Fyctia
Celle qui tient la glace 14
Un vrombissement la sortit de sa rêverie colorée. Elle vit un drone au dessus d’elle, parasite insupportable venant gâcher la beauté des volutes fantomatiques.
Kawisenhawe appuya le canon de son fusil contre une branche d’arbre pour remplacer son bras manquant.
Le drone explosa en vol.
Elle aurait de la visite avant de mourir gelée, avec un peu de chance.
Elle se prépara à accueillir ses invités.
La chasseuse s’employa à tracer un nouveau jeu de piste, pour amener ses proies exactement là où elle pourrait aisément les avoir dans son viseur. Avec les raquettes, c’était encore plus facile qu’à skis. Et la configuration du terrain lui permettait de prévoir avec une grande marge de fiabilité l’endroit d’où ils viendraient, s’ils utilisaient eux aussi des motoneiges.
Après avoir couvert ses véritables traces, elle s’installa à son poste de tir.
Elle aurait pu voler les armes des morts, elles étaient plus modernes et performantes que la sienne, mais elle aimait trop son fusil.
Son Mosin-Nagant était une pièce de collection, vu son âge, mais de son point de vue, on n’en avait jamais fabriqué de meilleur. L’armée finlandaise avait adopté puis fait évolué ces armes russes, et le M39 « Ukko-Pekka » qu’elle utilisait était, selon elle, le fusil de chasse le plus abouti qui existait. Son ergonomie et sa précision étaient parfaites, et sa conception entièrement mécanique, sans le moindre composé électronique, en faisait l’arme la plus fiable qui soit, parfaitement adaptée à un usage par des températures négatives. Sous l'action du froid, les huiles et les graisses des autres armes se figeaient, entrainant des ratés de mise à feu, et même parfois un blocage complet. L’ingénierie finlandaise avait su pallier ce problème comme aucune autre, leurs usines d’armement avaient pris en compte l’effet de rétractation des matériaux par grand froid, et les Mosin-Nagant remplaçaient les huiles classiques par des substrats graphités secs.
Ses doigts sur la gâchette se bloqueraient sous l’effet du gel bien avant le M39.
Elle devait maintenant devenir invisible.
La chaleur émise par son corps allait la trahir. Il fallait donc qu’elle la dissimule. Elle s’enterra, ou plutôt s’enneigea, creusant un trou dans la poudreuse, où elle s’ensevelit ensuite presque entièrement, elle et son fusil pointé. Seule une partie de son visage était à découvert, dissimulé sous sa capuche blanche. Le moment venu, elle se frotterait la figure de neige, pour la refroidir encore, et en mettrait dans sa bouche, pour ne pas faire de vapeur.
Ainsi installée, immobile dans ce qui était déjà un cercueil glacé, elle attendit, se concentrant sur ce qu’elle devait faire.
Laisser descendre sa température. Laisser son cœur ralentir. Ses extrémités geler. Patienter. Des heures s’il le fallait.
Maintenant, c’était le qarrtsiluni.
Ils allaient venir. Elle les tuerait.
Ils auraient un véhicule. Elle leur prendrait.
Alors que le froid infusait dans son corps, les couleurs éclatantes du ciel voguaient pour elle en nappes fabuleuses, consolant ses yeux. Le qarrtsiluni ouvrit son âme à de nouvelles émotions. Ses larmes gelèrent sur ses joues, comme ses cheveux, ses sourcils, ses cils, et le sang sur son visage, piquant sa peau en aiguilles cruelles. C’était vrai que c’était une beauté insupportable pour un cœur humain.
Elle mettrait les lunettes infrarouge au dernier moment, pour profiter jusqu’au bout de cet amour immérité.
J’ai toute la nuit, se dit-elle avec une pointe d’humour glacial.
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Leana Jel
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Mira Perry
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Sissy Batzy
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