Fyctia

Austin s’appuie de tout son poids sur moi en se plaignant qu’il a mal à tête. En même temps, se prendre une série de coups à pleine puissance d’un champion, ça doit piquer !

Il gigote et geint, m’empêchant d’écouter ce que Cassie me dit au téléphone. Mais qu’est-ce qu’il fait encore ! Je rêve !

-Attends Cassie je te reprends. Austin, ne met pas ta tête en arrière !

-Beh c’est ce qu’il faut faire !

-Bien sûr que non ! C’est en avant ! »

Je roule des yeux et reprends ma meilleure amie qui se moque ouvertement de ma situation. C’est sûr que pour un premier jour de travail, c’est atypique ! J’espère que les suivants seront moins catastrophiques.

Pendant que notre chauffeur roux arrive, j’essaie d’arrêter les saignements, mais avec un enfant qui couine dès que j’approche c’est difficile ! Les hommes sont vraiment douillets, ceux du commun des mortels je veux dire.

Quand la mini-Cooper aux bandes étoilées klaxonne, je soupire de soulagement.

J’espérais un peu de répit pendant le trajet à l’hôpital, qu’est-ce que je suis naïve encore une fois !

Il n’a pas arrêté de se plaindre, « je vais devoir me refaire le nez » et « je vais mourir »...

Austin, quand la vie veut nous punir, elle le fait, même si toi, tu n’en vois pas la raison.

Une fois dans la salle d’attente des urgences c’est le même cinéma, et les médecins le prennent en premier pour qu’il se taise.

Mais quand un problème s’en va un autre arrive sinon la vie serait beaucoup trop belle. Et ce problème est roux avec un sourire vicieux pendu aux lèvres

-Alors ? Il est comment ?

-Ingrat

-Mais encore ? se risque-t-elle

-Égocentrique, beaucoup trop sûr de lui à mon goût et un peu trop violent avec ses amis !

Je pense que je résume assez bien le cas Connor. Je ne vais pas dire qu’il m’a fait une superbe impression, qu’il est adorable et qu’il m’a mise en confiance. Non ça c’est le descriptif de Ricky, mon Rick.

Pendant que ma meilleure amie essaie de détendre l’atmosphère avec des blagues vaseuses, je reçois un message de Madoka qui me dit que le départ est avancé à demain matin. Miranda, respire un bon coup, ça va aller, c’est juste un imprévu. Cependant il y a déjà eu trop d’imprévus dans cette journée et je suis au bord de la crise de nerfs.

À peine remise sur les rails qu’il faut tout chambouler ! J’aimerais que la vie m’oublie de temps en temps. Je ne suis pas la seule sur cette Terre !

-Mira ? C’est quoi cette tête ?

-C’est la tête qui dit que Mira en a marre

Je lui montre le message et m’enfonce dans le siège, la tête contre le mur bleu. Il y a des jours où la mort semble vraiment être un bon plan. En attendant Austin, la brutalité de Connor sur son ami passe en boucle dans ma tête. J’essaie de penser à autre chose mais la façon dont Connor s’est comporté m’intrigue. La raison encore plus. Certes, certains athlètes se retrouvent souvent comme possédés mais jamais au sens littéral, et c’est en général pendant une compétition.

C’était impressionnant, mais effrayant. J’essaie de comprendre mais rien de rationnel ne me vient à l’esprit. Peut-être un coup de speed, Ricky en avait quelques fois. Souvent à cause de la tension ou de l’excitation, ce doit être ça.

Au bout d’une heure et demie notre douillet de service revient avec un énorme pansement sur le nez mais le sourire aux lèvres. Il ne l’a pas loupé.

On fait jouer l’assurance et retourne à l’hôtel pour déposer Austin et Cassie avant que le chauffeur me ramène à mon appartement. J’aimerais pouvoirs faire mes bagages en toute sérénité, sans avoir ces deux spécimens dans les pattes.

C’est déjà assez douloureux de devoir refaire ses bagages pour une durée indéterminée, dire au revoir à son chez soi et aux quelques proches qu’il nous reste. La première fois que je suis partie, j’étais excitée, Rick essayait de me calmer en me câlinant... Maintenant je suis seule et angoissée à l’idée d’exercer définitivement. J’ai l’impression que cette journée est un songe et que demain je serai derrière mon bar et non un hublot !

Mais quand je vois mes deux valises, mon passeport et non les siennes mon coeur se serre devant la réalité. Je pars, sans lui .

Peut-être qu’être loin d’ici facilitera mon deuil ?

J’arriverai sans doute à former des liens avec ma nouvelle équipe, sans Ricky, Steph, Jim et les autres.

Peut-être que j’arriverais à supporter ce Connor et à le masser sans trembler et sans avoir les larmes aux yeux en repensant au dos de Rick, qui passait, lui aussi, il fut un temps, sous mes doigts.

Je veux aller mieux. Je veux sortir de cet enfer, mais je n’y arrive pas...

Assise au bord du lit, j’inspire et fais le vide dans ma tête. Demain à quatre heures je serai loin, dans un avion, direction l’effervescence des combats et la chaleur d’un corps après l’effort.

Je n’aurai pas le droit à l’erreur, sous peine de me refaire descendre...

Mon téléphone sonne et me fait sursauter. Stéphanie ? Je ne suis pas prête émotionnellement pour une nouvelle salve de reproches de sa part, j’ai eu assez d’émotions aujourd’hui et j’aimerais que ça cesse.

-Miranda

-Ou-oui ?

-Allume ta télé, chaîne trente

Sans discuter et inquiète par sa voix j’allume la télé. C’est la chaîne sportive, ils relatent les informations et autres rendez-vous sportifs et... Oh mon dieu. Ma main tremblante lâche la télécommande qui s’écrase dans un bruit qui me parait sourd.

C’est une blague ! Ils ont osés !

L’écran du plateau télé dévoile les gros titres « Owel est passé chez les Evans ! », « Connor a une recrue ! »

Bordel ils ne peuvent pas arrêter aujourd’hui ? Ça ne suffit pas, tout ce qu’il c’est passé ? Vingt-quatre heures c’est trop long pour une journée et celle-là n’a pas l’air de ce finir ! Je veux que ça s’arrête !

J’inspire pour ne pas avoir envie de pleurer et de me fracasser la tête contre la table en verre.

-Miranda, pour l’amour du ciel, tu n’as pas accepté ?

-Si...

-Ce type est un malade ! Il a envoyé deux gars dans le coma !

-Je ne compte pas être son amie !

-Mira, je veux que tu me répondes dorénavant ! Hors de question que tu sois seule avec ce spécimen

Je tombes des nues. Avant ce matin, jamais Stéphanie la « princesse Morton » n’est entrée dans une colère noire, et là c’est une colère mélangée à un ton d’inquiétude qui dépasse mon imaginaire !

Je me suis embarquée dans un monde que je connaissais et pourtant il m’effraie maintenant. Comme tout.

Avant hier, je menais une vie calme, monotone, et il a fallût que ce type débarque dans ma vie comme une punition.

Me punir de quoi ? D’avoir quitté mon cercle familial pour m’exiler ? Ou juste d’être devenue si faible ?

Ricky, si tu es encore un peu avec moi, fais que tout se passe bien, je t’en supplie...

Accompagne moi pendant ces six mois, donne moi la force de supporter cet homme et de continuer à avancer .

Je t’en supplie... Je t’aime tellement !