’est pas un truc révolutionnaire !
Élodie baisse les yeux vers l’écran d’accueil de NostalgIA : un fond noir, quelques icônes fluorescentes, un « N » bleu stylisé qui flotte au centre. Des champs à remplir : âge, profession, événement recherché…
Elle pianote :
Âge : 31
Profession : Professeure d’histoire-géographie
Événement désiré : Le plus beau jour de ma vie
52 commentaires
Alsid Kaluende
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Akiria.s
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Anthony Dabsal
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