Eunoïana Sous le Soleil d'Août Chapitre 3 Léria

Chapitre 3 Léria

- La maison des Pietri ? Alors, hum...

La maitresse des lieux me regarde avec de gros yeux. Je suis certaine de lui renvoyer ses deux loupes en miroir.

- Elle est un peu en dehors du village, je dirais à une quinzaine de minutes à pied. Prenez la route et longez là jusqu'à la première intersection. Le Mas se trouve en contrebas vous ne pouvez pas le manquer.


Je la remercie pour ses précieuses indications. En sortant du gîte, je constate que le Soleil entame une course déclive à l'horizon. Le panorama est magnifique et pendant quelques instants, je me délecte de cette contemplation. Les senteurs sont apaisantes, plus brutes et authentiques, promesse du décor que le maquis offre dans ces hauteurs. Je me mets à savourer le grésillement des cigales, le chant d'oiseaux qui peuplent encore les arbres.

L'air est pur, au point qu'il me donne l'impression que des fleurs s'épanouissent dans mes poumons. Je me délecte de cette nature, la ville m'en a privé depuis si longtemps. Rien que cela, ça me fait du bien.


Je puise dans mes réserves la volonté nécessaire pour avancer. Après tout, n'est-ce pas pour cela que je suis là ? Pour avancer ?

Mes pas me guident, je ressemble à un spectre qui s'élance, désarticulé, chancelant parfois de droite et de gauche. Je ne suis plus très loin, encore un petit effort.


La lumière au beau s'assoupir lentement, l'atmosphère n'en reste pas moins pesante de la chaleur accumulée des heures durant. Dès que j'aperçois l'intersection au loin, un sourire idiot habile mon visage. Car il se pourrait que cette fois-ci soit vraiment la bonne.

Même si je ne pensais pas me présenter à eux en leur demandant le gite et le couvert, l'idée soulageante de pouvoir enfin me poser prend le dessus sur mes craintes quant à leur accueil.


Je m'engage sur le chemin gondolé. Toute une haie d'arbres entoure ce dernier, ce qui me plonge encore plus dans la pénombre. Les derniers rayons solaires peinent à filtrer au travers du labyrinthe de branche, mais au loin ils me permettent enfin d'apercevoir la bâtisse.


C'est bien un immense mas qui se dessine, construit avec une pierre centenaire et pourtant farouchement solide. Une énorme porte en bois se dessine sous un porche. Je ne distingue rien d'autre si ce n'est le lierre qui habille l'ensemble. Le lieu est accueillant, charmant.


Subitement, comme un souffle qui décime tout, le silence et la sérénité se désagrègent. Un grondement sourd vrombit derrière moi tandis que j'entends un lourd véhicule s'avancer dans ma direction.

Je me retourne, visiblement un peu trop vite, et perds l'équilibre.

De justesse, je me rattrape à l'arbre le plus proche et observe l'ombre se mouvoir. Elle se dessine plus nettement alors qu'elle approche.


C'est un 4x4. Avec une carrosserie plus que sale. Et je ne m'y connais pas, ma cela ressemble a une vieille Ford.


Autre chose importante à savoir sur moi, j'ai peut-être 22 ans mais je n'ai jamais su trouver l'équilibre entre le feu et la glace. Alors je suis les deux.


La fatigue, les courbatures, la faim, la soif, les craintes et les doutes et toutes les autres raisons qui m'ont trainé jusque dans ce trou paumé refont surface et dévastent tout. Dans ma tête, c'est un ras-de-marais. Quand ce charmant véhicule bien trop familier s'arrête en ayant la politesse de ne pas m'écraser sur son passage, je lui balance mon sac sur le parechoc, le faisant sonner d'un bruit sec.


- Non mais je rêve espèce d'enfoiré !

Et encore, je pèse mes mots, c'est un vrai connard.

- Tu m'as laissé sur le bas-côté alors que tu savais pertinemment qu'on allait au même endroit !? Tu te fous de ma gueule ?!


Je l'invective sans m'interrompre dans un flot d'injures dont moi-même je ne me savais pas capable. Au travers du pare-brise, je distingue sa silhouette, il ne bronche même pas. Raison pour laquelle je flanque un coup de pied à son pneu. Aucun besoin de préciser que mon pied a plus subi que le caoutchouc.

Profitant d'une pause pour reprendre mon souffle, mon regard dérive sur la place passager. Ils sont deux. L'idée me traverse alors l'esprit que peut-être n'était-ce pas le même chauffeur que ce matin. Mais trop tard, la tornade est passée.


Ledit chauffeur profite du moment d'accalmie pour quitter son véhicule. Et je ne saurais dire pourquoi, mais quand je le vois, je sais que c'est lui. Il sait aussi, c'est obligé, sinon il n'afficherait pas cet air buté et prétentieux.


- Fighjate questu, Rafael. Le vent nous amène une Pinzutu paumée.


Avoisinant mon âge, il a beau faire une tête de plus que moi, il ne me décourage clairement pas à en découdre. Son allure nonchalante avec son bermuda et sa chemise en lin usée par le temps détonne avec l'aspect sérieux que je prête à la situation. Pinzutu, il clairement craché ses mots. Ce n'est pas en jetant du bois dans le feu que celui-ci va s'éteindre.


- C'est pas une Pins, on est trop loin. Tu la connais ? S'enquiert Rafael, son passager.


Ce dernier est indéniablement plus dans l'air du temps. Vêtu de jean, chemise colorée claquante avec sa paire de solaires, il me donne moins l'impression d'être en terre inconnue.


- Non, rien de mémorable, répond ce crétin d'inconnu aigri toujours aussi amer.

- Eh le clampin, tu te fous de moi ?

Je m'apprête à enchainer, absolument pas calme pour un sou. A croire que la fatigue n'arrange pas les choses. Tout autant que son air suffisant, non mais j'hallucine !


C'est alors que Rafael se saisit de mon sac, qu'il m'apporte en approchant d'une lenteur délibérée. Je le récupère et vois son regard dévié sur mon médaillon. Ca le fait moucher, il sourit, moi je réprimande une grimace.


- Pins ou pas... Enonce-t-il en saisissant mes pendentifs. Même si je suis bien d'accord pour dire qu'insulter mon ami est toujours un plaisir peut-être pourrais-tu te présenter ?

- Non. Avvedeci, dis-je d'un accent plus qu'approximatif.


J'accompagne mes paroles d'un doigt d'honneur à l'intention de l'emmerdeur de première qui regagne sa voiture et poursuit les derniers mètres qui me séparent de la maison. Les phares de la vieille Ford éclairent la route sur laquelle je déambule en plein milieu, bloquant le passage à celui qui conduit derrière moi.

Cela ne semble malencontreusement pas lui plaire puisqu'il se met à klaxonner. Plusieurs fois. Je n'accélère pas, maintiens ma position. En arrivant enfin prêt du porche, je vois une petite lumière se voiler d'ombres.


Brusquement, surgit de la maison une vague d'inconnus de tous âges qui me scrutent d'un œil mauvais. Etant donné les circonstances rien ne me surprend...

Une matrone d'un certain âge s'avance vers nous, le regard dur.

- Antone ! Qu'est-ce que...


Puis, ses yeux se posent sur moi, son visage se met a exprimer une stupeur que je ne vais pas tarder à partager quand elle va s'écrier :


- LETIZIA !


J'avale de travers, tente de reprendre une certaine prestance avant d'annoncer :


- Bonsoir, je suis Léria Pietri, et je vous demande l'hospitalité, s'il vous plait.



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10 commentaires

Laeticia LC

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Il y a 2 ans

✨🦋

Jill Cara

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Il y a 2 ans

Je poursuis ma lecture et t'ai fait remarqué quelques coquilles. J'espère que ça te servira et ne te dérangera pas surtout. Comme on publie assez vite sur Fyctia, il nous manque parfois quelques relectures pour être certain de tout voir ! Et c'est plus facile quand ce n'est pas celui qui écrit de voir ces petites erreurs ! J'aime beaucoup tes descriptions. On s'y croirait ! Peut-être pourrais-tu mettre les traductions de ce que tu écris en Corse dans ton texte en bas de page? Il me manque du vocabulaire et j'avoue être un peu frustrée même si j'ai compris en gros grâce au ton du dialogue ce que ça pouvait vouloir dire. J'aime déjà le caractère de Léria qui est tout feu tout flamme ! J'ai hâte de la voir glaciale =)

Eunoïana

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Il y a 2 ans

Les corrections ne me dérangent pas du tout bien au contraire ! Encore une fois merci pour ton retour et je prends note de ta suggestion pour les traductions ! ;)

SANDRINE BLANQUART

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Il y a 2 ans

Voila un petit coup de pouce :)
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