Fyctia
Chapitre 7
Playlist, baston et coup de cœur
Emma
Léa a préparé la playlist. Trois heures de pur bonheur : tubes des années 2000, pop italienne pour faire plaisir à Joël, et des classiques un peu honteux qu’on hurlera la fenêtre ouverte.
On monte dans la voiture façon tetris humain. Eliot râle déjà parce qu’il est coincé entre deux sacs de bouffe et un Monopoly géant.
Joël met ses lunettes de soleil, fait craquer ses doigts et déclare :
— Mesdames et messieurs, attachez vos ceintures. Le roi de la route est aux commandes.
On roule. On chante faux. On rit trop fort. On mange des chips dès 10h du mat et on s’arrête trois fois parce que Sophie a une vessie de moineau.
La route serpente à travers la forêt. Le paysage change, devient blanc, dense, paisible. La ville disparaît. Le silence s’installe doucement autour de nous, sauf dans la voiture, où Léa gueule “CE REFRRAIN C’EST MA VIE” en tapant dans ses mains.
Arrivée au chalet
On quitte la route principale. Le GPS s’éteint.
Un long chemin de terre s’ouvre entre deux rangées d’arbres, comme un passage secret. Il y a de la neige partout, épaisse, douce, intacte.
Au bout : le chalet.
Un vrai. Immense. En bois sombre, avec une toiture enneigée, une grande terrasse en L, et un lac gelé juste derrière, entouré de sapins silencieux.
— Ok… là, c’est un film, souffle Léa.
Joël se gare en grand seigneur. Il sort, claque la porte et lève sa clé comme un trophée.
— La plus belle chambre est pour moi. Pour les autres… battez-vous, moi je m’en fous !
On descend tous de la voiture en hurlant. Valises qui roulent, sacs qui tombent, Eliot qui glisse déjà sur une plaque de verglas. L’air est glacé mais pur, ça sent la résine, la neige, la liberté.
Joël se plante devant la porte.
— Trois… deux… un…
Il ouvre.
Et là…
Silence général.
L’intérieur est à couper le souffle.
Tout en bois clair, grandes baies vitrées, lumière naturelle. Une odeur de feu de bois, de cannelle, de propre. Des coussins partout, des plaids doux, un immense canapé en L, et une cuisine ouverte qui donne envie de faire des gâteaux même si on ne sait pas cuisiner.
C’est cosy, chaleureux, presque irréel.
— C’est parti, que le meilleur gagne ! je crie.
Et je cours. Direction l’escalier.
— EMMA ! hurle Léa. PAS DE TRICHERIE !
Mais à la deuxième marche… je trébuche.
— Aïe !
— Je t’avais dit PAS DE TRICHERIE ! ajoute-t-elle en me jetant un regard malicieux par-dessus
son épaule.
Sophie et Eliot suivent en trombe. Ils me doublent tous les trois comme une nuée joyeuse.
J’essaie de me redresser vite, mais c’est trop tard : le premier étage est déjà envahi.
— Trop tard, lance Sophie en sautant sur un lit.
— Celle-là, c’est pour nous, crie Eliot depuis la pièce d’en face.
Deux chambres. Deux paires de baskets déjà balancées dans un coin. C’est mort.
Ok. Deuxième étage. Je grimpe encore, le cœur battant, un peu essoufflée. Deux portes. Je tente la première à gauche.
Jolie chambre. Lumineuse. Mais… pas dingue. Quelque chose sonne faux.
Je recule. J’ouvre l’autre.
Une odeur me surprend, un mélange de renfermé et… de parfum masculin. Pas désagréable, juste inattendu.
La lumière est tamisée, comme si quelqu’un avait été là, il n’y a pas si longtemps. Sur la chaise, une chemise en boule. Un livre posé à l’envers sur le rebord de la fenêtre. Une paire de gants oubliée sur la commode. Tout est silencieux, mais ça ne sonne pas vide.
Je fronce les sourcils. Je referme doucement.
En face. Dernière porte.
Et là, je reste figée.
Waouh.
Une chambre sous les toits. Plafond en pente avec poutres apparentes, parquet brut, un lit immense contre le mur du fond, recouvert d’une couette blanche épaisse, des coussins en lin, une guirlande de lumières suspendue au plafond.
Et surtout… une baie vitrée qui donne sur le lac.
Vue grandiose. Sapins enneigés, lumière dorée du soleil couchant qui se reflète sur la glace.
Je m’avance. Je touche le bois de la commode. Le velours du fauteuil près de la fenêtre. Je m’assois sur le lit. Il est moelleux, enveloppant. Une bulle. Un refuge.
Je souris.
— Ok. Adoptée.
Je range mes affaires vite, à la va-vite. J’ai qu’une envie : redescendre et partager ce moment avec eux. Ce tout début de parenthèse enchantée.
Dans le salon
Tout le monde est là.
Eliot déballe les bières, en fait passer à la ronde. Sophie surveille une casserole de pâtes en remuant avec une cuillère en bois. Joël met la table en chantant faux, très faux. Léa coupe des légumes avec une concentration toute relative, trop occupée à expliquer à Eliot que Vénus rétrograde pourrait sérieusement affecter son humeur cette semaine.
Je m’installe sur le bord du canapé, un verre à la main. Un peu à l’écart.
Les voix se mêlent, les rires fusent. Et moi, je me perds un instant dans la lumière. Je tourne la tête vers la fenêtre. Les premiers flocons tombent doucement, comme des plumes.
— C’est magnifique ici… je souffle, presque pour moi-même.
Joël m’entend. Il me lance un regard complice, un petit sourire au coin des lèvres.
— C’est que le début, ma belle.
Je souris à mon tour. Il a raison.
— Franchement, dit Sophie en s’essuyant les mains sur un torchon, merci à ton cousin, Joël. Ce chalet, c’est…
Elle cherche ses mots.
— … j’ai même pas les mots.
Je ris doucement.
Et puis, sans trop réfléchir, je me lève. Je rejoins Léa qui s’est mise à chanter un vieux tube
kitsch en agitant son couteau comme un micro.
Je la suis, j’attrape une tomate et un couteau, et je chante avec elle.
On rit. On coupe n’importe comment.
Mais on est ensemble.
Et c’est parfait comme ça.
1 commentaire
Eva Baldaras
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Il y a 6 jours