Thylia Andwell Sunny Snow Shoe Chapitre 4, Noël 2006

Chapitre 4, Noël 2006

Jayden : 10 ans

Sophie : 8 ans


- Les enfants, on se calme !


Je fronce les sourcils en entendant Marge, ma grand-mère, m’inclure dans le cirque que fait Marlin. Mon petit-cousin de 1 an ne cesse de pleurer. Ça fait des heures que l’on attend Shawn et Oliver pour ouvrir les cadeaux. Ils sont tous entassés devant le sapin. On dirait une montagne.


Je ne suis pas pressée. Je ne reçois jamais ce que j’ai demandé. Marge dit qu’il faut que ce soit pratique. La brosse à dents de l’année dernière me sert encore, c’est sûr. Mes cousins, eux, ont toujours plein de jouets. Je suis un peu déçue, mais ils me laissent jouer avec eux alors ce n’est pas grave. De toute manière, je ne peux rien ramener au pensionnat.


Je prends un sucre d’orge dans le pot au centre de la table que j’ai aidé à mettre il y a des siècles et l’agite devant le bébé en lui parlant doucement :


- Tout va bien, Marlin. Ils vont bientôt arriver.


Mon petit-cousin se calme et babille tandis que ma tante Georgie le fait sauter sur ses genoux. Je souris quand il tend les mains vers moi pour attraper la sucrerie que je tiens hors de sa portée. Tout d’un coup, elle m’est sèchement retirée des mains et Marlin hurle de nouveau.


- Sophie ! On va bientôt manger, ne lui donne pas de sucrerie !, m’accuse ma grand-mère.


- Je voulais juste qu’il arrête de pleurer.


- Ne mens pas !


- C’est vrai, Marge, intervient la femme d'Anton de sa petite voix à peine perceptible.


Je crois qu’elle a peur de grand-mère. C’est vrai qu’elle est un peu effrayante. Comme maintenant.


- Ne la défend pas, ma petite Georgie. Et toi, Sophie, ne reste pas dans le passage. Tu embêtes tout le monde !


Marge me pousse dans un coin de la pièce, à l’écart de l’agitation, avant de retourner en cuisine pour se plaindre de devoir tout gérer toute seule. Je me pince les lèvres en me demandant ce que j’aurais pu faire pour qu’elle soit de meilleure humeur. Les autres sourient moins qu’elle est dans cet état.


C’est Noël. Tout le monde devrait sourire.


J’observe les visages autour de la table pour vérifier que ce soit le cas.


Le meilleur ami de grand-père a une bouteille devant lui, alors il sourit.


Anton s’amuse à faire des boulettes de papier avec sa serviette. Il s’ennuie. Je recule discrètement dans le salon pour lui ramener sa Game Boy. Il sourit au moment où je la pose devant lui et me remercie d’un clin d’œil.


Je repère la corbeille à pain sur la table et cherche le croûton, la partie que préfère Georgie. Je le lui tends, et elle sourit. Marlin aussi lorsque sa mère lui donne la mie. Satisfaite, je retourne là où Marge m’a laissé et regarde Phil.


Avec lui, c’est facile.


Il est tout bougon en bout de table, les doigts qui pianotent sur son assiette vide. Je le fixe jusqu’à ce qu’il relève la tête en sentant mon regard. Je lui souris de toutes mes dents et son visage s’éclaire pour me le rendre.


Facile.


Soudain, la porte d’entrée s’ouvre enfin et laisse entrer des flocons de neige, l’air glacial de l’extérieur et les voix de mon oncle, ma tante et leurs deux enfants. J’ai envie de courir à leur rencontre mais je me retiens. Marge va me disputer si je traîne encore dans ses pattes. Je patiente tandis qu’ils se rapprochent. Tous les autres se lèvent pour accueillir les retardataires devant les portes du salon, mais je reste à l’écart.


- Maintenant, on mange !


La foule se disperse sous l’injonction de Phil. Ma tante Felicia et mon oncle Dom se débarrassent de leurs manteaux en souriant. Shawn et Oliver se chamaillent avec Anton pour avoir la console.


Tout le monde sourit, je remarque avec bonheur.


Tout le monde, sauf…


Il n’est pas inhabituel chez ma famille que des inconnus viennent fêter Noël avec nous. L’année dernière, c’était un SDF que ma grand-mère avait croisé en allant faire des courses de dernières minutes. Il était très gentil et m’a appris à faire un cochon avec un bouchon de bouteille de vin et des cure-dents.


Cette fois, c’est un enfant.


- La famille, voici Jayden !, annonce mon oncle Dom, les mains sur les épaules du garçon.


Il est plus grand que moi. La même taille que mon cousin Shawn environ. J’en conclus qu’ils ont le même âge. Il est immobile sur le seuil, comme s’il n’osait pas entrer. Il doit avoir peur que ses chaussures ne mettent de l’eau sur le parquet parce qu’elles sont toutes trouées. Son manteau aussi a une poche déchirée.


Il doit avoir froid.


Phil garde plein de vieux manteaux à côté de la porte de derrière, j’irais lui en chercher un après manger. C’est peut-être pour ça qu’il ne sourit pas.


- C’est le meilleur ami de Shawn, poursuit ma tante Felicia. On…


Elle s’arrête et adresse un sourire gêné à la tablée :


- Il… Il va passer les fêtes avec nous !


- Bien sûr qu’il reste, annonce naturellement Marge depuis sa place à l’autre bout de la table, en face de son mari. Mais attention, mon garçon, une fois qu’on entre chez les Lewis, on finit toujours par y revenir.


J’aime ce dicton. Il veut dire que la porte de cette maison sera toujours ouverte. Même pour moi. J’ai parfois peur qu’elle ne soit fermée à force de passer la majorité de l’année en pensionnat.


Tout le monde se met à table mais je reste à observer le garçon. Il ne s’est pas encore décidé à avancer et se contente de serrer les poings à en faire blanchir ses phalanges.


Je ne veux pas qu’il reste seul. Quand je reviens ici après des mois, le tumulte de ma famille est presque étouffant. Phil me prend la main et je me sens mieux. Savoir que je suis là pourrait l’aider aussi.


Son regard balaye la pièce et s’arrête sur moi. Ses yeux sont noirs. Je n’en avais jamais vu d'aussi sombres. J’ai envie de me rapprocher mais je suis figée sur place. Je lui offre un sourire et une chaleur remonte le long de ma colonne vertébrale tandis qu’il m’observe. Finalement, son visage se durcit et ses sourcils se froncent.


Qu’est-ce que j’ai fait ?


Je me ratine sous son examen, touche mes longs cheveux attachés par un gros chouchou rouge et ma robe assortie pour me rassurer.


- Fisher !, l’appelle Shawn en tapotant le siège à sa droite.


Le garçon me quitte des yeux pour le rejoindre et mon souffle se relâche. Je ne comprends pas pourquoi il a l’air aussi en colère contre moi. Il n’aime peut-être pas les filles, comme les garçons de mon pensionnat qui m'embêtent tout le temps.


Shawn lui raconte une blague et ses lèvres frémissent. Ce n’est pas un vrai sourire, mais c’est un bon début. Je ferai en sorte que mon cousin passer du temps avec lui si ça le rend heureux.


- Viens manger, ma puce, m’appelle Phil.


- Oui, ne reste pas là comme une idiote, ajoute Marge.


Je quitte mon coin et ma famille me remarque. Dom et Felicia m’embrassent et me posent des questions sur l’école tandis que mon attention reste concentrée sur le garçon.


Jayden Fisher.


Au milieu des sourires, sa mine sombre me chagrine. Je me fais la promesse de le rendre heureux avant la fin des vacances. Tout le monde devrait avoir la chance de l’être à Noël.

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4 commentaires

40books

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Il y a 2 ans

Sophie me fait de la peine. Elle semble avoir eu une jeunesse particulière. La grand-mère semble gentille avec tout le monde sauf avec sa petite fille. Heureusement que Phil est là, il est le soleil de la vie de Sophie et réciproquement. Sophie est très touchante à vouloir que tout le monde soit heureux mais elle, l'est-elle?

Thylia Andwell

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Il y a 2 ans

C'est toute la question ! Merci de prendre le temps de commenter mon texte ! 🥰

Anne-Estelle

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Il y a 2 ans

Ce chapitre change la donne. C'est super d'alterner présent et passé et tu réussis l'exercice d'adopter une voix plus enfantine. En revanche, je m'étais fait une idée des grands parents, accueillants, avec cette maison, l'aide qu'ils offrent aux autres,etc. Mais apparemment, la grand mère a un traitement différent avec Sophie. Pourquoi ? On va le comprendre ua fil du temps. Tout comme tu ne nous donnes pas la raison de l'absence de ses parents. En tous cas, on comprend que dès gamine, elle faisait tout pour que chacun se sent bien dans cette maison. Et que adulte, ça n'a pas changé. Comme si son rôle était écrit. Je me demande si elle le fait donc vraiment avec joie ou si ce n'est pas une façon de coller aux attentes de son grand père. Je vais poursuivre ma lecture ;-)

Thylia Andwell

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Il y a 2 ans

Merci pour ton retour ! C'est toujours difficile avec son texte de savoir si on arrive à véhiculer les bonnes impressions ! Je suis rassurée d'y être parvenue avec si peu de caractères ! 😅
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