Fyctia
Chapitre 4 ( 1/2 )
Le soleil se levait à peine et Solitude, de retour de chasse à peine trois heures plus tôt, se leva en grognant. Il devait partir pour la cueillette au plus vite, s'il voulait ramener assez de fruits pour se nourrir lui, mais aussi la famille de Délicatesse. Personne ne lui avait demandé quoi que ce soit, mais il lui semblait naturel de veiller sur eux, car ce qui était arrivé était en partie sa faute. Certes, elle s'était montrée obstinée et dangereusement brave, mais il aurait dû être en mesure de l'aider, de la sauver. Il savait qu'elle n'en faisait souvent qu'à sa tête.
Le premier jour, lorsqu'il était passé déposer les fruits de sa récolte chez elle, il avait croisé son plus vieux frère, Sagesse. Solitude avait eu peur que celui-ci le chasse, lui dise de se mêler de ses affaires, ou l'accuse d'être à l'origine de leurs malheurs mais il avait pris le paniers de victuailles dans un mot. Alors chaque jour, il faisait en sorte de déposer de quoi nourrir la famille pour le repas du soir, et repartait sans se faire remarquer. Il n'attendait d'ailleurs pas qu'on le remercie. Il cherchait juste à évacuer cette culpabilité lancinante qui le rongeait. Il aurait dû comprendre qu'elle s'était jetée seule sur un adversaire plus coriace qu'elle, et répartir leurs forces. C'est d'ailleurs ce qu'il avait relaté lors de son compte-rendu auprès de Courage. Certes, il l'avait toujours détestée mais de tous dépendait la survie de la colonie.
La veille avait eu lieu leur premier déjeuner opulent depuis plus d'un an. Les aînés avaient commencé à découper la viande de bison, et se dépêcherait de la sécher pour en faire des rations qui leur tiendraient quelques mois. Le silence avait été presque religieux dans la salle commune, pour faire honneur à la chasse, mais aussi par conscience de ce que cela leur avait coûté.
Après un tel malheur, Solitude s'était attendu à des journées moroses mais il était difficile de résister à l'activité fourmillante du village. Les préparateurs, qui découpaient les bêtes et mettaient de côté tout ce qui pouvait leur servir, chantaient à la tâche et leur mélopée cadencée s'entendaient à des mètres à la ronde. Les tanneurs, qui n'avaient pas eu autant de travail depuis des mois, sortaient les outils et installaient leurs planches le long de la rivière pour le nettoyage, avant le grand bain de tanin. La courroie du moulin à écorces grinçait au vent, tandis que deux hommes solides activaient le mécanisme. Quelques aînés préparaient le fumoir, nettoyaient les crochets, et répandaient une douce odeur de pommes de pin dans toute la colonie. Le temps aurait dû être à la fête. Les plus jeunes observaient les anciens, tentant d'apprendre leurs méthodes, leurs gestes, qu'ils devraient à leur tour reproduire quand ils auraient atteint l'âge des tâches moins physiques. L'avenir du village dépendaient de moments comme ceux-ci, d'instants où tout le savoir accumulé par les hommes s'écoulait lentement vers la génération suivante. Mais les cœurs se faisaient lourds aussi, conscients que cette génération était la dernière, et que tout ce qu'ils savaient disparaîtrait en un demi-siècle. Un jour, il ne resterait plus trace des hommes. Depuis la Dernière Guerre, ils avaient déjà perdu beaucoup : leur technologie, leur médecine de pointe, des milliards d'œuvres artistiques, leur société. Même si aucun d'entre eux n'était assez âgé pour se souvenir du monde d'avant, les récits qu'on leur avait appris enfants restaient gravés dans leurs mémoires. Les tours de verre s'élançant vers le ciel, les engins qui permettaient de traverser le monde et même d'aller dans l'espace, les machines qui étaient capables de travailler à la place de l'homme. Un monde d'inventions et de possibles, qui paraissaient sans limite à ceux qui aujourd'hui revivaient les balbutiements de la survie. Solitude aimait particulièrement les histoires sur les grandes cités, ordonnées et tentaculaires, dans lesquelles semblaient avoir vécu des millions de personnes, les uns avec les autres. Il se demandait s'il était possible de sentir seul autrefois, au milieu de toute cette foule. Il sortit du village par l'ouest, et se dirigea vers la forêt, son sac de cueillette au côté. Il avait encore quelques heures devant lui pour trouver un maximum de victuailles.
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Le Mas de Gaïa
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MysticRose
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eleni
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Ma. Bertoli
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Adele Maine
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Cécile Marsan
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Siha
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Il y a un an