Fyctia
Chapitre 2 : Négociati... 1/4
11 décembre
Je n'ai jamais négocié l'achat d'un homme auparavant, mais je suis certaine que le faire dans un café huppé à 8h du matin est aussi inapproprié que cette situation tout entière. Et pourtant, me voilà, Juliette Deveraux, à attendre un strip-teaseur rencontré la veille pour lui proposer de jouer le rôle de mon petit ami pendant les fêtes de Noël. Si mes professeurs de Yale me voyaient maintenant...
Le Café Lumière est délibérément choisi comme terrain de négociation. C'est mon territoire — nappes immaculées, service en gants blancs, et clients en costumes trois pièces consultant discrètement le Wall Street Journal. Rien à voir avec l'atmosphère du Paradise Lounge et ses lumières criardes. Ici, c'est moi qui ai l'avantage.
J'ajuste la manche de mon tailleur Chanel gris perle, vérifie que mon chignon est toujours impeccable, et consulte ma montre. 8h05. Il est en retard.
Évidemment qu'il est en retard. Les strip-teaseurs ne connaissent probablement même pas le concept de ponctualité.
Le serveur s'approche pour remplir ma tasse de café.
— Souhaitez-vous commander maintenant ou attendez-vous toujours votre... invité, Mademoiselle Deveraux ?
Le léger haussement de sourcil de Charles en prononçant "invité" est imperceptible pour quiconque ne le connaît pas depuis des années. Mais je le remarque. Comme je remarque les regards furtifs des autres clients réguliers qui se demandent qui peut bien mériter mon attention professionnelle si tôt le matin.
— J'attendrai, merci Charles.
8h10. Je tape impatiemment du bout des ongles sur la table, toute mon éducation de jeune fille de bonne famille hurlant intérieurement contre ce manque flagrant de respect.
S'il n'arrive pas dans les cinq prochaines minutes, je—
La porte du café s'ouvre, et il entre.
Oh, pour l'amour du ciel.
Ethan Miller. Jean déchiré aux genoux, t-shirt noir moulant qui ne laisse aucune place à l'imagination, veste en cuir usée, et ce sourire arrogant qui me donne envie de lancer mon café brûlant à son visage sculpté. Il traverse l'établissement comme s'il en était propriétaire, ignorant totalement les regards scandalisés des autres clients.
— Tu es en retard, je lance froidement quand il s'assoit en face de moi.
— Bonjour à toi aussi, Princesse, répond-il avec un sourire qui a probablement déjà fait tomber des dizaines de billets dans son string. Je connais des gens qui tueraient pour cinq minutes de mon temps. Tu as de la chance que je sois si généreux.
_Respire, Juliette. Ne pas étrangler le potentiel petit ami factice avant même d'avoir conclu l'accord._
— Merci d'être venu, je réponds avec mon sourire d'avocate le plus professionnel. J'apprécie que vous ayez considéré ma proposition.
— Tu veux dire ton offre mystérieuse de cinq mille dollars ? Difficile de refuser d'en entendre plus. Bien que je doive admettre que je suis curieux. Tu ne semblais pas exactement fan de mon numéro hier soir.
Charles apparaît silencieusement à nos côtés, regardant Ethan comme s'il était une tache de ketchup sur sa chemise immaculée.
— Un café pour Monsieur ?
— Un double espresso, merci, répond Ethan en soutenant son regard. Et un peu moins de jugement dans le service, si possible.
Charles se raidit comme un piquet.
— Tout de suite, Monsieur.
Quand il s'éloigne, je fusille Ethan du regard.
— Était-ce vraiment nécessaire ?
— Absolument. Il faut toujours faire comprendre dès le début qu'on ne se laissera pas marcher dessus. Ça te concerne aussi, d'ailleurs, ajoute-t-il avec un clin d'œil.
Je prends une profonde inspiration. Il est temps d'entrer dans le vif du sujet.
— Venons-en aux faits. J'ai une proposition commerciale à vous faire. Une offre de service temporaire, si vous préférez.
— Je t'écoute, dit-il en se renversant dans sa chaise avec une aisance désinvolte qui me déstabilise malgré moi.
— J'ai besoin d'un petit ami pour les fêtes de Noël. Quelqu'un qui m'accompagnera chez mes parents du 14 au 26 décembre et jouera le rôle du partenaire parfait. Dîners, soirées, obligations familiales — le package complet. En échange, je vous offre cinq mille dollars.
Sa réaction n'est pas celle que j'attendais. Au lieu de la surprise ou du choc, il se contente de sourire, comme si j'avais confirmé quelque chose qu'il soupçonnait déjà.
— Laisse-moi comprendre correctement. Tu veux me payer pour prétendre être ton petit ami devant ta famille pendant les fêtes ?
— C'est exactement ça.
— Pourquoi ?
La question me prend au dépourvu. Je m'attendais à des négociations sur le prix, pas à des interrogations sur mes motivations.
— C'est personnel.
— Cinq mille dollars pour deux semaines de ma vie, c'est aussi assez personnel, rétorque-t-il. Si je dois jouer le petit ami dévoué, j'ai besoin de comprendre pourquoi.
Charles dépose l'espresso d'Ethan sur la table et s'éclipse. Je fixe ma propre tasse un moment, pesant ce que je peux dire.
— Ma famille a certaines... attentes, je commence, choisissant mes mots avec soin. Chaque année, les fêtes se transforment en interrogatoire sur ma vie amoureuse, suivi de tentatives pas si subtiles de me présenter à des hommes "appropriés". Cette année, j'ai dit à ma mère que je viendrais accompagnée.
— Et plutôt que d'inviter un ami ou un collègue, tu préfères payer un inconnu rencontré dans un club de strip-tease ?
Dit comme ça, mon plan semble encore plus ridicule.
— Les amis posent des questions. Les collègues parlent. Je veux quelqu'un qui comprend que c'est une transaction d'affaires pure et simple, sans complications émotionnelles. Quand les fêtes seront terminées, nous nous séparons et reprenons nos vies.
Il m'observe avec une intensité troublante, comme s'il essayait de lire au-delà de mes paroles soigneusement choisies.
— Et pourquoi moi, spécifiquement ?
— Vous étiez là, je réponds avec une franchise brutale. Au bon endroit, au bon moment. Et vous semblez capable de vous adapter aux situations sociales, malgré votre... profession.
Il éclate de rire, un son surprenamment chaleureux qui attire les regards des tables voisines.
— Tu es directe, Princesse, je te l'accorde. Alors, quelles seraient exactement mes obligations dans ce... contrat ?
J'ouvre mon attaché-case et en sors un iPad.
— J'ai préparé un document qui détaille tout.
— Un contrat écrit ? m'interrompt-il, ses sourcils se haussant de surprise. Tu plaisantes, j'espère ?
— Jamais quand il s'agit d'affaires.
— Laisse-moi être clair, Princesse. Je ne signerai rien. Pas de traces écrites. Ce genre d'arrangement... disons que ça pourrait être mal interprété.
_Merde._ Je n'avais pas considéré cet angle. Évidemment qu'un document détaillant comment je paie un homme pour prétendre être mon petit ami pourrait être problématique. Pour nous deux.
— D'accord, pas de signatures. Mais nous devons quand même établir des règles claires.
6 commentaires
Sunny NDV
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Il y a 14 jours
DOM75
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Il y a 17 jours