Fyctia

Salut, camarades solastalgiques.

Voici le troisième chapitre bonus, qui vient en complément de L’Émotivité de l’échec.

Si ça ne vous intéresse pas, pas de souci, je vous donne rendez-vous au chapitre suivant pour le début de la prochaine histoire : Celle qui tient la glace.

Pour celles et ceux qui sont restés, le programme sera : des pollueurs volants, une religion méconnue, et des super-pouvoirs .

Vol au dessus de la honte

On voit dans cette histoire l’illustration du mode de vie des plus fortunés, à travers l’oligarque Russe Afanasyev, dont on visite le jet privé, son luxe indécent, et l’absurdité grotesque de l’usage qui en est fait : transporter un unique passager, et ordinairement, servir de garçonnière volante, entre alcool, sexe, et privilèges sociaux variés. Ici, l’histoire s’est focalisée sur le coût humain de ce mode de vie (qui exploite les gens de classe sociale « inférieure » tels qu’Avrora, comme des objets à disposition), mais c’est son coût écologique qui est le plus dramatique.

Dans le monde, les 10% d’êtres humains les plus riches émettent près de la moitié des émissions mondiales de CO2. À l’été 2022, des comptes Twitter ont mis en lumière le problème des jets privés, en traquant les déplacements des grands patrons et des ultra-riches, notamment Bernard Arnault. : youtu.be/apjEKDjgiC4. Mais rassurez-vous (non) : leurs yachts polluent encore davantage.

Des plaisirs d’enfants gâtés dont les plus pauvres (c’est à dire l’immense majorité des habitants de cette planète, incluant vous et moi) payent déjà la note.

Que ce soit à l’aube de 2023, où dans le 2081 que j’imagine, les mots de l’abbé Pierre prononcés en 2007 sont toujours tristement de rigueur :

Ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure, une bonne conscience : « Nous qui avons tout, nous sommes pour la paix », je sais que je dois leur crier à ceux-là : les premiers violents, les provocateurs de toute violence, c’est vous ! (…) Mais nous ne trompons pas, il n’y a pas de violence qu’avec des armes, il y a des situations de violences.

Long hair do care

Je l’ai simplement évoqué, et on aura l’occasion d’y revenir ensuite, mais Angad a une particularité : sa foi. Sa religion existe, il s’agit du sikhisme. Née en Inde, cette religion s’inspire et partage des points communs à la fois avec l’islam (les sikhs sont monothéistes) et l’hindouisme (ils croient au temps cyclique et à un système de réincarnation et de karma). La foi d’Angad n’est pas au cœur du récit, mais elle fonde son code moral, et il a une pratique très rigoureuse, à la fois au quotidien (il dédie beaucoup de temps aux différentes prières qui rythment sa journée, et doit avoir plusieurs objets sacrés sur lui en permanence) et dans ses choix de vie globale. Le plus visible chez les sikhs pratiquants est leur look barbe/turban, qui vient du fait qu’il leur est interdit de couper leur kesh, c’est à dire les cheveux, la barbe, tout ce qui pousse en somme, ils doivent également en prendre soin et avoir une hygiène irréprochable (un des fameux objets sacrés est un peigne). Le turban n’est pas un objet religieux à proprement parler, il est surtout là pour une question de tradition, de praticité et de protection de leurs cheveux tenus en chignon, qui pour certains sikhs sont très longs.

Le sikhisme n’a pas de clergé à proprement parler, mais on peut considérer (dans les très grandes lignes) qu’Angad, faisant partie de la minorité de Sikhs très pratiquants, est une sorte de moine (ou plutôt de chevalier, dans son cas précis), pour qui l’équité, la justice, la solidarité, la compassion et une certaine pureté morale, sont au cœur de l’identité et du caractère.

Infirmité ou super pouvoir ?

Quand j’ai eu l’idée d’équiper Angad d’une super prothèse, je pensais que j’allais devoir imaginer quelque chose de très futuriste, digne de la science fiction… et j’ai été soufflée de découvrir l’existence réelle des neuroprothèses ! Je me suis juste contentée de rendre le bras d’Angad plus performant en terme de miniaturisation, d’autonomie, de puissance et de motricité fine… mais toute cette technologie existe déjà, et on peut aujourd’hui faire fonctionner un robot directement par la pensée, via les signaux électriques émis par le cerveau.

Pour en savoir plus : www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/une-neuroprothese-et-de-lia-pour-ameliorer-la-mobilite-79698/

La prothèse d’Angad, bien au-delà du handicap, pose la question du transhumanisme. En effet, son bras a dépassé sa fonction palliative, en lui permettant de faire tout ce que faisait son bras organique, mais en allant encore plus loin, c’est à dire en lui offrant des capacités physiques supérieures (on le voit dans ce récit : son bras droit est anormalement fort, lui permettant de porter des charges lourdes, et ce n’est pas son seul avantage). Ce concept de « super héros dont les pouvoirs sont conférés par la technologie », vous le connaissez déjà : ce sont Batman et Iron Man. Mais faudra-t-il poser des limites éthiques aux super-humains du futur ? Est-il moral que l’humain s’améliore via la technologie ? Quelles en seraient les conséquences sociales ? Ce débat est en cours actuellement, il est terrifiant, vertigineux, passionnant.

Comme d’habitude, avec les problématiques qui agitent notre société contemporaine, c’est la science-fiction qui en parle le mieux. Voici une vidéo très très cool de la non moins cool chaîne Youtube Nexus IV qui développe ce sujet à travers ses représentations au cinéma : youtu.be/UHTEmFZOCnY

À l’heure actuelle, c’est dans le domaine du sport que les polémiques prenne corps (littéralement). En 2008, la fédération internationale d'athlétisme (IAAF) avait jugé que le port de certaines prothèses favorisait les athlètes handicapés s'ils concourraient avec des valides. On assiste donc à un retournement complet de paradigme : le handicap n’est plus infirmité, il devient avantage ? (Article complet ici : sante.lefigaro.fr/actualite/2016/09/07/25363-jeux-paralympiques-protheses-plus-plus-perfectionnees )

Un autre problème se pose : celui de l’accessibilité. Les prothèses dont on parle sont extrêmement chères, donc, dans un monde où les inégalités sociales sont très fortes, ces technologies sont réservées à une élite. Les super-prothèses transhumanistes ne sont donc pas qu’un enjeu philosophique, mais aussi un enjeu de justice sociale.

Voilà, c’est tout pour cet épisode bonus.

Je vous donne rendez-vous tout bientôt au chapitre suivant, où démarre la troisième histoire : Celle qui tient la glace. Beaucoup plus longue que les précédentes, elle racontera à la fois la rencontre et les retrouvailles d’Oak et d’Angad, entre amitié au Svalbard au passé et chasse impitoyable en Sibérie au présent, d’un hiver polaire à l’autre, révélant l’intimité de deux personnages à la fois lointains et proches, complémentaires et opposés. La nuit sera longue, le dénouement explosif.