Fyctia
Chapitre 1 — partie 2/3
Les yeux d’Élodie semblent sortir de leurs orbites. Elle n’avait jamais vu Nourredine aussi sûr de lui : debout, bras en l’air, sourire ravageur. Elle pourrait presque le trouver mignon s’il n’était pas un tel coureur de jupons.
— Tu m’intrigues, avoue-t-elle un peu à contrecœur. Balance la sauce, man !
— Naaan ! J’ai mieux, beaucoup mieux !
— Mais putain ! Tu ne vas pas recommencer à faire ton mystérieux ! Pas avec moi ! Tu veux quoi, que je me mette à genoux devant toi ?
Elle s’exécute sur-le-champ.
— Ô Saint Nono ! Toi qui es si grand ! Balance la sauce si tu veux pas que j’te fracasse les dents !
Les deux amis éclatent de rire, comme lorsqu’ils étaient enfants. Le Monopoly où les hôtels servaient de projectiles, le Mastermind — véritable arme de guerre… Élodie repense à ce jour où elle avait déguisé Nourredine en pirate-lapin et s’était contentée, elle, d’un costume de Croupy. Pas banal à quinze ans !
— Allez ! Lève-toi ! Je t’ai dit que j’avais mieux, pas que j’allais pas t’en parler.
— Mais abrège ! T’es toujours aussi lent pour raconter un truc de deux minutes.
— Tu veux un autre café ?
— Je te jure devant dieu que si tu lèves ton cul pour faire du café, je te le fais avaler avec la tasse.
— Je considère ça comme un oui, lance-t-il en lui faisant un clin d’œil.
— Oui, susurre-t-elle avec un rictus. Mais fais fissa !
Et il prend tout son temps. Une langueur digne d’un film de la Nouvelle Vague, l’émotion en moins. Finalement, lorsque les espressos sont servis et l’attente interminable bouclée, Élodie le menace. Du doigt et du regard.
— Tu vas bientôt me dire ?
— Mieux ! Je vais te montrer !
— À d’autres ! Pff !
— Non, j’te jure. T’es bien en congé cette semaine ?
— Ça dépend pourquoi. Si c’est pour me présenter encore un de tes supers potes, parce que « vous iriez trop bien ensemble », et que le mec finisse imbuvable, colérique, toujours persuadé d’avoir raison, surtout quand il a tort… Non merci !
— Ouais, ne plus présenter des copies conformes d’Élo à Élo, souffle-t-il entre ses dents.
— Tu crois que j’t’ai pas entendu ? Ducon !
— Madame Élodie va-t-elle assurer le contraire ? demande-t-il en prenant un ton faussement aristocratique.
Paf ! Elle lui lance un coussin en pleine figure. Riposte succincte, mais efficace.
— Bon ! T’es en congé, oui ou merde ?
— Mais regarde un calendrier ! Nous, les profs, c’est facile, on a tous les mêmes congés.
— Ça dépend des zones…
— Oh ! Ta gueule !
— Tu te plains ! Tu te plains ! Mais t’as toujours pas répondu ! T’as peur de ton cadeau d’anniversaire ?
Brusquement, le visage d’Élodie s’illumine. Son sourire est un vrai croissant de lune ; ses yeux brillent comme des phares dans la nuit.
— Mon cadeau ? Voilà ! C’est exactement ça que je souhaitais entendre ! Toi au moins, tu sais comment me causer !
— Par contre ! Botus et mouche cousue !
Il mime une fermeture éclair sur sa bouche.
— Motus… non, laisse tomber, murmure-t-elle avant de se raviser.
— J’suis sérieux. Ce que je veux t’offrir, t’auras pas le droit d’en parler. On risque même de te faire signer une feuille de confidentialité. Et tout !
— Un accord de non-divulgation !
— Ouais, c’est ça ! T’es trop forte !
— Et toi, t’es vraiment un crétin. C’est pas croyable d’avoir un doctorat et de ne pas savoir parler normalement.
— Je sais communiquer avec les machines, c’est plus utile !
— Mouais !
— Tu verras que là, ça va te plaire !
— Mouais !
— Bon, tu promets de ne rien dire ?
— Ah ! Parce qu’en plus tu vas me raconter avant de m’avoir fait signer l’accord ?
— Si je peux pas te faire confiance à toi, à qui je peux ?
Si le temps s’était subitement figé, Élodie aurait pu jurer qu’elle avait de la chance d’avoir un ami pareil. Tout, chez elle, l’indique : la bouche bée, les épaules relâchées, le regard qui hurle « merci ».
— Oh ! T’es trop gnon quand tu me dis des trucs comme ça ! T’es un vrai frère. Alors, OK, je te promets.
— Cool ! Après avoir quitté mon ancien boulot à la Sorbonne, j’ai rejoint un labo d’amerloques qui bosse sur l’AICPV.
— Mais je le sais ça ! Raccourcis ! Tu vas pas me faire tout ton pedigree !
— Mais c’est important pour que tu comprennes de quoi je cause !
— Bon, qu’est-ce que c’est que ton AICPV ?
— C’est pour « Artificial Intelligence Computer Processing Video », un nom bien pourri si tu veux mon avis. Mais en gros, c’est une IA qui génère des vidéos.
— Rien de révolutionnaire. Il n’y a que des films et des séries par IA à la télé.
— Mais je bosse pas pour faire des films…
— Tu viens de me dire que tu faisais des vidéos, le coupe-t-elle.
Il avance légèrement sur son siège et cale ses deux mains sous son menton. Son regard s’obscurcit ; son timbre se fait grave.
— Je te parle d’un truc vraiment révolutionnaire. Quand t’auras essayé ça, ça va changer ta vie !
— Carrément ?
— Oui ! Carrément !
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Shanin
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Anthony Dabsal
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