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Émotivité de l’échec 10
Le jet privé de ligne ultra moderne faisait furieusement tache sur le tarmac de l’aéroport de Tcherski peu fréquenté, au milieu des quelques appareils militaires, des rares modèles anciens d'avions de moyenne portance, et des petites machines biplaces de particuliers, dont Angad distinguait les formes dans le blizzard nocturne, éclairées par les projecteurs des pistes.
Probable que seul le palace ambulant sans pilote d’Afanasyev avait la technologie suffisante pour voler par un temps pareil. En voyant la violence du vent et la quantité de neige qu’il charriait, Angad devina qu’il ne fallait pas espérer se rendre sur zone en hélicoptère.
« Est-ce qu’Afanasyev a donné des instructions pour moi ?
- On m’a seulement dit qu’un autre employé de Monsieur Afanasyev vous attend dans le hall, l’informa Avrora, souhaitez-vous que je vous y accompagne ?
- Merci, ça ira. Ne prenez pas froid. »
C’était fou pour lui d’imaginer qu’un milliardaire avait décidé de s’établir à l’année dans un recoin aussi inhospitalier de l’extrême Nord-Est de la Sibérie. Quel genre de vie quotidienne Avrora pouvait-elle bien avoir, en tant qu’employée forcée de séjourner aussi fréquemment à Tcherski ?
« C’est quoi, votre prochaine destination ? lui demanda-t-il.
- Je n’en sais rien. J’attends ici jusqu’à nouvel ordre.
- Ce sera vous aussi pour le retour ?
- Je suis incluse avec l’avion. C’est mon unique travail, à plein temps. Je dois me tenir prête à être appelée à bord jour et nuit, mais à vrai dire, j’habite quasiment dedans. À moins qu’on me licencie ou que j’aie un grave problème de santé, si vous volez sur le jet de Monsieur Afanasyev, vous volerez avec moi.
- C’est une perspective réjouissante », dit-il en s’efforçant de sourire, presque impatient à l’idée de remettre les pieds dans cet affreux endroit, juste pour elle.
Le personnel de l’aéroport venait de terminer d’apporter l’escalier mobile et de le caler contre le flanc de l’avion.
« Pour quand est prévu votre vol retour ? questionna à son tour la jeune femme.
- Pas la moindre idée », avoua Angad.
Il ne savait même pas s’il serait encore en vie demain.
Lorsqu’elle le salua sur le pas de la porte de l’avion, dans le courant d’air, elle était tout à fait redevenue Irina. Il la serra quand même dans ses bras. Avrora serra en retour.
« Merci pour ce que vous avez fait pour moi, souffla-t-elle.
- Merci à vous pour votre sincérité, Avrora. J’espère que ça vous a fait du bien.
- Incroyablement de bien. Je regrette seulement que ça ait été à sens unique.
- C’est à dire ?
- Vous avez le même visage mélancolique que lorsque vous êtes monté dans l’avion. »
Il se retint de lui caresser les cheveux à nouveau, elle avait remis ses boucles en ordre, il ne voulait pas les déranger.
À la place, il la lâcha, et récupéra ses valises.
« Il n’y a pas de remède pour cette mélancolie-là. Mais je me sentirai peut-être mieux ce soir. Si la chance me sourit.
- Qu’est-ce que vous venez faire en Sibérie ? »
Il n’avait pas répondu à cette question la première fois, mais c’était alors Irina qui l’avait posée.
Il décida de lui dire l’exacte vérité.
« Tuer quelqu’un. »
Avrora laissa passer une seconde de silence. Puis elle tendit ses bras vers lui à nouveau, se hissa sur la pointe des pieds, et prit son visage entre ses mains, le ramenant à elle pour lui déposer un baiser sur la joue. Elle lui adressa ensuite le sourire le plus vrai dont elle était encore capable.
« Pour vous porter chance. »
Émotivité de l’échec est maintenant terminé.
Merci beaucoup pour votre soutien, votre lecture, vos commentaires, vos likes. Le prochain chapitre, vous le savez, est un chapitre bonus. Puis nous nous retrouverons pour l'histoire suivante, qui fait directement suite à celle-ci, où nous retrouverons notre chasseuse solitaire préférée (ou pas).
Elle a pour titre : Celle qui retient la glace.
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WildFlower
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Arca Lewis
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Noémie H.
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