Eunoïana Sous le Soleil d'Août Chapitre 10 Léria

Chapitre 10 Léria

Aujoud'hui à 03:47.


  • Maman, pourquoi tu n'es jamais revenue ?

Mon téléphone glisse lentement de mes mains, mais c'est à peine si je lui prête attention. Un faible rayon de lumière s'est faufilé au travers des volets et strie l'air de la pièce, ici, il danse. Et moi je reste là, à fixer le plafond devenu tableau de mes idées volatiles.

Depuis que nous sommes rentrés de cette soirée je n'ai pas réussi à dormir. Aussitôt les paupières closes qu'un flot sans fin de questions me torturait l'esprit. J'ai trop de pourquoi et de peut-être dans la tête. Heureusement pour moi cette fois-ci, ma nuit d'introspection annuelle ne tombe pas en semaine...


Toujours est-il qu'il fait maintenant jour, qu'une sacrée carence en sommeil commence à se creuser et que, pour couronner le tout, aucune réponse ne se cache à l'horizon. Enfin, allongée dans ce lit, je n'en vois pas en tout cas. C'est donc pour ça que je décide de clôturer ma grasse matinée.


Après une douche assez chaude pour purifier mon âme et ma carapace, je me mets à entamer cette longue descente d'escaliers. Pour la première fois depuis que je suis ici, je me retrouve dans le même état d'esprit qu'à mon arrivée. Perdue, paumée. L'aiguille de ma boussole ne sait pas dans quelle direction regarder.


Lorsque je quitte enfin les marches, mes pas me guident tous seuls, puisque ma tête est momentanément HS. Mon pilote automatique m'installe dans la cuisine en quête d'un déjeuner et même le plus beau repas de la journée n'arrive pas à me remettre d'aplomb. Autant dire que si une invention divine n'y parvient pas, rien ne le pourra.


Sans espoir je me saisis de mon portable, toujours aucune nouvelle de ma mère. Il n'est que 8h mais je la connais, je sais qu'elle a vu ce message. Elle fuit la question, encore. Et ça me fait mal de lui faire mal, mais j'ai le droit de savoir.

  • Répond-moi s'il te plait, quoique tu veuilles je finirais bien par apprendre la vérité.
  • Je préfèrerai que ça vienne de toi.

Je fixe toujours mon écran inerte quand des pas dorénavant reconnaissables se mettent à résonner.


- Bonghjornu ma fille ! chante Luisa en me voyant. Comment tu vas ?

- Ça va...

Autant le dire d'avance, je mens très mal. Et cette sensation toujours plus pesante de passer à côté de quelque chose d'essentiel ne m'aide en rien à me concentrer. Sans grande surprise, Luisa n'est pas dupe.


- Qu'est-ce qui se passe ? Les garçons se sont comportés comme des cons hier ? demande-t-elle de but en blanc.


Des paroles aussi franches sorties d'un visage aussi avenant me font toujours un drôle d'effet. En regardant ma grand-mère, un immense sentiment de regret m'envahit. Regret de ne pas l'avoir connu avant, de ne pas avoir pu partager plus de temps avec elle. Tous ici m'ont peut-être accueilli comme si ma mère n'était jamais partie, mais le temps, ça ne se récupère pas, jamais. Ca se perd. Et là, maintenant, j'ai l'impression d'avoir été privée de quelque chose.


- Non, ils n'y sont pour rien, je réponds. C'est moi qui broie du noir.

- Oh, et pourquoi ? Je peux peut-être t'aider ?

- J'ai peur qu'en voulant m'aider tu ne finisses contaminée Luisa... Sinon, qu'est-ce que tu fais de beau de ton côté ? je lui demande dans l'espoir de me vider la tête.

- Atelier confiture demoiselle ! Tu veux te joindre à moi ?


Je cherche du regard les fruits supposés être réduit en charpie sans parvenir à les trouver. Mes yeux ne voient que Luisa, coupant diverses herbes aromatiques.


- Quels fruits ? questionné-je curieuse d'en savoir plus.


Au même moment, Joseph atteint l'encadrement de la large porte, tirant derrière lui un diable d'une autre époque où s'empilent les agrumes du verger.


- Et voilà Loulou, dit-il à l'adresse de sa femme, tu auras de quoi faire ! lâche-t-il dans un soupir.

- Oh mais ne t'arrête pas en si bon chemin, vient les éplucher ! Léria passe lui le couteau s'il te plait.

- Ô mais tu veux ma mort vieille femme ! s'exclame Joseph.

- Il serait temps ! lui rétorque la vieille de sa vie.


Les voir suffit à me changer les idées, Joseph mine un air défait tandis qu'il ôte son chapeau de paille usé par les ans en s'installant.

L'ambiance de la pièce a changé, elle est accueillante, chaleureuse. Cette cuisine pleine de lumière est l'équivalent d'une cheminée en plein hiver.

C'est en grande partie pour cela que je décide de mettre la main à la pâte. Et puis, je n'ai rien de mieux au programme pour aujourd'hui, alors autant apprendre quelque chose d'utile.


Ainsi, je taille ces fruits jugés trop moches pour les enseignes partenaires de Chris. A mes yeux ils sont peut-être un peu cabossés, certes. Mais aux yeux de mes grands-parents, chacun de ces fruits est un petit trésor dont ils s'occupent amoureusement.


Rapidement, je me glisse dans la peau de l'enfant que j'aurais dû être, assistant sa mamie en cuisine tout en léchant la cuillère garnie de sucre. La joie est tintée d'un léger pincement au cœur, que je tente tant bien que mal d'éclipser.


La préparation est vite achevée et, tandis que je m'aventure dans les placards poussiéreux en quête de la casserole à confiture, je sens ma poche vibrer.

C'est comme si la sonnerie avait happé les battements de mon cœur qui se fait discret. Plus un bruit dans ma cage thoracique.

Une fois l'imposante casserole extirpée des étagères à l'alignement abstrait, c'est mon téléphone que j'extirpe.


  • Maman : Et toi, pourquoi être partie ?

L'ustensile me parait si lourd dans mes bras, l'air si âpre à aspirer. Ne voyait-elle pas que je souffrais ? Ou est-ce sa témérité à garder le silence qui la rend aveugle ?

Je me fais attendre, et Luisa comprend très vite que quelque chose ne va pas. Elle s'avance vers moi tout en me délestant de la charge de cette marmite dans laquelle j'aimerais sombrer.

Quand elle croise mes yeux, elle y lit certainement de la douleur. Moi, je tente en vain de renforcer les digues pour ne laisser couler aucune larme. Les mots de ma mère me blessent. Ses silences encore plus.


- Allons, ma Léria, qu'est-ce qui te tracasse ? s'inquiète Luisa à mes côtés.


Notre aparté attire l'attention de Joseph qui se lève de sa chaise doucement, il aurait bien besoin d'une cane. Et moi d'une béquille.


J'ai l'impression que mes mots vont déclencher une guerre, jeter le mauvais œil dans cette demeure si paisible. Mais je ne sais pas de quoi il en retourne réellement. Et si quelqu'un peut bien m'éclairer, c'est la mère de ma mère.

Alors, égoïstement peut-être, je pars en quête de la première pièce de mon puzzle troué, timidement :

- Luisa, pourquoi ma mère n'est jamais revenue ici ? Pourquoi est-ce qu'elle a coupé les ponts ? Pourquoi n'ai-je jamais pu connaître cette famille ?


La casserole atteint le sol dans une chute fracassante, si elle n'était pas en fonte, elle serait brisée. Pendant ce temps, en face de moi, cette femme pourtant si forte se fissure :


- Elle ne t'as jamais parlé d' Alysandru ?


Et je devine alors dans ces mots, que c'est bien pire que ce que je croyais.

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8

8 commentaires

Margo H

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Il y a 2 ans

Émouvant...et bien réel.. Oui,il y a toujours des secrets secrets famille... Et c est toujours par les autres qu on les apprend... Les grand mères o t toujours ru une place importante...

mariecolley

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Il y a 2 ans

petit passage pour t'aider ;) n'hésite pas <3

Anna Wendell - Élodie Faiderbe

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Il y a 2 ans

❤️

Lucie_lolita_auteure

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Il y a 2 ans

Hello, petit coup de pouce !

Sarah Portmann

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Il y a 2 ans

Coup de pouce nocturne😉😉😉 si tu as du temps n'hésite pas à passer sur la mienne 🤗🤗🤗

Jill Cara

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Il y a 2 ans

Aaaah hâte d'en savoir plus !!

Laura Collins

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Il y a 2 ans

;-)

Caroline Guerini

-

Il y a 2 ans

👍❤️
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