Fyctia
Celle qui tient la glace 1
NOTE PRÉALABLE de TW : toute cette histoire comporte des passages potentiellement choquants, avec des descriptions de violence (envers humains et animaux) sang, blessure, mort, ainsi que des mentions (implicites, sans description) d'agression sexuelle. Je ne rappellerai pas les TW en début de chapitre pour ne pas briser ma tension narrative, je vous préviens seulement ici.
.
Il n’y avait rien à faire durant les périodes de blizzard, encore moins en saison de nuit polaire.
Les animaux n’étaient guère actifs, les chasseurs encore moins, et Oak restait chez elle, à patienter.
Elle avait passé les deux hivers précédents à filer de la laine provenant directement des animaux du parc — plusieurs espèces perdaient leur pelage d’hiver par paquets entiers au printemps. Filer était une activité relaxante, dont la technique requérait des mouvements répétitifs, obsessionnels, qui brossaient sa tendance à la stéréotypie dans le sens du poil, au propre comme au figuré. Le peignage puis le long travail de filage de grandes quantités de laine avait constitué un excellent stim pour lui occuper les mains tout en écoutant des livres audio. Grâce à ça, elle avait trouvé la concentration nécessaire pour accumuler beaucoup de connaissances diverses, et améliorer sa maitrise du russe. Tricoter, en revanche, l’ennuyait et l’agaçait profondément. À une exception près, la laine était restée en pelotes.
Aucun braconnier n’était assez cinglé pour tenter une chasse au tigre par un temps pareil. Oak avait tout de même tous ses écrans branchés, et ses pièges photographiques prêts à se déclencher. Grâce aux capteurs à vision nocturne et thermique, ils détectaient chaque créature vivante, même en pleine tempête de neige. Oak passait quotidiennement en revue les clichés, cependant, la détection par l’algorithme d’une silhouette humaine lui envoyait une alerte immédiate.
Toutefois, c’était une éventualité très peu probable.
Le blizzard qui balayait la région depuis trois jours était d’une violence telle qu’il empêchait les avions d’atterrir à Tcherski — seul aéroport disponible comme point de chute pour les chasseurs étrangers. Quant aux locaux, ils avaient désormais trop peur d’elle pour tenter le coup. Dans tous les cas de figure, la préparation d’une opération de chasse au tigre en pleine tempête de neige ne passait pas inaperçue, ça demandait de se fournir en véhicules et en matériel adapté, et Levan l’aurait su. Il avait des yeux et des oreilles partout à Tcherski.
Oak pouvait donc hiverner sur les deux siennes, et filer sa laine tranquillement, son casque audio vissé dessus.
Ce soir-là, elle écoutait Voyage dans l'Empire Mongol, écrit par Guillaume de Rubrouck, un franciscain qui avait voyagé en Mongolie en 1253-1254, avant Marco Polo, et en avait rapporté un rapport détaillé et passionnant de son périple et son séjour à la cour de l’empereur Möngke.
Oak aimait beaucoup entendre des récits de voyage dans les périodes où elle prenait racines, comme elle disait.
Dans la pièce principale de la partie d’habitation de l’ancien centre de recherche de Zimov et sa famille, régnait une agréable chaleur grâce à un large poêle de masse au centre. Les écrans allumés rangés contre un des murs se tenaient sages, muets.
À côté d’Oak, étalé sur le canapé, Èrhar ronflait.
Ce n’était pas exactement son chien. Ou plus exactement, elle n’avait pas eu l’intention d’en adopter un. Èrhar était un de ces innombrables bâtards que les Russes appelaient laïka, littéralement « aboyeur », et qu’on trouvait partout, mais surtout errants dans les rues de Tcherski et les villages de la région. Celui-ci, bizarrement, s’était perdu, ou plus probablement avait été abandonné, bien plus loin que d’habitude, et avait eu l’intelligence de venir squatter au parc, où Oak l’avait trouvé, et accepté dans la maison avec un haussement d’épaules. Èrhar, le nom qu’elle lui donnait, signifiait simplement « chien » en kanien’kéha, la langue mohawk.
Il était très con, mais sympathique. Elle lui donnait ses restes et le laissait rester le temps de l’hiver. Elle le foutrait dehors aux beaux jours.
Alors qu’elle commençait une nouvelle bobine de fil, trois choses survinrent simultanément.
Le chien hurla.
Les lumières s’éteignirent.
Elle vomit.
19 commentaires
WildFlower
-
Il y a 2 ans
Janicelesmaux
-
Il y a 2 ans
Eponyme
-
Il y a 2 ans
Janicelesmaux
-
Il y a 2 ans
Kevin Karbowiak
-
Il y a 2 ans
Mira Perry
-
Il y a 2 ans
Eponyme
-
Il y a 2 ans
Mira Perry
-
Il y a 2 ans
Lullolaby
-
Il y a 2 ans
Eponyme
-
Il y a 2 ans