Anthony Dabsal Surprise Chapitre 1 — partie 3/3

Chapitre 1 — partie 3/3

Un chant aigu fend l’air du salon. Sur le mur, au milieu d’écrans ultraplats et de meubles KaguXion aux lignes épurées — tendance 2086, paraît-il —, se dresse un vestige d’un autre temps : une horloge en bois sculpté. Les aiguilles dorées achèvent de frémir tandis qu’une petite alouette mécanique, logée dans un compartiment, lance onze piaillements. Puis l’oiseau retourne à son abri. Le cadran se fige. Scène théâtrale d’une époque révolue, répétée chaque heure. Même en 2086, certains objets savent encore faire chanter l’Histoire — semble-t-il.


— T’es là depuis une heure ? s’inquiète-t-elle.

— Jamais de la vie ! Elle n’est pas à jour ta vieillerie ! C’est 10 h 47 !

— Bon, à onze heures je dois rejoindre ma sœur en ville pour bruncher. Donc, grouille !

— En fait, on a développé NostalgIA.

— Et c’est quoi ce machin ?

— C’est là que je peux pas tout dire. Le seul truc à retenir, c’est que ça va changer ta vie ! Ça, tu peux en être sûre et certaine !

— Pff ! Dire que j’ai presque failli croire à ton histoire !

— Mais…

— Pas de mais ! J’te connais mieux que ta mère. À d’autres, s’te plaît.

— Mais… laisse…

— Chut !


Elle pose un doigt tout près de son oreille, comme pour couper court à la discussion.


— Voilà, c’est mieux quand t’essaies pas de me prendre pour une truite. Attends-moi là, tu vas m’accompagner jusqu’au métro, ça t’apprendra à me pigeonner.


Sans lui accorder le temps de répliquer, elle court dans la salle de bains. Devant le miroir, elle se brosse les dents et se maudit de son allure pitoyable : pourquoi ne peut-elle pas ressembler à ces influenceuses ? Elles défilent partout, elles. Élodie, elle, ne marquera sans doute pas l’Histoire.


Un peu de fond de teint. Une touche de mascara. Une cuillère à thé de sucre — dans le café que Nourredine s’est servi. Elle revient dans le salon tandis que son ami se brûle la langue pour la troisième fois.


— Élo, vraiment, il faut que je prévienne le labo. Alors, dis-moi au moins si tu veux venir voir de quoi je parle.

— T’es encore sur cette rengaine ? Il faut vraiment que je me lève à 7 h tapantes, pendant mes congés, pour une de tes blagues vaseuses ?


Nourredine arbore soudain un air de chiot battu. Ses sourcils se rejoignent, sa bouche forme une petite moue, sa lèvre inférieure tremble comme celle d’un gosse pris en faute.


— Putain, je vais pas pouvoir dire non si tu me fais ta tête de Chat botté.

— Le Chat botté ? T’aimes effectivement que les trucs de vieux. T’es carrément une vraie prof d’histoire ! Mort de rire !

— Bon alors ?

— Nono, non. Je ne me ferai plus avoir. C’est sympa de vouloir me trouver des occupations débiles, mais j’ai mieux à faire.

— On se demande bien quoi ? T’as pas de copain, pas de chien. T’aimes pas les boîtes de nuit. Et tu t’arranges pour corriger tes copies avant tes congés.

— Mater les films du siècle dernier ! Ça, c’était du cinéma !

— Mouais, si tu le dis…

— Et puis, je fais ce que je veux ! Non mais oh !

— Ne viens pas râler quand NostalgIA sortira et quand tu auras pris quatre kilos !

— Moi ! Je râle jamais ! Alors ! Hein ?!


Sa montre vibre à son poignet. Elle se relève aussitôt, attrape ses LingPods éparpillés sur la table basse et les cale dans ses oreilles. Dans son champ de vision, la vidéographie en réalité augmentée se déploie, superposée au décor.


« Appel entrant : Zoé ».


— Élo ! J’aurai un peu de retard, mais le rendez-vous tient toujours !

— Vu comme t’es échevelée, t’as passé la soirée avec quelqu’un. Je le connais ?

— Et toi, t’as encore mal réglé l’affichage de ta montre. Je vois la gueule enfarinée de Nono !


Élodie active le partage d’écran avec son frère de cœur.


— Salut, Zoé ! Comment va la sœur préférée de mon amie préférée ?

— Au fait, Nono ! Je connais un mec qui bosse avec toi ! Stéphane !

— Oh ! C’est bon ? Appelle-le-lui si tu veux lui parler ! s’insurge Élodie.

— Ma grande sœur n’est toujours pas aimable à ce que je vois ! T’as qu’à proposer à Nono de venir grailler avec nous ce midi.

— Il me semble qu’il va bouffer le couscous chez mamie.

— Et il peut pas nous inviter ?

— Non, je préfère pas. Sinon, demain je me transforme en éléphant. On mange trop chez elle.

— Eh ! Oh ! Le couscous c’est…, commence-t-il.

— Bon, à plus Zoé, coupe Élodie en mettant fin à l’appel.

— … ce soir, achève Nourredine, frustré.

— Nono, tu ne croyais quand même pas que t’allais t’incruster. J’ai vu les regards que tu portes sur ma sœur !


Il bondit, subitement sur la défensive. Son visage d’enfant battu — ou de Chat botté — disparaît, remplacé par l’indignation de celui qui se sait pris la main dans le sac.


— Mais ça va pas !

— Ça va, je te taquine. Ne le prends pas comme ça. En vrai, ça serait sympa que tu fasses vraiment partie de la famille !

— Elle ne voudra jamais de moi. J’ai pas été cool avec toi à l’époque et je sais que ça la freine.

— J’en apprends des choses ! s’amuse-t-elle en se frottant les doigts. Alors comme ça, mon meilleur ami et ma sœur se tournent autour ! Mwahaha ! J’ai le pouvoir de tout faire capoter !


Nourredine s’agenouille, chevalier servant implorant sa princesse. Son regard s’enfonce dans celui d’Élodie tandis qu’il saisit délicatement sa main, paume contre paume. Il la fixe, un cocktail malice-défi dans les yeux. Un sourire en coin se dessine sur ses lèvres. Une fossette discrète apparaît sur sa joue. Ses épaules s’abaissent. Il penche ensuite la tête et, en retenant un rire, la sollicite :


— Allez ! Viens au labo demain ! Comme t’as dit, si je mens, tu peux me ruiner le coup avec Zoé ! Je te fais souvent des blagues, mais là, c’est vrai. J’ai pas d’autre cadeau pour toi, à part ça !

— Relève-toi !

— C’est que j’ai testé ce truc. Et franchement ! Waouh ! J’ai vu la finale de la coupe du monde de foot. Tu sais, la quatrième victoire de la France… Merde ! J’en dis trop…

— C’est bon, je viendrai ! Mais je te promets…

— Ouais, j’ai capté. Tu m’étrangleras ou m’éventreras, ou autres joyeusetés, si jamais j’te mens.

— T’as tout compris ! T’apprends vite ! Et…

— Yep ?

— C’est pas que sur le foot ?

— T’inquiète… mais prépare-toi à être secouée.


Justement, elle secoue d’abord la tête. Puis elle sourit, franchement, le visage radieux. Un sourire sincère, qu’elle ne contrôle pas. Même si, au fond, elle regrette peut-être d’avoir accepté.


Quelle blague ! Évidemment qu’elle le déplore déjà !

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87

87 commentaires

Magui Sa

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Il y a un mois

Oh!dans ce chapitre un indice capital et intriguant, il me tarde d'en apprendre un peu plus 👍

Anthony Dabsal

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Il y a un mois

Ah oui, en effet, tout est dans ce chapitre ^^

Louisa Manel

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Il y a un mois

La majorité de ce premier chapitre étant fait de dialogues, j'ai eu l'impression de lire une pièce de théâtre. C'est dynamique et en même temps on récupère des infos essentielles : la relation de "je t'aime, moi non plus" d'Elodie et Nourredine, l'une avec un caractère bien trempé et l'autre en version tombeur-gaffeur, l'époque dans laquelle ils vivent, et ce cadeau d'anniversaire mystérieux. Quelques incises permettraient peut-être de rendre plus fluide le suivi des conversations.

Anthony Dabsal

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Il y a un mois

Non, si je n'avais pas merdé dans le collage, il n'y aurait pas eu besoin de plus d'incise. Mais, je dois le reprendre pour corriger (surtout l'oubli de coller un dialogue sur le précédent ^^). L'italique de Zoé, lui est déjà présent dans mon format word. Merci pour ta lecture :-)

Akiria.s

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Il y a 2 mois

On découvre subtilement l'univers futuriste de ton histoire. Les dialogues sont fluides. Les personnages sont attachants. Contrairement au chapitre précédent celui-ci à un peu plus de descriptions d'action, ça rend bien.

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

En vrai, c'est le même chapitre. Techniquement ils ne sont pas "sécables". Mais la limite des 7k est là ^^

Akiria.s

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Il y a 2 mois

Pardon, je me suis fait avoir, car au-dessus, c'est écrit Chapitre 2 - 1/4. Je ne suis pas encore habituée à l'interface de Fyctia. En effet, tjs le même chapitre.

mima77

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Il y a 2 mois

J'aime beaucoup les personnages de Nourredine et d'Élodie. On sent que le lien qui les units est fort. Ils sont drôle et attachant. En un chapitre (3 sur fyctia) tu a réussi à me les faires apprécier. Leurs joutes sont drôle et ils m'ont fait rire. J'ai juste eu une incompréhension entre la fin de la partie 2 et le début de la partie 3 ou tout à coup, Elodie rouspète car il veux qu elle se lève a 7h pour aller au labo, alors qu'il ne me semble pas que Nono le dise avant( pour l'horaire). Mais en soit ce n est pas très grave. Peut-être un peu plus de détail sur leurs gestuelles et postures durant les dialogues pourrait ajouter un plus.

mima77

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Il y a 2 mois

Je voulais aussi ajouter: même si je chipote pour la gestuelle et posture de tes perso, je trouve que tu maîtrise vraiment bien les dialogues, ils ont du mordant et sont entrainant. Ta plume jusque la est dynamique, immersive. Bref j'aime beaucoup ce premier chapitre. En plus le sujet a l'air d'être très intéressant

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Merci, c'est très sympa. Pour l'horaire, je suis parti du principe qu'ils se connaissent et donc qu'elle sait à l'avance à quelle heure il va la forcer à se lever. Mais, en effet, ce n'est pas forcément évident ^^ (c'est toujours sympa ce type d'avis pour ça ^^). Pour ce qui est de la gestuelle, je voulais vraiment décrire la surréaction d'Élodie dans le dialogue. Sans le marquer encore par la narration. Je trouvais qu'en terme de rythme narratif, ça serait plus pertinent avec la suite (surtout la fin du roman). Tu soulèves par contre des points que je ferais relire attentivement à mes bêtalecteurices (qui ne savent pas encore qu'ils et elles seront désigné.es volontaires XD) Merci, encore !
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