Fyctia
Chapitre 4 : Répétit... 3/5
— C'est la période des fêtes, intervient Margaret Patterson avec un sourire affecté. Tout le monde se croise aux mêmes endroits. Impossible d'y échapper.
— C'est ce que je remarque, répond Ethan en riant. C'est déjà la troisième fois cette semaine que nous rencontrons des amis de Juliette lors d'un dîner. Un vrai festival de coïncidences !
Je le pince discrètement sous la table, mais son sourire ne vacille pas.
— Nous avons tous nos petites habitudes et nos établissements favoris, confirme Margaret. La haute société new-yorkaise est un petit monde, après tout. On finit toujours par se retrouver dans les mêmes cercles.
— Allez-vous au manoir pour les fêtes ? demande Lawrence à Ethan.
— En effet. Je rencontre enfin officiellement la famille de Juliette, répond Ethan en me prenant la main avec une tendresse qui paraît terriblement authentique.
— Richard et Catherine doivent être ravis, commente Margaret avec un regard scrutateur. Ils désespéraient de voir Juliette s'établir depuis... l'incident.
L'incident. Quelle façon élégante de parler de ma rupture publique et humiliante.
— Je suis sûr qu'ils étaient simplement préoccupés par son bonheur, répond diplomatiquement Ethan. Quant à moi, je me considère comme l'homme le plus chanceux de New York d'avoir gagné son affection.
Sa déclaration, bien que totalement fictive, me fait rougir malgré moi.
— Miller ? répète Lawrence en fronçant légèrement les sourcils. Je ne crois pas connaître de Miller dans notre cercle.
— Je suis plutôt nouveau dans l'entourage de Juliette, répond Ethan avec un sourire charmant. Nous nous sommes rencontrés lors d'une exposition d'architecture moderne. J'ai eu l'audace de contester son interprétation d'une œuvre, et disons que notre débat s'est poursuivi autour d'un verre, puis d'un dîner...
Le visage de Margaret s'illumine d'intérêt.
— Oh, une rencontre passionnée ! C'est tellement romantique. Et dans quel domaine travaillez-vous, Monsieur Miller ?
— Je suis entrepreneur, principalement dans le conseil en design architectural. J'aide les entreprises à créer des espaces qui reflètent leurs valeurs tout en optimisant la fonctionnalité.
D'où sort-il ça ?
— Fascinant, commente Lawrence, semblant réellement intéressé. J'imagine que vous vous êtes rencontrés grâce à la collection d'art de Richard, alors ?
— En effet, répond Ethan sans hésitation. La passion de Monsieur Deveraux pour l'architecture moderne est vraiment impressionnante. Juliette m'a fait visiter leur collection privée lors de notre troisième rendez-vous.
Je reste parfaitement immobile, tentant de masquer ma stupéfaction. Non seulement Ethan invente une histoire cohérente à partir de notre scénario de base, mais il intègre des détails sur la passion réelle de mon père pour l'architecture moderne – un fait que je lui ai effectivement mentionné, mais que je ne m'attendais pas à le voir utiliser si habilement.
— Vous devez absolument voir leur nouvelle acquisition, s'enthousiasme Margaret. Une maquette originale de Frank Lloyd Wright. Elle est exposée dans le hall principal du manoir.
— J'ai hâte, répond Ethan avec une excitation parfaitement dosée. Wright a été une influence majeure dans ma propre approche du design.
La conversation se poursuit pendant quelques minutes, Ethan naviguant avec une aisance déconcertante entre des sujets auxquels il ne devrait rien connaître. Il mentionne des expositions récentes, commente intelligemment la dernière acquisition de la fondation Patterson (comment sait-il ça ?), et parvient même à faire rire Margaret avec une anecdote impliquant apparemment lui et moi lors d'un voyage impromptu à Boston pour voir une exposition spéciale.
— Eh bien, nous ne voulons pas interrompre votre dîner plus longtemps, déclare finalement Lawrence. Ce fut un plaisir de vous rencontrer, Ethan. Nous nous verrons au gala de Noël des Deveraux, j'imagine ?
— Absolument, confirme Ethan. J'ai hâte de poursuivre notre conversation sur les nouveaux projets de revitalisation urbaine.
Une fois les Patterson suffisamment éloignés, Ethan se penche vers moi et murmure :
— Mon Dieu, ces deux-là ont un balai tellement enfoncé dans le cul qu'on pourrait les utiliser pour nettoyer le plafond de la chapelle Sixtine.
Je m'étrangle presque avec mon vin.
— Ethan ! je siffle, oscillant entre le choc et un fou rire naissant.
— Quoi ? Tu ne peux pas me dire que j'ai tort. Cette femme est tellement rigide qu'elle pourrait se briser si elle essayait de sourire naturellement.
— Ce sont des amis proches de mes parents !
— Et ils sont exactement comme je les imaginais. Ça explique beaucoup de choses sur toi, d'ailleurs.
— Comment ça ?
— Cette façon que tu as de tout contrôler, de tout planifier. C'est typique des gens qui ont grandi dans ce genre d'environnement ultra-codifié.
Je le fixe, irritée par sa perspicacité.
— D'où sors-tu tout ça ? je siffle dès qu'ils sont complètement hors de portée.
— Improvisation, talent naturel, et beaucoup d'observation, répond-il en reprenant son verre de vin. Les riches adorent parler d'art qu'ils ne comprennent pas vraiment et de voyages qu'ils font uniquement pour frimer. C'est un script facile à suivre.
— Tu as inventé un voyage à Boston !
— Détail mineur. Si on te demande, c'était en octobre, un week-end pluvieux. Nous avons séjourné au Four Seasons et j'ai insisté pour qu'on prenne le petit-déjeuner au lit tous les matins.
Je sens mes joues s'échauffer à cette image beaucoup trop vivide.
— Personne ne va demander ces détails.
— Tu serais surprise, Princesse. Les gens aiment les histoires d'amour, surtout quand elles concernent quelqu'un d'aussi fermé que toi. Ta mère va probablement m'interroger sur chaque moment significatif de notre relation.
— Et tu as une réponse pour tout ?
— Absolument, répond-il avec un clin d'œil. Y compris pour notre premier baiser, notre premier "je t'aime", et notre première nuit ensemble. Tous mémorables, je te l'assure.
Je lève les yeux au ciel, mais au fond, je suis impressionnée. Et peut-être un peu inquiète aussi. Si Ethan est capable d'inventer une relation aussi convaincante de toutes pièces, que va-t-il me réserver chez mes parents ?
Le reste du déjeuner se déroule sans incident majeur, mais je remarque à quel point Ethan est attentif à mes moindres gestes – me tendant la serviette quand j'en ai besoin avant même que je ne la demande, remarquant que je préfère le pain aux céréales et m'en offrant avant que je n'aie à tendre la main, commandant un espresso pour moi à la fin du repas sans que je ne l'aie mentionné.
— Comment sais-tu que je prends un espresso après le repas ? je demande, suspicieuse.
— Rien de nouveau, tu en as pris un à chaque fois que nous avons dîné ensemble, répond-il simplement. Je t'observe, Juliette. C'est mon travail.
Cette réponse me trouble plus que je ne voudrais l'admettre.
15 commentaires
L'amisolitaire 🔥
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Il y a 3 jours
Sarael
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Il y a 10 jours
Flopinette
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Il y a 13 jours
Sunny NDV
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Il y a 14 jours
Assmag
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Il y a 14 jours
lovelover
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Il y a 16 jours