Fyctia
Celle qui tient la glace 20
Un premier homme tomba, dans un tir parfait à la tête. Les autres paniquèrent, incapables de déterminer de quelle direction précise venait le projectile. Oak en abattit un autre. Puis un autre encore. Le quatrième chuta finalement. Chaque balle avait été mortelle.
Le percuteur du Nagant vint marquer le clac de fin de sa belle scène d’ultime chasse. C’était terminé.
Le choc passé, les cinq survivants reprirent leurs esprits, et déterminèrent enfin d’où les tirs provenaient. Et identifièrent la petite tache lumineuse, celle du fusil qui avait chauffé.
Oak s’attendit à ce qu’ils la mitraillent de là où ils se trouvaient. Bizarrement, rien ne vint. Elle les aperçut se concerter, après quoi l’un d’eux courut dans sa direction, en zigzag, couverts par les autres.
Elle comprit alors. Ils étaient moins compétents que la première équipe, mais pas totalement stupides non plus. Ils avaient bien deviné qu’après quatre headshots successifs, si elle avait cessé de les aligner, c’était pas par charité, c’était parce qu’elle n’avait plus de quoi tirer.
L’homme le débusqua, lui arracha son fusil, la traîna hors de sa cachette.
Retournée sur le dos, elle fit face à l’étendue magnifique du ciel néon.
Voilà, se dit-elle avec une pointe d’amusement amer, c’était une belle nuit pour mourir, ses ancêtres allaient enfin être fiers d’elle.
Les cinq types restants parlaient entre eux en russe, rigolaient, la prenaient en dérision sous l’effet de leur peur qui se dissipait, de leurs nerfs qui se relâchaient. Ils ne voulaient pas la tuer aussi facilement. Ils voulaient d’abord lui faire payer pour la terreur humiliante qu’elle venait de leur infliger. Il en allait certainement de leur virilité. L’un d’entre eux se pencha, repoussa sa capuche et son cache-nez, et dégagea son visage.
« Nom de Dieu, c’était vrai ce qu’ils disaient, c’est une gonzesse ! »
Sous l’effet de la découverte, le ton de leurs moqueries changea radicalement. Un type proposa de la ramener au camion et de se rémunérer de leur mission par un salaire d’une toute autre nature. Un autre fanfaronna en blaguant sur le fait que son vagin était certainement la dernière partie de son corps où il restait un peu de chaleur. Ils rirent fort, très fiers de leur manque abyssal d’originalité et d'humour.
Bonne idée, se dit Oak. Il lui restait un couteau quelque part, s’ils la transportaient dans un endroit assez chaud pour se déshabiller, et qu’ils se collaient à elle, elle allait peut-être réussir à en planter un. Ou à le choper à la gorge. Elle avait moins de pression dans la mâchoire que Kino, mais pas moins de rage envers les hommes.
Mais elle n’arrivait pas encore à savoir si leurs plaisanteries à propos de son viol étaient sérieuses ou non. Les hommes fanfaronnaient tout le temps à propos de ce genre de chose. Mais ça pouvait prendre forme s’ils continuaient à s’encourager entre eux. Objectivement, aucun type n’avait réellement envie de baisser son froc par moins quarante pour baiser un bloc de glace. Mais ils le feraient pour se prouver quelque chose. Pour se rassurer. Pour l’humilier.
Elle s’en foutait. Ça ne l’atteindrait pas. Ils ne lui feraient pas de mal.
Son corps appartenait à l’hiver, maintenant.
Cependant, l’un des hommes se rapprocha à nouveau de son visage, et commença à le toucher, du bout de ses gants, et à estimer son physique.
« C’est qu’elle serait pas mal, en vrai, une fois un peu décongelée. »
Elle vit les doigts à portée de sa bouche, happa dans un sursaut instinctif, serra les dents de toutes les forces de sa mâchoire déjà crispée par le froid. Elle sentit le sang lui caresser la langue de son agréable chaleur.
L’autre hurla, se dégagea, et lui mit un coup de pied dans la figure. Puis un second.
La peau glacée se déchira, du sang coulant dans l’un de ses yeux l’aveugla à moitié. La douleur l'étonna. C’était sa première sensation depuis un long moment. C'était presque rassurant. Décidément, elle se surprenait à répétition à ne pas mourir, aujourd'hui.
Le type ne cessait plus de jurer. Ses camarades se tordaient de rire.
« C’est pas vrai putain ! Elle m’a mordu à travers ! »
Il retira son gant, levant devant sa figure sa main, aux majeur et index cisaillés.
« Ben merde alors, elle t’a pas raté ! s’exclama un autre, mi amusé, mi impressionné.
- Putain, ça pisse le sang ! Je vais la défoncer, cette pute ! »
Soudain, la main qu’il fixait fut arrosée de sang, celui de quelqu'un d'autre, dans une éclaboussure qui vint claquer à travers sa paume. Il eut un instant d’incompréhension. Ce n'était pas juste du sang. C'était de la cervelle.
Le type à côté de lui tomba en avant, le crâne traversé d’un trou de part en part.
19 commentaires
WildFlower
-
Il y a 2 ans
Mira Perry
-
Il y a 2 ans
Eponyme
-
Il y a 2 ans
Lyaure
-
Il y a 2 ans
NELI JO
-
Il y a 2 ans
Hélène MamGD
-
Il y a 2 ans
Gottesmann Pascal
-
Il y a 2 ans
Eponyme
-
Il y a 2 ans
ooorianem
-
Il y a 2 ans