Fyctia
Chapitre 6
Noël, J-18
Voilà une semaine que je suis à Snow Shoe et je n’ai pas vu le temps filer.
Entre les préparatifs pour rendre la maison prête, les courses et mon boulot, mes matinées débutent à 5 heures du matin avec des litres de café et des cernes qui atteignent mes joues.
Quinny et Marlin sont en cours à distance, bien que je les soupçonne de passer plus de temps au fin fond de leur lit que devant leur ordinateur. En fin d'après-midi, ma cousine me tient compagnie. À moins que ce soit l’inverse. Elle ne vient pas pour m’aider en tout cas. Elle papote, perchée sur un meuble ou le comptoir, pendant que je m’active.
Phil vaque à ses occupations sans nous prêter attention. Décembre est une période compliquée pour lui. Je sais qu'il est heureux de nous voir grâce aux sourires qui fendent quotidiennement son visage. Néanmoins, ils sont teintés d'une tristesse qui n'était pas présente avant. L'absence de Marge, additionnée à la perte de mon père, est pesante pour lui. J'ai toujours connu cette maison remplie de rires, de conversations animées et de disputes espiègles. Il n'y a que depuis la mort de ma grand-mère que je songe à la solitude que doit ressentir Phil dans cette grande maison vidée de sa famille.
Anton a l'habitude de passer de temps en temps, surtout depuis sa séparation avec Georgie. Il effectue des allers-retours entre la maison et l'Université où il travaille, à 10 minutes en voiture. Je me demande combien de temps encore il arrivera à tenir ce rythme. Avec les chutes de neige qui bloquent de manière fréquente les routes, il ne pourra peut-être même plus accéder à Snow Shoe dans quelques mois.
Avec un peu de chance, Jayden sera dans l'impossibilité de venir si la météo continue de se dégrader, je songe, sans essayer de déterminer si le pincement dans mon ventre est du soulagement ou de la déception.
L’un des avantages d’être autant occupée toute la journée, c’est d’éviter de trop penser à lui.
Autant que faire se peut, mais je ne désespère pas de réussir à dépasser mes sentiments à son égard, quels qu’ils soient, d’ici à son arrivée. Je me sens pathétique de me prendre la tête pour un type qui n'en a manifestement rien à faire. Il m’aurait contacté sinon. Je suis passée à autre chose. Il n’était pas censé être présent cette année, mon trouble provient simplement d’une non-préparation psychologique à le voir. Je serai dé-ta-chée au moment où il posera le pied à Snow Shoe. Il ne m’atteindra pas.
Voilà pourquoi je déambule dans le petit centre-ville de Snow Shoe à la recherche d'un cadeau de Noël pour lui.
Bordel…
Je suis irrécupérable, en plus de pathétique.
Pour ma défense, ma présence en ville n’est pas à cette seule fin. J’ai un minimum de fierté caché quelque part.
Phil m'a demandé de passer une commande de bois auprès de son livreur habituel. Le temps se gâte et il ne manquerait plus que la seule source de chaleur de la maison tombe à sec.
- Je m'ennuie.
Quinny rouspète à mes côtés alors que je suis occupé à faire du lèche-vitrine.
- Tu as 14 ans. Si ce n'était le cas, je m'inquiéterais.
- On peut rentrer ?, soupire-t-elle.
- Pour que tu passes ton temps sur ton portable pendant que je m'occupe de faire les lits, bien sûr.
- Allez, Soph ! On pourra faire de la luge !
- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans "Je dois faire les lits pour les sept membres de notre famille qui débarque dans quelques jours" ?
- D'abord, seulement deux débarquent cette semaine, Shawn et Jayden. Felicia, Dom et Oliver n'arrivent que plus tard. Maman ne se pointera peut-être même pas étant donné la récente dispute qu’elle a eue avec Papa. Ensuite, sept ?
- Oliver amène sa copine. Ils se sont disputés à quel propos ?
- La même chose que d’habitude. Oliver a une copine ?
- Apparemment et tu ne devrais pas écouter quand tes parents se disputent.
- Mais on ne me tient jamais au courant de rien !, chouine-t-elle.
- Parce que tu parles trop pour laisser les autres en placer une, je la taquine pour effacer le chagrin présent dans ses yeux à la mention de ses parents. Aïe !
J’aurais dû me retenir car cette petite peste vient de me faire une pichenette sur la joue. Cela a eu le mérite de la distraire alors je continue en lui tirant la langue.
- Très mature, Soph !
- Ne sois pas jalouse, petite !
- Je ne suis pas petite !
- J'ai mal au cou tellement je dois baisser la tête pour t'apercevoir !
- Espèce de...
- La dernière à la voiture est de corvée de bois !, je lui lance en m'élançant vers ma voiture.
- Tricheuse !
***
Je l'ai laissé gagner.
Ce n'était qu'une course idiote dans les rues de Snow Shoe.
Là, c'est sérieux. On ne rigole plus.
- À vos marques...
Marlin prend son rôle très à cœur. Entre nous, les bras tendus au-dessus de la tête, il nous regarde, Quinny et moi, à tour de rôle.
- Prêtes ?
Mes mains sont vissées sur les poignées de ma luge et mon regard fixé sur la victoire. En contrebas, la maison de Phil. Elle est entourée de forêts mais son terrain s'étend sur plusieurs hectares, dont une minuscule colline sur le côté ouest. Petite, mais suffisante pour mettre une raclée à ma cousine de 14 ans. Je la vois du coin de l'œil faire un sourire narquois.
La pauvre.
Si elle bossait plus à l'école, elle saurait que la seule chose décisive dans cette course, ce sont les dix kilos de plus que je me trimballe depuis la puberté. Je ne vois pas d'autres moments où mon cul montre enfin son utilité.
- La dernière en bas s'occupe du dîner, Soph !
- J'espère que tu sais faire autre chose que des pâtes.
- À la une...
- Fais pas chier, Marlin !, s'impatiente sa sœur.
- Bon, okay... Go !
Sur ressort, j'effectue un bond en avant impressionnant et m’envole. La neige compacte offre une piste idéale pour glisser facilement. Je ris en appréciant la vitesse qui fouette quelques mèches de cheveux échappées de mon bonnet contre mon visage.
La maison se rapproche de plus en plus et je suis en avance. Alors je prends le temps de me retourner afin de savourer l'air mauvais de ma cousine. Au même moment, une voiture bifurque du chemin principal pour pénétrer sur le terrain. Je n'ai pas le temps de m'interroger sur ses occupants que je percute un monticule de neige. La luge se déséquilibre et bascule sur le côté. Ma vision se réduit à du blanc plus au moins froid tandis que je roule sur moi-même jusqu’en bas de la colline. Je ralentis enfin et m'arrête sur le dos, le visage tourné vers le ciel, la tête qui tourne et le bas du dos en compote. J’ai de la neige partout sur la figure, ce qui ne m’empêche pas de capter le son de la luge de Quinny qui s’arrête bien après moi.
J'ai quand même gagné, je jubile tandis que le froid pénètre mon manteau.
Je n'ai pas le temps d’ouvrir la bouche pour m’en vanter et charrier Quinny qu'un visage envahit mon champ de vision. Les mains sur les hanches dans toute sa splendeur, je ne peux qu'admirer Jayden Putain de Fisher qui m'observe, étalée comme une crêpe sur la neige, avec un sourire au coin :
- Salut, Sunny.
8 commentaires
Tania Eliott
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Thylia Andwell
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Lexa Reverse
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Auda
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Anne-Estelle
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Thylia Andwell
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