Fyctia
Chapitre 5 : Lever (P.2)...2/3
Et pourquoi ça t'intéresse, crétin ? Tu es là pour jouer un rôle, encaisser ton chèque et disparaître.
Pourtant, quand je réapparais dans la chambre, costume impeccablement ajusté et cravate parfaitement nouée, quelque chose dans son regard m'arrête. Une vulnérabilité fugace, peut-être. Ou simplement l'appréciation d'une femme pour un homme bien habillé. Quoi qu'il en soit, je me surprends à vouloir prolonger ce moment.
— Satisfaite ? je demande en écartant légèrement les bras.
— Ça fera l'affaire, répond-elle avec une nonchalance étudiée. Je dois admettre que mes choix étaient... judicieux.
— Avoue que tu me trouves irrésistible, Princesse.
— J'avoue que tu manques cruellement de modestie, rétorque-t-elle en attrapant son sac. Allons-y avant que ta tête n'enfle au point de ne plus passer la porte.
Le dîner se déroule dans une salle à manger qui pourrait aisément accueillir vingt personnes, mais ce soir, nous ne sommes que cinq autour d'une table assez grande pour créer une distance confortable entre chaque convive. Des domestiques en uniforme se déplacent silencieusement, servant des plats dont la présentation est si artistique qu'on hésite presque à les déranger.
Je m'adapte rapidement, observant discrètement Juliette pour reproduire ses gestes – quelle fourchette utiliser, comment tenir mon verre de vin, quand parler et quand écouter. C'est un ballet social complexe, mais après des années à étudier les comportements de mes clients pour adapter mes performances, je m'y retrouve assez naturellement.
— Alors, Ethan, dit Richard Deveraux après que le premier plat soit servi, Juliette nous a dit que vous étiez dans le conseil en design architectural. Quelle est votre spécialité ?
Moment de vérité. Pas de panique. Tu as répété ça.
— Je me concentre principalement sur les espaces de performance et de divertissement, je réponds avec assurance. Il y a quelque chose de fascinant dans la conception d'environnements qui influencent l'expérience émotionnelle d'un public.
Ce n'est pas vraiment un mensonge – j'ai effectivement cette expertise, même si elle s'applique principalement aux clubs de strip-tease.
— Intéressant, commente Richard. J'ai toujours pensé que l'architecture était autant une question de psychologie que de mathématiques. Vous avez étudié où ?
— NYU, brièvement, je réponds, collant à notre histoire préparée. J'ai quitté le programme avant d'obtenir mon diplôme pour me lancer directement dans le consulting.
— Audacieux, observe-t-il sans trahir s'il trouve cela admirable ou imprudent.
— Les diplômes sont essentiels, intervient Catherine avec un sourire poli mais froid. Juliette a obtenu son doctorat en droit avec les honneurs à Yale.
— Mère, proteste doucement Juliette.
— Quoi ? Je suis simplement fière de tes accomplissements, ma chérie.
— Je comprends pourquoi, je réponds avec un sourire chaleureux. Juliette est remarquable.
À ma surprise, elle me jette un regard presque reconnaissant.
— Et pourtant, elle gaspille son talent dans cette... association caritative, poursuit Catherine en prenant une gorgée de vin.
— Organisation non gouvernementale, corrige Juliette, sa voix prenant ce ton légèrement plus aigu qui, j'ai appris, signale son irritation.
— Je trouve au contraire son travail pour les droits des femmes tout à fait admirable, j'interviens. Utiliser ses compétences juridiques pour aider celles qui n'ont pas eu ses privilèges montre une conscience sociale que beaucoup dans sa position n'auraient pas.
Un silence s'abat sur la table. Richard m'observe avec un intérêt nouveau, tandis que Catherine semble avoir avalé quelque chose de travers. Amélie, qui est restée étonnamment silencieuse jusqu'ici, me fait un petit signe de pouce discret.
— C'est une façon de voir les choses, concède finalement Catherine. Bien que le cabinet de son père lui ait offert une position bien plus... influente.
— Différents types d'influence, je suggère diplomatiquement. L'une financière, l'autre sociale.
— Exactement, acquiesce Juliette, et je sens sa jambe presser brièvement contre la mienne sous la table. Un geste de remerciement silencieux.
La conversation dérive vers des sujets plus neutres – les préparatifs pour la soirée de charité à venir, les dernières acquisitions artistiques de Richard, les exploits académiques d'Amélie à Brown. Je me maintiens dans mon rôle, partageant des anecdotes soigneusement préparées de ma prétendue carrière, complimentant discrètement la cuisine et les vins, plaçant une main occasionnelle sur celle de Juliette pour renforcer notre image de couple.
C'est presque trop facile, et je me surprends à apprécier certains aspects de cette performance – notamment les discussions avec Richard sur l'architecture moderne et les échanges sarcastiques avec Amélie qui allègent l'atmosphère parfois tendue.
Au dessert – une création élaborée impliquant des fruits exotiques et de la crème infusée à la vanille de Madagascar – Catherine pose la question que nous attendions.
— Alors, depuis combien de temps exactement sortez-vous ensemble ?
Un silence tombe sur la table. Le regard de Juliette croise le mien, une micro-panique dans ses yeux. Nous avions répété cette question, mais je réalise soudain qu'avec toutes nos provocations mutuelles, nous avons oublié de nous mettre d'accord sur la réponse. Je souris, prêt à répondre les trois mois convenus, quand Amélie intervient :
— Oh, ça doit faire au moins six mois, vu comment Juliette parlait de lui.
Six mois ? Notre histoire préparée mentionnait trois mois.
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Assmag
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Sunny NDV
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Il y a 13 jours
Zatiak
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JustineSt
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KoalAline
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Zatiak
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Bérengère Ollivier
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Il y a 13 jours