Fyctia
Chapitre 6 : Improvi... 1/6
Improvisation sous pression (POV Juliette)
15 décembre
— Six mois ?
Je siffle ces mots à travers mes dents serrées dès que la porte de notre chambre se referme derrière nous. La colère me fait littéralement trembler. Cette journée avait commencé normalement — enfin, aussi normalement que possible quand on partage un lit avec un strip-teaseur engagé pour jouer votre petit ami — et voilà que ma propre sœur vient de dynamiter notre couverture soigneusement élaborée.
— On a dit trois mois, Ethan. Trois !
Ethan hausse nonchalamment les épaules en défaisant sa cravate, un sourire en coin étirant ses lèvres.
— Manifestement, Princesse, tu parlais déjà de moi bien avant qu'on ne se rencontre. Je suis flatté.
Son air suffisant me donne envie de le gifler. Ou de lui lancer l'oreiller que je serre entre mes doigts. Ou les deux.
— Ce n'est pas drôle ! Mon innocente petite sœur vient de prendre notre mensonge soigneusement construit et de le jeter par la fenêtre !
— "Innocente" n'est pas exactement le mot que j'utiliserais pour décrire Amélie, répond-il avec un petit rire. Cette fille est plus perspicace que la plupart des détectives privés que j'ai rencontrés.
Attends, pourquoi connaît-il des détectives privés ?
Je le regarde étrangement, mais décide de garder cette question pour plus tard. Il y a plus urgent.
— Quoi qu'il en soit, on a un problème.
— On a une opportunité, corrige-t-il en s'asseyant sur le bord du lit, me regardant faire les cent pas. J'ai improvisé, tu as suivi. Et tu dois admettre qu'on s'en est plutôt bien tirés.
Je m'arrête net. Il n'a pas tort. Son histoire habile sur notre "première rencontre il y a six mois, mais officiellement ensemble depuis trois" avait été... brillante. Et j'avais joué le jeu avec une aisance qui m'avait surprise moi-même.
Depuis quand sommes-nous devenus si synchrones ?
— Le problème, je reprends en essayant de rester concentrée, c'est que je n'ai jamais mentionné de petit ami à ma famille avant notre arrangement. Alors pourquoi Amélie prétend-elle le contraire ?
Ethan s'allonge sur le lit, les bras croisés derrière la tête, dans une posture si décontractée qu'elle en devient irritante.
— C'est évident, non ? Elle nous teste.
— Nous teste ?
— Elle soupçonne que quelque chose cloche dans notre histoire. Cette fille est trop maligne pour son bien.
Je m'effondre dans le fauteuil près de la fenêtre. C'est un désastre. Un jour et demi au manoir, et notre couverture est déjà compromise.
Pourquoi ai-je pensé qu'un plan aussi ridicule pourrait fonctionner ?
— Alors, qu'allons-nous faire ? demande Ethan, me tirant de mes pensées catastrophiques.
— On doit synchroniser nos histoires. Immédiatement.
Je dégaine mon téléphone et commence à taper frénétiquement.
— Qu'est-ce que tu fais ? s'enquiert-il en se redressant sur un coude.
— Je crée un document partagé. Notre Bible du mensonge, version étendue. On va tout y mettre – dates, lieux, anecdotes. Il faut que ça soit cohérent, détaillé et mémorisable.
Il éclate de rire, ce qui me fait lever les yeux de mon écran.
— Quoi ?
— Tu es vraiment la personne la plus méticuleuse que j'aie jamais rencontrée. Tu prévois de nous faire passer un examen aussi ?
— Moque-toi tant que tu veux, mais c'est ton cou aussi qui est sur le billot.
— Techniquement, c'est surtout le tien. Moi, au pire, je perds un contrat. Toi, tu perds la face.
Enfoiré.
— Alors, qu'est-ce que tu proposes, génie ?
Ethan se lève souplement et vient s'asseoir sur l'accoudoir de mon fauteuil, si proche que je peux sentir son après-rasage.
— L'improvisation, Princesse. C'est comme ça que marchent les meilleures performances.
— Je ne suis pas une artiste, je rétorque, mal à l'aise face à sa proximité. Je suis une avocate. Je me prépare. Je planifie.
— Et comment ça a marché pour toi jusqu'ici ?
Le coup fait mouche. Je détourne le regard.
— Écoute, reprend-il plus doucement. Je ne dis pas de ne pas préparer quelques éléments clés. Mais les meilleurs mensonges sont ceux qui contiennent une part de vérité. Alors, parlons-nous. Vraiment.
— Vraiment ?
— Ouais. Au lieu de créer des histoires de toutes pièces, partageons des anecdotes réelles et adaptons-les. C'est plus facile à retenir et plus authentique à raconter.
Sa suggestion a un sens irritant.
— D'accord, je concède. Par où commençons-nous ?
— Par exemple, cette exposition d'architecture que j'ai mentionnée ? La galerie Leland ? C'était un vrai lieu où j'allais souvent comme étudiant en architecture. Je peux décrire chaque détail de ces salles parce que j'y ai vraiment été.
Cette révélation me surprend.
— Amélie t'a parlé de mes études en architecture, c'est vrai
Un éclair de culpabilité traverse son visage.
— Elle peut avoir mentionné ton intérêt pour le sujet, oui.
Bien sûr, ces deux-là ont fraternisé. Juste ce dont j'avais besoin.
— Ma petite sœur et mon faux petit ami complotent contre moi.
— Pas contre toi. Pour nous. Notre couverture, corrige-t-il. Elle m'a juste donné des munitions pour rendre notre histoire plus crédible.
J'admets à contrecœur que c'est vrai. Mais je déteste l'idée qu'ils discutent de moi dans mon dos.
— Bien. Alors, nous nous sommes rencontrés il y a six mois lors d'une exposition d'architecture à la galerie Leland...
— Où tu admirais une maquette de Fallingwater de Frank Lloyd Wright, poursuit Ethan avec une précision qui me surprend. J'ai fait une remarque sur la façon dont la lumière traverse les espaces. Tu as corrigé mon analyse, assez sèchement d'ailleurs.
Je ne peux retenir un sourire.
— Évidemment que je l'ai fait.
— Puis je t'ai invitée à prendre un café. Tu as refusé.
— Trois fois, apparemment.
— Mais j'étais persistant.
— Déterminé, je corrige, rejoignant notre impromptu de la table du dîner.
Pour la première fois depuis cette conversation, nous échangeons un sourire complice. C'est étrange comme cette fausse histoire semble presque... plausible. Comme si, dans une réalité alternative, cela aurait pu se passer exactement ainsi.
Notre session de synchronisation de mensonges est interrompue par un coup à la porte. Amélie passe la tête dans l'embrasure sans attendre de réponse.
— Préparez-vous à socialiser ! annonce-t-elle joyeusement. Les Hartwell viennent d'arriver. Et devine qui les accompagne, Jules ?
Oh non. Pas lui.
— Lucas ? je demande, bien que connaissant déjà la réponse.
— Lui-même ! confirme-t-elle avec un sourire diabolique. Mère est en extase.
Elle disparaît aussi vite qu'elle est apparue, me laissant avec une sensation de plomb dans l'estomac.
— Qui est Lucas ? demande Ethan, son ton soudain moins joueur.
— Le fils des Hartwell. Un ami de la famille.
— Et ?
— Et rien du tout.
Ethan me dévisage, clairement peu convaincu.
— Le prétendant avec qui ta mère essaie de te caser depuis des années ?
Comment diable a-t-il deviné ça ?
13 commentaires
NICOLAS
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Il y a 11 jours
Sunny NDV
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Il y a 11 jours
natha_lit
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Il y a 11 jours
Assmag
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Il y a 11 jours
DOM75
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Il y a 12 jours