Fyctia

— Et Nash ? Qu'est-ce qui t'a vraiment attirée chez lui ?

Je me raidis instantanément.

— Nous avons déjà abordé ce sujet. C'est hors limites.

— Pas si nous voulons être convaincants, insiste-t-il doucement. Ta famille va forcément faire des comparaisons, et je dois savoir comment me positionner.

— Te "positionner" ? Tu n'es pas un produit en marketing, Ethan.

— En fait, c'est exactement ce que je suis dans ce scénario. Le nouveau petit ami qui remplace l'ancien. Pour vendre l'illusion, je dois comprendre ce qui a fait défaut avant.

Il est manipulateur, mais il n'a pas tort.

— Nash était... prévisible, je concède après un moment d'hésitation. Issu du même milieu, mêmes références, mêmes attentes. C'était facile, confortable.

— Jusqu'à ce qu'il te fasse du mal.

— Jusqu'à ce qu'il me fasse du mal, je confirme sèchement.

— Alors je devrais être quoi ? L'exact opposé ? Le bad boy qui te fait vivre dangereusement ?

Si tu savais à quel point tu joues déjà parfaitement ce rôle.

— Sois juste... toi-même, mais en version améliorée. Plus poli, moins provocateur.

Il rit franchement.

— Où serait le plaisir, Princesse ?

Mon téléphone sonne, me sauvant temporairement de cette conversation. C'est Amélie, ma sœur cadette.

— Je dois prendre cet appel, dis-je en me levant. Et toi, révise encore la généalogie.

Je m'éloigne vers la fenêtre, appuyant sur "accepter".

— Amélie, comment vas-tu ?

— ENFIN ! s'exclame ma sœur si fort que je dois éloigner le téléphone de mon oreille. J'ai cru que tu m'évitais ! Est-ce qu'il est avec toi maintenant ? À quoi il ressemble ? Est-ce qu'il est aussi canon que tu l'as laissé entendre ?

Je lance un regard rapide vers Ethan, qui fait semblant de se concentrer sur les fiches mais tend visiblement l'oreille.

— Je suis un peu occupée là, Amélie.

— Oh mon Dieu, il est avec toi ! crie-t-elle, encore plus excitée. Mets le haut-parleur, je veux lui parler !

— Certainement pas.

— Allez, Jules ! Ne sois pas rabat-joie. J'ai assez attendu pour rencontrer ce mystérieux Ethan dont tu parles sans jamais rien révéler de concret. Maman devient folle, d'ailleurs. Elle a voulu engagée quelqu'un pour vérifier ses antécédents, mais je l'en ai empêchée, tu savais ?

Merci, petite sœur. Tu m'as sauvée.

— Mère devrait apprendre à respecter ma vie privée, je réponds, tentant de garder une voix calme malgré mon irritation.

Mais il est trop tard. Le visage d'Ethan s'est illuminé d'un intérêt nouveau, et avant que je puisse réagir, il s'est levé et s'est approché de moi.

— C'est ta sœur ? demande-t-il assez fort pour qu'Amélie l'entende.

— OH MON DIEU, C'EST LUI ! hurle-t-elle dans le téléphone. BONJOUR ETHAN !

Tuez-moi maintenant.

Ethan me prend délicatement le téléphone des mains, ignorant mon regard meurtrier.

— Bonjour, Amélie. J'ai beaucoup entendu parler de toi.

Je peux presque entendre le sourire ravi de ma sœur à travers le téléphone.

— Vraiment ? Jules t'a parlé de moi ? Parce qu'elle ne nous a pratiquement rien dit sur toi, à part que tu étais "dans les affaires" et "cultivé". Même pas une photo !

— Ta sœur aime maintenir le mystère, répond Ethan avec un ton parfaitement charmant. Mais je suis impatient de te rencontrer demain.

— Moi aussi ! Promets-moi qu'on pourra parler. J'ai une liste de questions longue comme le bras.

— J'en suis certain, répond Ethan en riant. Je te promets d'y répondre... à certaines d'entre elles, du moins.

Ils échangent encore quelques banalités avant qu'Ethan ne me rende enfin le téléphone. Je raccroche rapidement après avoir promis à Amélie que nous la verrions le lendemain.

— C'était quoi, ça ? je demande, furieuse.

— Ça s'appelle établir une relation, Princesse. Si je dois convaincre ta famille que nous sommes fous l'un de l'autre, je ferais mieux de commencer à tisser des liens, non ?

— Tu n'avais pas à interférer dans ma conversation.

— Au contraire. Le vrai petit ami aurait été curieux et aurait voulu dire bonjour. J'ai juste joué mon rôle.

Le pire, c'est qu'il n'a pas tort. Encore une fois. Cette habitude qu'il a d'avoir raison commence sérieusement à m'irriter.

— Allons déjeuner, je déclare, changeant délibérément de sujet. Nous devons tester notre comportement avant d'affronter ma famille.

Le restaurant de l'hôtel est un chef-d'œuvre d'élégance discrète – lustres en cristal, nappes blanches immaculées, et un silence à peine troublé par le tintement délicat des couverts en argent. Exactement le genre d'environnement où mes parents se sentiraient à l'aise.

À peine sommes-nous assis qu'Ethan se transforme. Sa posture devient plus droite, ses gestes plus mesurés, et son visage adopte une expression d'intérêt poli mais réservé. C'est comme si quelqu'un avait appuyé sur un interrupteur, transformant le provocateur en parfait gentleman.

Le serveur s'approche, et Ethan le salue avec juste ce qu'il faut de cordialité – ni trop familier, ni trop hautain. Il commande du vin avec une assurance tranquille, mentionnant un millésime spécifique que je sais pertinemment ne pas figurer sur la carte.

— Nous n'avons pas ce millésime, Monsieur, s'excuse le serveur.

— Dans ce cas, je m'en remets à votre jugement. Quelque chose qui accompagnera bien le poisson pour Madame et le bœuf pour moi.

Le serveur hoche la tête, visiblement impressionné par cette réponse qui montre à la fois une connaissance du vin et une flexibilité gracieuse.

Où a-t-il appris à faire ça ?

Une fois le serveur parti, je ne peux m'empêcher de l'interroger.

— Comment sais-tu quel vin j'allais commander ?

— Simple déduction, Princesse. À chaque fois que nous avons dîné ensemble, tu as choisi du poisson ou une salade. Tu n'es pas végétarienne, mais tu évites la viande rouge. Habitude de santé ou préférence personnelle, je ne saurais dire, mais c'était un pari assez sûr.

Je cligne des yeux, surprise par cette observation détaillée.

— Tu me surveilles à ce point ?

— Je t'observe, nuance-t-il. C'est différent. Et indispensable si je veux jouer mon rôle correctement.

Le serveur revient avec notre vin, et alors qu'il s'apprête à verser, une voix retentit derrière nous.

Je me retourne pour voir Lawrence Patterson, l'un des plus proches associés de mon père, s'approcher de notre table avec son épouse.

Génial. Premier veritable test voulue en conditions réelles.

— Monsieur Patterson, Madame Patterson, quel plaisir, je réponds en me levant pour les saluer. Permettez-moi de vous présenter Ethan Miller, mon... petit ami.

Le mot sonne étrangement à mes oreilles, même après toutes nos répétitions.

— Lawrence Patterson, se présente l'homme en tendant la main à Ethan. Et voici mon épouse, Margaret.

— Enchanté de faire votre connaissance, répond Ethan avec une chaleur parfaitement calibrée. Juliette ne m'avait pas dit que nous risquions de croiser ses connaissances ici.