Eunoïana Sous le Soleil d'Août Chapitre 4 Léria

Chapitre 4 Léria

L'atmosphère s'est un peu détendue. Enfin, je le crois.

Mon annonce a laissé planer un blanc dans l'assemblée où même les coups de klaxon du clampin n'ont rien trouvé à redire. Antone, il s'appelle Antone, restons polis.


Entre-temps, j'ai été invité à entrer pour discuter plus posément de la situation. Tous ces gens qui sont sortis, sont des parentés. Ils vivent majoritairement ici car, de toute évidence cet édifice tient plus du château que du mas. Ils lui ont même donné un nom, "Lascita", qui veut dire héritage. Et il possède 3 étages bon sang !


Nous nous retrouvons donc à être une quinzaine réunie autour d'une table suffisamment grande pour tous nous accueillir, à se lancer divers regards interrogateurs. La situation est particulièrement décadente, je le conçois. La matrone qui m'a confondu avec ma mère plus tôt dans la soirée reprend la parole, coupant court au silence de notre petite troupe.


- Donc, tu es la fille de Letizia ? Tu es Léria ? M'interroge-t-elle.


Cette charmante dame s'appelle Luisa, elle a déjà un certain âge et une corpulence bien marquée mais je devine tout de même en elle une vivacité surprenante et force de caractère immortelle. Ses yeux ne quittent pas les miens, elle semble un peu émue.


Le fait qu'elle m'ait confondue avec ma mère n'est pas si surprenant. Bien que maintenant nous ne partagions que quelques traits en commun, j'étais son portrait craché durant sa jeunesse, à l'exception d'une chevelure plus claire et ondulante.


- En effet, et, vous êtes donc...? Me questionné-je poliment.


Se met à couler une larme sur sa joue. Luisa renifle bruyamment, entame une tirade en Corse que je ne saisis pas avant de se lever d'un bond et de me prendre dans ses bras vigoureux.


- Ma petite je suis ta Mammona ! Letizia est ma fille ! S'exclame Luisa.


C'est comme si quelque chose se craquelait en moi, je ne me suis rarement sentie aussi fragile qu'à cet instant. Une brise aurait pu me fissurer plus encore.

Elle est de ma famille, vraiment de ma famille. Je suis sa chair et son sang, ma mère est son enfant. C'est un drôle de sentiment, celui de se dire que le monde est tellement plus vaste que nous. Ce sentiment qui nous assaille quand on réalise qu'on en sait si peu sur des choses qui sont pourtant essentielles. Qu'il est une vie toute autre là où nous, nous ne sommes pas.


Luisa se détache de moi, je tente de dissimuler mon trouble tandis qu'un homme s'approche, un drôle de sourire béat sur les lèvres.


- Je m'appelle Christophe, annonce-t-il. Je suis le frère cadet de Leti.

- Wow...


Je ne sais que dire d'autre. Christophe a les yeux aussi bleus que ma mère, il fait pratiquement 2 mètres et son visage est en partie dissimulé par sa barbe et ses sourcils broussailleux d'un brun profond. Il me questionne du regard, s'avançant pour m'offrir une accolade que j'accepte avant qu'il ne me fasse la bise.


- Tu peux m'appeler Chris si tu veux, c'est dingue... Rafael approche !

Léria, je te présente mon fils, enchaine mon nouvel oncle.

- Enchanté, et de bonne foi ! Dit ce dernier en me tendant la main.

- D-De même.

- Je suis officiellement ton cousin, mais sache qu'officieusement on va devenir de très-très bon amis tous les deux.


Quand je repense à la scène de tout à l'heure, je suis gênée maintenant que toute tension est redescendue. Rafael lui ne semble absolument pas s'en émouvoir.


- On doit avoir le même âge. Si je me fis aux croyances familiales on a carrément partagé le même berceau ! C'est sûr, toi et moi on va faire une équipe imparable !

- Ah bon ? Je n'étais même pas au courant de...

- Ne nous formalisons pas des détails, lance-t-il d'un geste de la main. Je te ferais un historique rapide et concis sur toute la famille dès demain soit sans crainte. Aucun ragot ne t'échappera, me murmure Rafael.


J'ai beau le connaître depuis 15 minutes, je l'adore. Une chance pour moi, cela semble assez réciproque.


- Toujours dans la même rubrique d'âge, je te présente Antone, le char-mant jeune homme que tu as rencontré tout à l'heure, poursuit Rafael.


Il me pousse en direction d'Antone à qui je tends une main quelque peu dubitative. Il ne s'en saisit pas, se contentant de me dévisager d'un regard mauvais.


- Tu pues, se contente-t-il de dire.


C'est un fait, je ne peux pas le nier, pas après avoir crapahuté à tout va. Mais il veut définitivement que je l'étripe ! Il a été élevé par des animaux ou quoi ?! Je crains de découvrir le lien de parenté qui nous unit. Ô malheur toute famille ne peut pas avoir que du bon, n'est-ce pas ?

- En effet, le gros nez ne doit pas aider je présume.


Un sourire carnassier se dessine sur mon visage. Ca aussi, c'est indéniable.

Ma contrepartie semble le piquer, je lis dans son expression qu'il se prépare pour un deuxième round. Cependant, Rafael ne nous en laisse pas le temps, me trainant à l'autre bout de la pièce tel un dramaturge.


- C'est vrai ça Mona, on perd toute bonne manière enfin, il faut trouver un coin où l'installer ! Tu comptes rester Léria, n'est-ce pas ?

- Eh bien je pense rester pour un mois mais...

- Un mois ?! S'exclame Antone.

Je décide de l'ignorer, de bonne grâce.

- Mais j'avais prévu de louer une chambre au gîte du village, ne vous en faites pas, ce serait seulement pour la nuit.

- Moi vivante, il est hors de question que je ne loge pas la fille de ma fille ! Rétorque puissamment Luisa.


Sur ces mots, il est convenu que je séjourne dans l'ancienne chambre de ma mère qui se situe au deuxième étage. L'assemblée se dissipe peu à peu et je prends congé en compagnie de Rafael. Il m'informe que nos chambres sont voisines, ce qui le réjouit d'avance.

Je dois dire que son enthousiasme est communicatif. Bien que j'ai l'impression d'évoluer dans une autre dimension depuis ce matin, sa compagnie m'aide à accepter l'entièreté de cette journée délirante.


La douche que je prends n'est pas longue : elle est sans fin. C'est donc presque Jet Laguée que je regagne mon lit d'un temps. J'enfile un pyjama, qui, au vu des 25°C persistant n'est là que pour la forme et une fois certaines affaires disposées de çà et de là, je me permets enfin de souffler.


La chambre plongée dans la pénombre donne sur le flanc de la colline en contrebas. A mon grand plaisir, je découvre qu'un large balcon brode l'étage sur toute sa longueur. La porte-fenêtre est peut-être récalcitrante, mais je finis par en arriver à bout.


S'offre dès lors devant moi un ciel sans fin, constellé d'étoiles qui ne brillent que pour elles. Pas un obstacle ne vient déchirer le firmament, aucune fumée épaisse ne l'obscurcit. C'est une étendue éternelle qui m'absorbe. Et tandis que mes pensées dérivent dans l'univers, une certitude se détache. Je n'ai jamais été aveugle, j'ai juste cessé d'ouvrir les yeux.

Et si ces étoiles sont les mêmes que celles qui me couvent de l'autre côté de la Méditerranée, il se peut bien qu'ici, j'apprenne à regarder. Il se peut bien qu'ici, j'apprenne de nouveau comment lire le ciel.






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8

8 commentaires

Laeticia LC

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Il y a 2 ans

✨🦋

Margo H

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Il y a 2 ans

Beau chapitre... C est émouvant et beau ...une belle histoire..de famille semble s annoncer ... C éd agréable de la lire ..

Jill Cara

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Il y a 2 ans

Et bien, ça annonce de beaux (ironie) repas familiaux ! Je sens que les lecteurs vont beaucoup aimer Raphaël et détester Antone ! ça risque d'être de jolies joutes verbales entre Léria et Antone ! Un petit truc typographique : j'ai observé plusieurs fois des majuscules pour des incives après ? ou ! Il faut bien mettre une minuscule (même si le correcteur du traitement de texte n'aime pas ça !). Ca permet au lecteur de comprendre qu'il ne s'agit pas d'une parole du personnage.

SANDRINE BLANQUART

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Il y a 2 ans

Voila un petit coup de pouce :)

RomyMancini

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Il y a 2 ans

Coup de pouce 😊
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