Fyctia
Chapitre 5 : Lever (P.1)...2/3
Je m'avance, main tendue et sourire calibré – chaleureux mais pas trop, respectueux mais pas servile.
— Madame Deveraux, c'est un plaisir d'enfin vous rencontrer. Juliette m'a tant parlé de vous et de votre famille.
Elle accepte ma main avec cette grâce étudiée des gens habitués à évaluer les autres en une poignée de main.
— Monsieur Miller, répond-elle avec un sourire qui n'atteint pas ses yeux. Nous sommes ravis de enfin faire votre connaissance. Juliette a été si... discrète à votre sujet.
Traduction : "Qui diable êtes-vous et comment osez-vous approcher ma fille ?"
— C'est ma faute, j'interviens avec un rire léger. J'ai insisté pour qu'on prenne le temps de construire quelque chose de solide avant de faire les présentations officielles. Le monde peut être si indiscret de nos jours.
Richard Deveraux, un homme grand et imposant aux tempes grisonnantes, s'avance à son tour. Il dégage cette aura d'autorité tranquille que seuls les hommes vraiment puissants possèdent – ceux qui n'ont pas besoin d'élever la voix pour être entendus.
— Ethan, dit-il simplement en me serrant la main. Bienvenue chez nous.
Sa poignée de main est ferme sans être agressive – un test subtil que je reconnais pour en avoir subi d'autres. Je réponds avec la même pression, établissant d'emblée que je ne suis pas intimidé.
— Je vous remercie de m'accueillir pour les fêtes, Monsieur Deveraux. Votre demeure est impressionnante.
Il hoche la tête, m'évaluant visiblement.
— Juliette nous a dit que vous étiez dans les affaires ?
— En effet. Conseil en design architectural principalement, bien que mes intérêts soient diversifiés.
Techniquement, je conseille les strip-teaseuses sur la conception de leurs numéros et la mise en scène. Ça compte, non ?
Avant que l'interrogatoire ne puisse commencer sérieusement, une tornade blonde surgit de l'autre côté de la pièce et se jette littéralement dans les bras de Juliette.
— Enfin ! s'exclame une jeune femme qui doit être Amélie, la sœur de Juliette. Je pensais que tu n'arriverais jamais !
Amélie Deveraux est tout ce que sa sœur n'est pas – spontanée, expressive, et visiblement peu préoccupée par le "qu'en-dira-t-on". Vêtue d'un jean déchiré et d'un sweat-shirt festif décoré de ce qui semble être un renne avec un nez qui s'illumine réellement, elle détonne complètement dans ce cadre formel.
Après avoir presque étouffé sa sœur, elle se tourne vers moi avec des yeux brillants de curiosité.
— Et tu dois être le mystérieux Ethan ! dit-elle en me tendant la main. Je suis Amélie, la sœur cool.
Je ris franchement, serrant sa main avec une chaleur sincère.
— Le mystère en personne. Et je confirme, définitivement la sœur cool, à en juger par ce renne lumineux.
— Amélie, ton langage, intervient Catherine avec un froncement de sourcils désapprobateur.
— Quoi ? J'ai juste dit "cool", réplique Amélie en levant les yeux au ciel. Ce n'est pas comme si j'avais lâché un "putain" au milieu du salon.
— Amélie ! s'exclame sa mère, horrifiée.
J'adore cette gamine. Définitivement une alliée potentielle dans cette maison de fous.
Juliette semble partagée entre l'embarras et l'amusement, tandis que Richard Deveraux observe la scène avec une expression indéchiffrable.
— Peut-être devrions-nous laisser nos invités s'installer avant le dîner, suggère-t-il finalement. Mercedes va vous montrer votre chambre.
Je remarque le singulier – "votre chambre" – et jette un regard en coin à Juliette qui semble avoir momentanément oublié comment respirer.
— Merveilleux, je réponds à sa place. Le voyage a été long, un moment pour nous rafraîchir serait apprécié.
Tandis que nous suivons Mercedes vers l'escalier, j'entends Amélie chuchoter (pas très discrètement) à sa sœur :
— Il est encore plus canon que ce que tu nous as fait. Bien joué, Jules !
Le rire étouffé de Juliette est la première manifestation authentique de joie que je l'entends exprimer depuis notre arrivée. C'est... agréable. Plus agréable que ça ne devrait l'être, probablement.
Ne t'attache pas, idiot. C'est un boulot, pas une vraie relation.
La chambre – ou devrais-je dire la suite – qui nous est assignée est plus grande que mon appartement entier. Un lit king-size domine l'espace, entouré de meubles qui semblent avoir été construits pour la royauté européenne. Une cheminée en marbre occupe un mur entier, et les fenêtres offrent une vue sur ce qui semble être des hectares de jardins enneigés.
— La salle de bain est par ici, indique Mercedes en ouvrant une porte. Je vais faire monter vos bagages.
Une fois Mercedes sortie, Juliette s'effondre sur le bord du lit, comme si toute l'énergie venait de la quitter.
— Eh bien, ça ne s'est pas trop mal passé, je commente en inspectant la pièce. Ta mère ne m'a pas fait exécuter sur-le-champ, et ton père n'a pas immédiatement appelé la sécurité. Je considère ça comme une victoire.
— C'était juste l'accueil, répond-elle en massant ses tempes. Le véritable interrogatoire commencera au dîner.
Je m'approche de la fenêtre, admirant malgré moi la beauté presque surréaliste du paysage.
— Tu étais différente avec eux, j'observe sans me retourner. Comme si tu enfilais un costume qui ne te va pas tout à fait.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Bien sûr que si. "Parfaitement, Mère". Qui parle comme ça en 2025 ?
— J'apprécie ton analyse psychologique amateur, mais je te suggère de te concentrer sur ton propre rôle plutôt que de critiquer le mien.
Je me retourne, la trouvant plus pâle que d'habitude, les traits tirés par une tension qui semble chronique dans cet environnement.
— Ce n'est pas une critique, Princesse. Juste une observation. Tu es tellement à l'aise pour me donner des ordres, mais devant ta mère, tu te transformes en personnage de "La Petite Maison dans la Prairie".
— Tu ne comprends pas ma famille.
— Probablement pas. Mais je comprends les dynamiques de pouvoir, et ce que je viens de voir est fascinant.
Elle s'apprête à répondre quand on frappe à la porte. Un homme en uniforme entre avec nos valises, qu'il dépose soigneusement près de l'armoire avant de sortir aussi silencieusement qu'il est entré.
— On devrait s'installer, dit Juliette en se levant. Le dîner est à dix-neuf heures précises, et ma mère déteste les retards.
J'ouvre ma valise et commence à sortir les vêtements qu'elle m'a achetés – des vêtements qui coûtent plus que tout ce que j'ai jamais possédé. Pendant ce temps, Juliette déverrouille sa propre valise, révélant un contenu parfaitement organisé qui ne me surprend pas du tout de sa part.
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Flopinette
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Zatiak
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Assmag
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Zatiak
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