Anthony Dabsal Surprise Chapitre 2 — partie 1/4

Chapitre 2 — partie 1/4

Une vibration débute son œuvre. D’abord légère, elle devient rapidement sourde, brusque. Puis une chanson d’autrefois retentit : Shoka, une composition d’Ado, cette chanteuse décédée il y a quatre ans, à un âge vénérable. Quatre-vingts ans : c’est de plus en plus rare de nos jours.


7 h 45. Le bracelet pourrait presque se déliter tant il s’agite. Sa porteuse, elle, gémit.


— Putain, Nono, tu fais chier !


Elle appuie machinalement sur sa montre ; la voix de la diva sur des airs rock s’interrompt. Les rêves reviennent. Soudain, le piaillement d’une alouette ! Huit sifflements aigus qui viennent à bout du sommeil d’Élodie.


— Et merde ! Pourquoi j’ai récupéré cette connerie ?

— Cette horloge est un legs de votre défunte grand-mère.

— Mais ta gueule, la montre ! J’t’ai rien demandé !

— Mode silencieux activé.


La douceur onirique s’envole. Tout comme la bonne humeur d’Élodie. Après un long étirement et trop de bâillements pour être comptés, elle se lève, titube maladroitement jusqu’au saint Graal : la machine à espresso. Un triple bien serré pour démarrer la journée, suivi d’une douche, d’un maquillage rapide, d’un habillage express. Le train-train habituel — pourtant inhabituel en période de congés.


Encore ensommeillée, elle attrape son sac, noue une écharpe autour de son cou et claque la porte derrière elle. À peine a-t-elle eu le temps d’émerger de sa torpeur, la voilà déjà aux côtés de Nourredine et d’une secrétaire manifestement mal lunée.


— Élisa ! S’te plaît, file la feuille des trucs confidentiels.


La femme blonde, coupe au carré, tape frénétiquement sur son clavier. Elle lit ses notes à l’écran, puis dirige son regard vers un Nourredine qui sautille comme un enfant — ou une puce, voire un enfant qui aurait des puces.


— Nourredine, je ne trouve aucun résultat pour « la feuille des trucs confidentiels ». Je suis désolée.


Cinq minutes s’écoulent. Élodie, qui ronge son frein, finit par s’immiscer dans la conversation et traduit pour la secrétaire, dépassée par les demandes nébuleuses du jeune homme.


— Ah ! Un accord de non-divulgation !? Il fallait le dire tout de suite !


Un nouveau ballet de doigts sur l’interface tactile, des commentaires désabusés, trois interventions d’Élodie pour que finalement, Nourredine tienne enfin en main le fameux papier.


— Pourquoi vous imprimez encore, dans votre boîte ? s’étonne Élodie en levant un sourcil.

— C’est parce que c’est vraiment top secret défense, et tout !

— Non, c’est sûrement pas secret défense… Mais bref, passons.


Élodie dévisage Nourredine, qui reste planté là, bras ballants et traits tirés.


— Bon, tu fous quoi ? Tu me files cette putain de feuille que j’te la signe !?

— Ah ! Oui ! Pardon…


Elle s’empare du document, le survole. Rien d’inhabituel pour un accord de non-divulgation. Elle fouille alors son sac, en sort un vieux stylo-bille, souffle dessus, griffonne sur sa semelle pour vérifier qu’il fonctionne. Elle paraphe, ratifie et ajoute « lu et approuvé ». À présent, elle n’a plus le droit de parler des événements à venir concernant NostalgIA.


Elle rend la copie à son ami, dont le sourire béat contraste avec sa propre expression fermée.


— Trop bien, je vais pouvoir te montrer ton cadeau. Crois-moi, j’ai dû batailler ferme pour t’autoriser à l’essayer en avant-première !

— Ouais, ouais. J’avale toujours pas ton histoire. Tu m’as déjà fait pire comme coup.

— Ça y est, trois blagues et on n’est plus crédible à vie, avec toi !

— Tu m’as quand même suppliée de parcourir mille kilomètres, je cite : « pour me sauver la vie ». Une fois arrivée, je trouve un carton avec écrit dessus : « Tu t’es fait avoir ! ».

— Ça va, j’avais vingt ans. Je suis moins immature maintenant.

— Mouais… y’a intérêt !


Ils passent alors les portiques de sécurité. L’ambiance change du tout au tout : un vaste open space sous des néons blancs et aveuglants, parfaitement alignés — au millimètre. Des écrans ultra-fins — certains aussi grands que des portes, d’autres plus modestes, à la taille d’un post-it électronique — recouvrent murs et mobilier. Sur les bureaux, autant de tasses d’espresso à moitié vides que de terminaux dernière génération : un capharnaüm où nappes de câbles, piles de dossiers — décidément, ils adorent le papier ici — et lueurs colorées se chevauchent sans complexe.


Au fond, un coin détente doté de trois machines à café high-tech attire plus de monde que les ordinateurs eux-mêmes. Les scientifiques — ou du moins, ceux qui, comme Nourredine, portent une blouse blanche — pianotent parfois sur des claviers tactiles — en projection à pseudo-hologrammes —, tandis qu’en toile de fond, d’interminables lignes de code défilent à une vitesse affolante. Un léger bourdonnement de serveur surdimensionné enveloppe l’ensemble dans un brouhaha permanent. Nettement moins agaçant qu’une classe d’ados surexcités.


Élodie comprend tôt pourquoi Nourredine y travaille. Ici, l’IA œuvre seule : elle brasse des téraoctets de données, calcule des algorithmes improbables, recoupe en temps réel des milliards d’images. L’humain, en somme, sirote son cappuccino pendant que la machine fait le plus gros.


Ils traversent ensuite une porte vers une pièce à part : minuscule, sans fenêtre, trop éclairée, décorée à la va-vite. Aucun doute ! Il s’agit du bureau du docteur responsable du projet NostalgIA… autrement dit, Nourredine.


— T’as vu cette splendeur ?! C’est pas fou, ce bureau, ce boulot ? S’extasie-t-il.


Elle reste presque impassible. Un tressautement naît parfois le long de ses lèvres. Ses yeux se plissent ; cela ne dure pas plus d’une seconde. Sans doute pour dissimuler son envie de ricaner.


— Bon, tu me montres ce cadeau, qu’on en finisse…

— Ah ! J’savais que t’étais impatiente. J’te connais par cœur, arrête de faire ta tête de cochon. Gruik Gruik !


Le rire qu’elle retenait s’échappe enfin.


— Oui, j’avoue. Tu m’en as mis plein la vue. Allez, vas-y. Je veux voir ce que c’est. Et pas d’entourloupe !

— Non, non, non ! On va d’abord jouer un peu, parce que j’adore t’embêter. Et deuzio… bref. Tourne-toi, s’te plaît.

— J’aurais dû m’en douter…

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56

56 commentaires

Alsid Kaluende

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Il y a 5 jours

Like de fin de concours 🙂

Flopinette

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Il y a un mois

Cette longue attente risque de créer de la déception (les attentes grandissent avec l’attente…) On a envie d’en venir au fait, d’autant qu’on n’apprend pas grand chose sur les protagonistes dans ce morceau de chapitre

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Nourredine est toujours aussi taquin. Franchement faire 1000 bornes pour se retrouver devant un panneau Tu t'es fait avoir il y a de quoi en vouloir à son ami, même des années plus tard.

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Il ne s'en rend pas compte ^^

Mapetiteplume

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Il y a 2 mois

Il y a moins de dialogue je trouve mieux mais je trouve long le côté mystère depuis le début.

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Comme je l’ai mentionné dans certains commentaires, j’ai voulu poser dès le début les défauts de mes personnages (dont le défaut fatal d’Élodie). Je suis conscient que ce choix rallonge un peu l’introduction et n’est pas forcément dans les standards actuels, mais c’est la meilleure solution que j’ai trouvée pour l’instant. Il me fallait faire un choix : retravailler de suite et ne pas inscrire au concours. Ou inscrire et "on verra" XD Cela dit, en ayant maintenant plusieurs retours, je vois mieux ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré. Les deux premiers chapitres servent de vitrine. C’est vrai qu’ils méritent une réécriture pour mieux capter l’attention. La suite du roman, je pense, est meilleure. Mais, les lecteurs me diront ^^ En tout cas, avoir différents points de vue m’aidera à affiner le début lors d’une prochaine réécriture. Merci encore pour ton commentaire ! :-D

Leo Degal

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Il y a 2 mois

Très belles descriptions, je trouve 👌 Je suis toujours un peu interdite par les échanges entre les deux personnages, que je trouve toujours un peu étrangement théâtraux, je ne sais pas l'expliquer... Peut-être à cause du ton... 🤷🏼‍♀️ (ou alors je flaire une imposture qui m'empêche de les prendre au premier degré... c'est de ta faute, Anthony, avec ta tendance aux trucs "méta"...)

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Tu flaires un imposture ? Chez moi ? Je ne vois pas pourquoi tu penses ça XD

Nicolasm59

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Il y a 2 mois

Oui, je trouve aussi que le suspense est un peu trop long. Ou alors à la place d'une signature d'accord de non divulgation certainement très "vintage" en 2086, en profiter pour amener un premier élément de rupture technologique pour préparer le lecteur ?

Anthony Dabsal

-

Il y a 2 mois

Je comprends très bien. Le gros problème c'est surtout ces 7k caractères. Je suis bien obligé de couper quelque part mon chapitre. Mais j'entends très bien que c'est sûrement un peu long.
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