Fyctia

Oak s’était élancée du canapé, mais ses genoux avait heurté le sol alors qu’elle tombait, se retenant sur les mains, frappée par ce qui l’avait pliée en deux. C’était comme une vibration immense, qui avait noyé son crâne, compressé ses poumons, et propulsé le contenu de son estomac le long de sa trachée.

Crachant et toussant, sonnée, les sens grillés, elle faillit basculer. Une migraine acérée avait avalé sa tête en une seule bouchée d’ogre, et un acouphène lancinant lui perçait les tympans.

Èrhar était prostré juste à côté d’elle sur le sol, et l’odeur l’informa qu’il venait de s’y vider également, non pas son estomac, mais ses entrailles. Il hurlait à la mort.

Son instinct de survie la remit sur pieds avant que son cerveau ne parvienne à analyser quoi que ce soit. Elle était déjà en train de tituber vers la sortie, sans réfléchir. Le blizzard la prit au visage sur le pas de la porte, elle se laissa retomber dans la neige et se frotta la figure avec. Le froid ramena un peu de clarté dans son esprit, le hurlement du vent couvrit l’acouphène.

Il n’y avait plus aucune lumière dans le bâtiment, et les fanaux qui lui servaient de repères sur des piquets entre la maison et le dépôt étaient éteints également. Mais elle trouva le premier piquet, et suivit la corde.

An chaussettes dans la neige, elle atteignit le dépôt en moins d’une minute. L’électricité y était pareillement coupée.

Elle sortit son briquet de sa poche — bénissant au passage sa vilaine habitude de fumer —, et s’éclaira à travers le petit hangar.

Son cerveau se remettait à fonctionner.

EIM. Bombe électromagnétique. C’était ça qu’elle venait de se manger dans les dents. Tout l’électronique était foutu dans un rayon encore à définir. Probablement large. Mais pas que. Pour la faire dégueuler comme ça, et lui coller une douleur pareille sous le crâne, il y avait autre chose. Elle avait entendu parler d’armes soniques qui émettaient à basse fréquence, mais elle n’y connaissait rien en armement de guerre.

Le vertige était en train de diminuer, pas assez vite à son goût. Elle ouvrit le placard et commença à s’équiper en pilote automatique, à la lueur du briquet-tempête posé par terre, effectuant les gestes à travers la migraine pulsante, la douleur dans son ventre et le sifflement obsédant du double acouphène.

Évidemment, lorsqu’elle enclencha par réflexe le bouton d’allumage de la lunette de précision à vision nocturne de son fusil de chasse, rien ne se passa. Rageusement, elle repoussa l’arme.

Pas d’électronique, donc.

À l’ancienne.

Oak eut un rictus sarcastique.

Si ces salopards s’imaginaient que ça allait la gêner, c’était très mal la connaitre. Quitte à payer des tueurs à gage pour lui régler son compte, on aurait au moins pu lui envoyer des mecs qui avaient potassé leur sujet.

Parce que ça ne faisait pas le moindre doute pour elle, que ceux qui venaient aujourd’hui, ne venaient pas pour les tigres. Ça n’avait plus rien à voir avec du braconnage. C’était des mercenaires qu’on avait envoyé, qui maitrisaient des techniques de guerre. Ils venaient pour elle.

Ce qu’elle sentit se solidifier dans son ventre, par-dessus la douleur, ce n’était pas de la peur. Elle aurait pu le jurer, que ce n’était pas de la peur.

C’était de l’excitation.

Lorsqu’elle sortit de la réserve, elle pouvait déjà apercevoir la lumière des phares dans la nuit, qui fonçaient en direction des bâtiments. Plusieurs véhicules.

Son domaine d’expertise, c’était la chasse, pas la guerre.

Il n’était pas question de les affronter sur le champ de bataille. S’ils la voulaient, il leur faudrait se mesurer à elle sur son terrain, et à ses conditions.

Sans hésiter, Oak s’élança en direction du blizzard, de toute la vitesse de ses skis. La nuit l’avala.

Elle était chez elle.

Elle tenait la glace.

Qu’ils viennent la lui prendre.