Lu La Morinie SOS l'ami de ma sœur est trop sexy 1 - En route mauvaise troupe

1 - En route mauvaise troupe

Les fesses vissées au siège passager, je m’accroche de toutes mes forces – c’est-à-dire très peu finalement – à la poignée de maintien de la voiture. L’avantage de vivre à la campagne, c’est que mes poumons déjà malades ne subissent pas les conséquences de la pollution citadine. L’inconvénient de vivre à la campagne, c’est que l’intégralité de mon corps subit les conséquences des nids de poules sur lesquels ma mère roule sans aucune pitié. C’est à croire qu’un petit malin s’est amusé à cabosser la route exprès. Mais je m’égare. Une grimace tord mon visage lorsqu’une énième bosse vient faire décoller mon mignon popotin de quelques millimètres. Cette voiture, c'est tout un art, pas pour rien que c'est une Picasso. Dommage que ses suspensions soient aussi abstraites. Je me dandine pour essayer de soulager la douleur qui irradie suite à un atterrissage peu délicat. Technique pas très efficace, je le concède, sauf si l'objectif est de se faire remarquer par l’intégralité des passagers bien évidemment – spoiler alert : ce n’était pas mon cas, je m’en serais très bien passé.


– Bah alors César ? T’as le cul qui te démange ?


Cette douce jeune femme dont les mots fleuris irritent mes tympans, c’est Aliénor Pétronille de son surnom –, ma sœur cadette. Coincée à l’arrière entre ses deux meilleurs amis, elle jette sur moi un regard insolent. Ah, si je ne l’aimais pas tant, il y a bien longtemps que je lui aurais fait manger les pissenlits par la racine. Mais, aussi teigneuse qu’elle soit, la benjamine de la famille Bellanger reste et restera toujours mon petit rayon de soleil – oui oui, même lorsqu’elle fait exprès de me mettre mal à l’aise comme c’est présentement le cas.


– Tout va bien, Jules ? s’inquiète ma mère, coulant sur moi son regard cobalt.


J’ignore volontairement Aliénor avant d’hocher la tête. Maman a tendance à s’inquiéter facilement lorsqu’il s’agit de ma santé, ce que je comprends. Ça m’agace. Mais je comprends.


– Oui, oui, ne t’inquiète pas m’man, j'suis pas en sucre.

– Dommage… entends-je chuchoter l’ami de ma sœur.


Archibald, le meilleur ami d’Aliénor. Le troisième larron de leur trio, qui fait sauter mon cœur en parachute dans ma poitrine depuis deux ans. Mes joues commencent à chauffer et je suis tenté de me mettre à tousser pour me redonner une contenance. Sauf que chez moi, la toux est associée à la maladie et à une nouvelle crise, alors je ne veux pas créer une vague d’angoisse dans l’habitacle. Au lieu de ça, je fais comme si je n’avais pas entendu. Enfin… C’était sans compter sur le tact habituel et légendaire de Pétronille.


Babar, vu que tu es comme mon frère, tu seras gentil de ne pas draguer mon autre frère, peste-t-elle en riant.

Ali, laisse-les tranquille, intervient Nour, la deuxième amie de ma sœur.


Je me tourne pour la remercier du regard et constate qu’elle a posé sa main sur la cuisse d’Aliénor. Cette dernière est aussi tendue que la corde d’un arc. Ses cheveux, actuellement colorés en mauve, sont tirés en un chignon qui lui donne un air bien trop sévère pour son caractère enjoué. De son côté, Nour a laissé ses boucles brunes cascader sur ses épaules. Je sais que l’amie de ma sœur est en couple, mais si ces deux-là ne finissent pas ensemble, je veux bien manger les suspensions – déjà quasi inexistantes – de la voiture.


Puisque Pétronille est trop occupée à cacher ses sentiments pour son amie, Archie m’adresse un clin d'œil en pouffant. Je rougis de plus belle et me retourne vers l’avant de la voiture en tentant de le cacher. Ma sœur a beau considérer Archie comme son frère, je me refuse à le voir comme ça. Et au vu de certains des SMS que nous échangeons régulièrement, je me demande si ce n’est pas son cas aussi. Ce grand rouquin anglais est beaucoup trop séduisant pour son propre bien. Ok. Plutôt pour le mien. Ou plutôt pour celui de mes nuits, en fait...


Enfin, maman s’engage à travers un immense portail de fer forgé pour remonter une longue allée de graviers. La conversation joyeusement bruyante s’éteint, laissant les trop nombreux occupants de la voiture découvrir la façade d’un petit château de pierre rose. De la grande porte en bois sort déjà un couple âgé.


Une fois le contact coupé, maman descend de la voiture, fait signe à Aliénor de m’aider à descendre et se dirige vers les propriétaires.


– Bonjour monsieur et madame de la Roncière, comment allez-vous ?

– Bonjour madame Bellanger, répond la femme, un grand sourire aux lèvres. Très bien, et vous-même ? Alors ça y est, c’est le grand jour où vous nous présentez vos enfants ?

– Tout à fait ! Merci encore de les autoriser à visiter votre demeure et à inviter des amis.

– C’est tout naturel, intervient alors l’homme. Vous avez tellement travaillé à mettre en valeur le château et à en rendre la visite passionnante, c’était le moins que nous puissions faire.

– Vous êtes vraiment sûrs que vous ne voulez pas que je vous règle ? Je sais que vous avez encore besoin de fonds pour la rénovation de la tour sud…

– Vous plaisantez, madame Bellanger. Allons, entrez donc.


Toute la tribu se presse alors à la suite du couple pour découvrir un grand hall dallé de pierre sombre. Pendant que maman enfile sa casquette d’historienne pour raconter la construction de la demeure, Aliénor reste à mes côtés. Ses deux amis, forcément, ne s’éloignent pas. Archie se tient à seulement une vingtaine de centimètres derrière moi. Je ne le vois pas. Mais je le saurais même les yeux bandés. Comment expliquer autrement mes mains moites, mon cœur battant et mon incapacité soudaine à me concentrer sur la moindre information historique ?


Enfin en dehors de ma maladie chronique qui peut, elle aussi, être à l’origine de pas mal de ces symptômes… Je l’avais presque oubliée, celle-là. Depuis une dizaine d’années, pourtant, je souffre d’une Bronchopneumopathie Chronique Obstructive – ouais, à mes souhaits, je sais. Je ne compte plus le nombre de personnes qui ont voulu me détendre avec cette blague. Il n’y a rien de très drôle à peiner à trouver de l’air et à passer une grosse partie de ma vie à tousser et à être épuisé pour un oui ou pour un non. Sans parler des risques accrus d’infection pulmonaire, de cancer, de problèmes cardiaques ou tout simplement de dépression. Un plaisir.


Mais pour une fois, ce n’est pas ce foutu BPCO qui m’empêche de respirer correctement. Un changement agréable s’il en est ! C’est tellement rare que je puisse penser à autre chose. Entre les crises, l’inquiétude de tous mes proches, les rendez-vous médicaux en continu, je ne peux pratiquement pas sortir de chez moi. Ça fait dix ans, j’ai l’habitude, mais j’ai quand même un pincement au cœur quand je vois tous mes frères et sœurs entretenir une vie sociale plus remplie les uns que les autres. Pour m’échapper, j’ai choisi des études d’astrophysique. A distance, bien sûr. Mais au moins, j’étudie l’espace. Les étoiles, les planètes, les forces physiques et mécaniques, tout ça est si loin de mon quotidien aux poumons détraqués.

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83

83 commentaires

camillep

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Il y a un an

Très joli début qui reprend bien l'ambiance du roman, tout en s'en éloignant suffisamment pour avoir son identité propre ...

LiliJane

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Il y a un an

Merci !!

Misa Miliko

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Il y a un an

Un super premier chapitre qui démarre sur les chapeaux de roues (de Picasso). C'est drôle, on s'attache aux personnages, et puis on s'attend pas à cette fin pas si drôle finalement mais qui rajoute de la profondeur <3

LiliJane

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Il y a un an

💕💕💕💕

Manon_fgt

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Il y a un an

Ok j'adore déjà les personnages ! Ils nous sont présentés à merveille, et sont très touchants ! Ca me donne déjà une idée des relations que je vais découvrir dans votre NR. Les descriptions sont faites à merveille, on s'imagine vraiment avec eux dans la voiture. En bref, j'adore déjà, et votre façon d'écrire est divine !

LiliJane

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Il y a un an

Hiiiii 🥹💕💕 (je meurs d’amour pardon je reviens)

Lu La Morinie

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Il y a un an

Mais je chiale enfin c’est trop mignon 😭😭😭

Siha

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Il y a un an

Génial, quelle belle idée vous avez eu de faire cette nouvelle avec Jules 🥰

LiliJane

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Il y a un an

Merciii

Paige

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Il y a un an

Jules derrière son souffle court, il a la langue pendue devant Babar... Va-t-il découvrir sa trompe ? X)
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