Fyctia
Chapitre 7
- Idiote, idiote, idiote…
Depuis vingt minutes, je fusille mon reflet dans le miroir de la salle de bains où je me suis enfermée, sitôt remise de ma chute. J’étais rentrée à la maison en bafouillant des salutations à Shawn et Jayden, les yeux rivés au sol, avec qu’une seule envie : me précipiter à l’étage et m’isoler dans l’une des salles d’eau du palier.
Mais qu’est-ce qu’ils font là aussi tôt ?!
- Idiote !
C’est bien ma chance !
Un an que je ne l’ai pas revu et il débarque au pire moment. Avec plusieurs jours d’avance. J’ai déplacé dans un très profond recoin de mon esprit sa venue pour ne commencer à stresser qu'au dernier moment. Histoire de ne pas me pourrir tout le séjour et de me préparer à mon rythme. Je devais décider de l’attitude à adopter mais il fallait qu’il vienne plus tôt.
Quelqu’un, là-haut, m’en veut.
Sûrement ma grand-mère !
Le cul posé sur le rebord de la baignoire, je laisse ma tête basculer en arrière et contempler le plafond à la quête d’une réponse.
Je perds les pédales.
À un dégré assez dramatique si j’en viens à mettre mes malheurs sur le compte de ma grand-mère décédée.
Une pensée qui va m’envoyer pourrir en enfer.
Aucun doute là-dessus.
L’étage est silencieux et, ce qui devrait être bénédiction pour calmer ma crise de panique sous-jacente, ne fait qu’exacerber l’agitation qui règne au rez-de-chaussée. Les roulettes de valise, les piaillements surexcités de Quinny et la voix bourrue de mon grand-père agissent comme un compte à rebours. Je redoute le moment de descendre et de l’affronter.
Jayden Fisher.
Lui, plus que tout autre.
Je peux gérer les questions indiscrètes de mon entourage, les tant redoutées « Comment va le boulot ? » et « Tu es encore venue seule ? ».
Argh ! Achevez-moi !
J’ai des années de pratique en détournement de l’attention. Sauf que là, c’est moi que je dois distraire.
- Un peu de courage, Soph !
J’emmagasine de l’air comme une boxeuse qui s’apprête à monter sur le ring et sors de la salle de bain. Ma descente des escaliers est une lente torture qui ne fait qu’empirer au moment où j’entre dans la cuisine. Six paires d’yeux me dévisagent avec intérêt et je n’ai qu’une envie : remonter me planquer dans la salle de bains.
J’adore ma famille. J’adore ma famille.
Surtout quand elle ne me remarque pas.
- Hey…, dis-je avec un signe de la main.
Non, mais je rêve !
Je leur ai fait un coucou…
Un coucou !
- Comment tu vas, Soph ?, me demande Shawn, assis avec Phil et Anton à la table de la cuisine. Tu n’as eu aucun problème pour venir ?
Les mains dans les poches arrière de mon jean, je me mords la lèvre en secouant la tête.
- Tu es sûr ? J’ai cru comprendre que la neige n’est pas tendre avec toi…
La cuisine, silencieuse depuis mon arrivée, s’emplit de rires suite à l’allusion de mon cousin à ma chute de luge. Comme si j’avais pu oublier. Une douleur irradie depuis le bas de mon dos pour se rappeler à mon bon souvenir. J’allais avoir une jolie teinte de bleu et de violet demain matin.
- Très drôle. Moi aussi, je suis très contente de te voir. Tu viens tôt cette année ?
Je détourne le sujet, autant que le regard pour ne pas le poser sur Jayden, adossé au comptoir sur ma droite. Mon corps est bien trop sensible à sa présence. Mon cœur s’emballe de le savoir aussi près, mes mains sont moites et il ne m’en faudrait pas beaucoup plus que mes jambes se mettent à trembler. J’arrive presque à sentir son parfum. Il aime travailler de ses mains et l’odeur brute qui l’accompagne m’a toujours fait fondre. Un état qui n’a fait que s’accentuer depuis qu’il est devenu ébéniste et que l’effluve caractéristique du bois lui colle à la peau.
- Jay a une livraison à faire près d’ici, me répond Shawn. J’ai pris quelques jours en plus pour l’accompagner et éviter de prendre plusieurs voitures.
Catastrophique pour moi, mais logique.
Je hoche la tête, refusant de regarder en direction de l’intéresser. Dehors, j’étais sous le choc de ma chute pour prendre pleinement conscience de sa présence. Maintenant que c’était fait, il me suffirait d’un regard vers lui pour que mon visage affiche des sentiments que j’avais essayé de faire disparaître depuis qu’il était parti sans un mot.
Des images de notre dernière nuit ensemble, sur le canapé du salon, devant le feu de cheminée, ses soupirs et grognements dans le creux de mon cou, se rappelèrent à moi. Je les écarte en sentant une chaleur se propager dans tout mon corps et faire pulser mon entrejambe.
En périphérie de ma vision, Jayden s’agite aussi, à croire qu’il pense à la même chose que moi. La dernière fois que l’on a été dans la même pièce…
Pitié, non. Pas maintenant !
- Ça va, ma puce ?, s’enquiert Phil.
- Hum ?
- Tu as mal ?
- Non.
- Tu grimaces.
Merde !
- Juste un spasme.
Quelqu’un pouffe dans mon dos mais je reste concentrée sur Phil afin de ne pas assouvir mon envie de l’étrangler. Mon sourire ne doit pas être très convaincant si j’en crois les lèvres pincées de mon grand-père.
- Plus de luge pour toi, tranche-t-il en ouvrant le congélateur pour me lancer un paquet de petits pois. Met ça sur ton dos.
- Je ne suis plus une enfant, Phil, je tente de marchander, exactement comme une petite-fille.
- Tant que tu es sous mon toit, si ! Plus de luge !
- C’est ridicule !, ris-je nerveusement sous son regard sévère.
- Dixit la meuf qui a des petits pois surgelés coincés dans le jean, intervient Marlin.
- La ferme, le puceau !, je contre-attaque du tac au tac.
Il n’en faut pas plus pour lancer les hostilités.
Mon grand-père rouspète face à ma vulgarité, Quinny prend ma défense en brandissant l’alliance féminine, quand bien même je sais que c’est elle qui s’est moquée de moi à l’instant, Anton tente de canaliser ses enfants et Shawn commence à prendre les paris sur l’issue du combat.
Je pourrais me sentir coupable de la pagaille que j’ai lancée, mais elle a le mérite de faire oublier ma mésaventure dans la neige. Cependant, mon sourire machiavélique disparaît bien vite quand mes yeux tombent sur Jayden, toujours à l’autre bout de la pièce, indifférent aux autres tant son attention est sur moi. Des frissons remontent le long de ma colonne vertébrale sous ses yeux aux mille nuances de bleus, sans que je sache s’il s’agit d’excitation ou de peur.
9 commentaires
40books
-
Il y a 2 ans
Anne-Estelle
-
Il y a 2 ans
Tania Eliott
-
Il y a 2 ans
Thylia Andwell
-
Il y a 2 ans
amelietseslivres
-
Il y a 2 ans
Thylia Andwell
-
Il y a 2 ans
Lexa Reverse
-
Il y a 2 ans