Fyctia
Sous un porche
Au beau milieu de la nuit, sous une pluie diluvienne qui s’abattait impitoyablement sur la ville, Ayden marchait. Son long manteau noir refermé sur lui-même devenait trempé à vue d’œil tandis que sa capuche avait été rabattue sur sa tête, le protégeant tant bien que mal de cette intempérie accueillie avec amertume. Un vent glacé s’infiltrait jusque dans les moindres pores de sa peau, une timide buée s’échappant des lèvres de l’homme au rythme de sa respiration régulière.
Tandis que la ruelle était déserte et péniblement éclairée, un drone apparut quelques mètres plus loin, survolant la route en scannant la zone d’une lueur bleutée. Un discret soupir, et Ayden poursuivit sa route en ignorant l’engin volant, qui ne semblait pas le moins du monde dérangé par la météo. Sa lumière tournoyait lentement dans le sens des aiguilles d’une montre, et lorsque celle-ci vint enfin au niveau de l’homme encapuchonné, il y eut un soubresaut, la lumière vacilla, clignota. Un grésillement à peine audible, et le drone s’écrasa sur la chaussée de béton. Aucun témoin.
Ayden continua de marcher.
Au bout de quelques minutes, l’averse qui faisait rage semblait retrouver son calme, et il ne fut plus que des timides gouttelettes sans pour autant que le ciel gris ne reprenait de la couleur. Depuis combien d’année le soleil n’avait-il pas pointé le bout de son nez ? Cinq ? Dix ? Il avait arrêté de compter. Il n'y avait plus qu'un ciel voilé de gris.
Bifurquant au coin d’une rue, l’individu se réfugia sous un porche fait de pierres, et retira sa capuche, dévoilant un visage fin marqué de quelques rides naissantes, décoré d’une barbe de trois jours qui accompagnait des cheveux noirs portés courts et peu soignés. Ce visage qui laissait paraître la trentaine contrastait avec l’azur de ses yeux et son regard perçant qui lui en enlevait une dizaine.
Ayden attendit une bonne dizaine de minutes, avant qu’une silhouette ne se dessina enfin sous le porche, un autre homme en parka gris portant une sacoche en bandoulière marron, s’avançant en pestant.
— Foutus drones de surveillance, j’en ai croisés trois en moins de dix minutes !
Son interlocuteur de répondit pas, se mutant dans un silence de plomb, se contentant de lever les yeux vers le nouvel arrivant. Celui-ci semblait nerveux, et regarda deux fois autour de lui pour s’assurer que rien ni personne ne l’épiait, avant de fouiller dans sa sacoche, et d’en sortir un petit paquet noir cartonné qui faisait la taille de sa main. Il la tendit vers Ayden.
— J’ai galéré à les trouver, mais si c’est pour emmerder ces connards de Gardiens, tu peux être sûr que j’irais les chercher jusqu’au trou du cul du monde, s’exclama-t-il avec un sourire narquois, néanmoins empli de fierté.
Un nouveau silence pesant succéda à la tirade, dans lequel l’homme au long manteau s’empara du paquet et entreprit de l’ouvrir pour inspecter le contenu. Une vingtaine de petits bâtonnets blancs surmontés d’une petite partie marron claire se tassaient entre eux.
Des cigarettes.
En une seule pensée, un transfert d'argent s'effectua entre les deux hommes sans qu'un mot ne soit prononcé, sans qu'un geste ne soit effectué. Tout passait par la PC, abréviation de "Personal Computer".
— Toujours un plaisir de faire affaire avec toi ! Hésites pas à me recontacter quand tu seras à sec !
Sur ces mots, il s’enfonça dans la pénombre, non sans avoir auparavant vérifié si la ruelle était toujours dénuée de robots volants. Ayden, quand à lui, s’empara de l’une des cigarettes, la cala entre ses dents, et fouilla dans sa poche pour en sortir un briquet métallique. Au bout de trois essais, une petite flamme en jaillit enfin, et embrasa le bout du cylindre de papier. Une légère fumée odorante s’en échappa, et une longue inspiration fut prise avant de la relâcher dans une vapeur grise flottante qui se dissipa très vite dans l'air.
Rien que ces cigarettes lui coûtaient cher. Très cher. Presque le tiers de ce qu’il gagnait par mois tant le tabac était devenu une denrée rare. Déclarées illégales depuis près de huit ans désormais, s’en procurer était devenu complexe et parfois même dangereux. Nombreux sont ceux qui se sont fait arrêter par les Gardiens lors d’une fouille pour culture illicite.
Les Gardiens.
Officiellement nommés « Gardiens de la Paix, de l’Ordre et du Bien-Être », nombreux étaient ceux qui abrégeaient en secret leur titre par le premier mot. Et ce n’était pas uniquement par soucis qu’il était long à prononcer, mais pour se rappeler de leur véritable nature.
Des gardiens de prison.
Près de treize ans aujourd’hui que la ville n’était plus qu’une gigantesque cellule, et le pays un centre pénitencier. Résultante d’un coup d’état organisé par un certain Arthus Koch, ancien Ministre de l’Intérieur du gouvernement. Finement ficelé à l’aide de pots-de-vin, de menaces et chantage en tout genre, il fut nommé Président de la République aussi facilement que d’envoyer une lettre à la poste.
Mais ce qui avait achevé d’asseoir sa domination fut une organisation militaire secrète qu’il avait secrètement créé. Très vite, elle supplanta l’armée, et la République devint une dictature. Personne n’avait rien vu venir.
Ayden termina sa cigarette dans un soupir, et sortit un petit boîtier métallique dans laquelle il jeta le mégot à l’intérieur avant de la refermer et de la ranger dans sa poche. Il s’apprêtait à rentrer chez lui lorsque des voix retentirent au loin, le figeant sur place. Des Gardiens. Il n’avait même pas besoin de les voir pour en être certain ; l’État avait instauré un couvre-feu à partir de dix-neuf heures.
Les pas se rapprochèrent très vite, et en quelques secondes, le porche fut éclairé par une paire de drones, suivi de près par cinq hommes et femmes en costumes gris et munis de bracelets lumineux de couleur bleue à leur bras.
Ayden était déjà loin.
17 commentaires
EmilyChain
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Il y a 6 ans
L-Grapheux
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Il y a 6 ans
Anne-Estelle
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Il y a 6 ans
Erhil
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Luna Joice
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Sandokan
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Erhil
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Nastya Hack
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Erhil
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Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans