Fyctia
Chapitre 7 Léria 1/2
Quand Rafael m'a proposé de participer à cette soirée, je suis restée un moment dubitative. Puis ce fameux message a réussi à me faire basculer, effaçant toute hésitation qui jusque-là me dérangeait :
Mmh, effectivement, comment dire non alors que l'être le plus improbable à croiser à une soirée, lui, s'y rend ? C'est comme une éclipse solaire, ça ne se loupe pas.
C'est donc après ce moment décisif où ma curiosité a pris le pas sur mon bon sens, que je me retrouve à me préparer pour cette fameuse fête. N'ayant pas apporté dans mes bagages des vêtements rutilants de style, je me retrouve donc avec un simple short agrémenté de son débardeur brodé. Un gilet en maille très fin sous le coude pour me couvrir, quelques couleurs sur mon visage et je file dans l'air progressivement rafraichi des prémices de la soirée.
Je ne vais pas le nier, j'ai hâte. Un mélange d'impatience saupoudré d'appréhension qui offre ce cocktail explosif qu'on appelle excitation. Je ne sais pas à quoi m'attendre, mais une chose est sûre, cela va me changer des habitudes au village. Et après presque une semaine, ce samedi soir s'annonce tel un véritable bol d'air frais.
Lorsque j'arrive à proximité de notre véhicule, je retrouve Raf et Antone en pleine conversation.
- Vous vous battez pour désigner le conducteur ? Je les interroge en approchant doucement.
- Oh pour ça aucune crainte, c'est Antone qui tient la barre ! rétorque Raf.
- Raison pour laquelle on décolle, maintenant que Signora Pietri a fini de nous faire attendre.
- Oh mais moi aussi j'ai hâte de faire ce trajet en votre compagnie monsieur, je rétorque.
Son ton est toujours aussi acariâtre mais je commence à m'y habituer. Ce n'est peut-être pas tant de la provocation qu'un manque de manière après tout...
Je grimpe à l'arrière du véhicule, tout sourire tandis que je gagne en hâte. Antone endosse son rôle de pilote en réglant le poste à sa carrure longiligne et ferme.
- Si tu comptes repeindre l'habitacle, saches que tu ne dormiras pas avant de l'avoir entièrement récuré.
- Tu comptes jouer au pilote de rallye peut-être ?
- Pas besoin de jouer, renchéri Bourriquot, les routes suffiront à retourner ton estomac.
- J'ai les tripes bien accrochées, mais merci de te soucier de mon bien-être pendant le trajet.
Antone me lance un regard mi-amusé mi-menaçant que j'intercepte dans le rétroviseur. Il ne s'attarde pas, mais reste éloquent. Finalement, peut-être n'est-il pas si hermétique qu'il y parait, juste discret dans ses démonstrations. Et moi qui pensait que les corses étaient du genre à vivre fort...
C'est donc dans cette atmosphère à la limite de l'électrique mais malgré tout agréable que nous nous dirigeons vers Propriano. Durant le trajet, Rafael et moi échangeons des banalités quant à nos journées ou encore à propos du déroulé de la fête. Il m'annonce que je vais rencontrer un petit groupe d'amis qu'il côtoie depuis longtemps. Cette réunion est devenue un incontournable de leur été, permettant de garder un lien entre eux maintenant que le temps les éloigne.
De son côté Antone reste silencieux mais attentif. Je devine qu'il ne porte pas ce genre de festivité dans son cœur. Selon moi son envie de ne pas décevoir Raf explique en grande partie sa présence. Mon regard dérive par-delà la fenêtre, la descente tumultueuse du massif offre une vue tintée de crépuscule sur le littoral de l'île. Un fond de radio dans l'air qui filtre par la fenêtre ouverte, quelques éclats de rire, et c'est ainsi que je me laisse bercer par le houlement délicat des virages qu'Antone aborde avec minutie.
***
Lorsque nous arrivons, le crépuscule a laissé place au ciel étoilé. Même si celui-ci est moins flagrant qu'à Lascita, il n'en reste pas moins pour moi une source de fascination dans laquelle je rêve de me perdre.
Notre petite bande de trois se dirige vers un coin reculé de la plage où un feu est allumé sur le sable. De la musique et des éclats de voix nous parviennent, indistincts. Enfin, les dunes me permettent d'entrevoir les amis de Raf. Je retiens difficilement ma mâchoire qui se décroche.
Un petit groupe ? Ils sont au moins vingt et d'autres arrivent !!
La petite soirée sur la plage vient de prendre une toute autre dimension dans mon esprit, de l'ordre du projet X sauvage. Ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas s'amuser mais tout de même... Les flammes ne sont clairement pas là pour nous réchauffer, même si les vagues apportent une légère fraicheur venue du large. Cette idée me vient à l'esprit alors que mon cousin me présente aux autres invités. Et on peut dire qu'il y a foule, presque de quoi suffoquer. Heureusement pour moi nous sommes en plein air sur une plage plus que suffisante pour me laisser respirer.
Y a pas à dire, le cadre aide.
La première impression étant faite, je me détends au fil des musiques qui passent. Je sirote un panaché récupéré dans une glacière minutieusement mais avide de me rafraichir la gorge. Très vite, je perds Raf de vu, de même qu'Antone. Un petit groupe s'approche de moi et il n'en faut pas plus pour que nous nous mettions à discuter. La plupart sont des jeunes de mon âge ayant rejoint le continent il y a plusieurs années afin d'y étudier. Rare sont ceux restés vivre ici mais malgré tout, je devine dans leur voix que pour eux, ce n'est que transitoire. Même si leurs pieds ne sont plus sur ce sol, leurs pensées et leur cœur demeurent en Corse.
Un petit pincement se creuse dans ma poitrine, j'aimerais avoir un endroit que je puisse appeler "chez moi" avec une telle certitude dans la voix. J'aimerais savoir où revenir quand tout va mal, me dire que quelque part, on m'attend. N'importe quand et qu'importent mes raisons... Ce désir d'appartenance ne m'a jamais autant frappé. Se sentir intégrée, comme à sa place quelque part et savoir au plus profond de soi qu'on fait partie de quelque chose, qu'on est quelque chose.
On peut dire que mon moral est tombé bien bas. Je me détache donc de la petite troupe qui s'est formée afin de rejoindre les braises rougeoyantes du feu de camp. Je sens qu'une bonne poignée de chips saura me remettre d'aplomb.
Dans ma chasse à la patate, je vois au loin mes deux acolytes assis dans le sable. L'un discute avidement avec des yeux pétillants, entouré de bonne compagnie. De son élocution équivalente à celle d'un enfant de primaire, je devine que son taux d'alcoolémie doit côtoyer les astres...
L'autre, visiblement de mon avis, réquisitionne la bouteille du premier. Il tente en vain de cacher son air affreusement ennuyé avant de retourner a un livre qu'il tient entre ses mains. Loin de moi l'envie de critiquer mais il semblerait que le moment -et l'éclairage ambiant- ne soit pas les mieux choisis pour lire.
Je jettes finalement mon dévolu sur tout un paquet à la saveur inconnue, avant d'aller les rejoindre.
- Salut ! lancé-je à la cantonade.
Il n'y a peut-être pas de vent, mais j'ai sentis la bourraque.
4 commentaires
Jill Cara
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Il y a 2 ans
Eunoïana
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Il y a 2 ans
Jill Cara
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Il y a 2 ans
Rose Foxx
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Il y a 2 ans