Fyctia
Chapitre Bonus
Salut, camarades solastalgiques.
Voici le second chapitre bonus, qui vient en complément de Charles II et le mammouth.
Si ça ne vous intéresse pas, pas de souci, je vous donne rendez-vous au chapitre suivant pour le début de la prochaine histoire : Émotivité de l’échec .
Pour celles et ceux qui sont restés, le programme sera : merveilles et merdouilles du clonage, l’ethnocide à la cool (non), et une erreur ethnologique fondamentale.
Résurrection et OGM
En histoire, on considère que les siècles ne démarrent pas de façon stricte à leur an 0. Le XXe siècle serait ainsi né à Verdun, au cœur de la boucherie des tranchées, et le XXIe à New York, lors de l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center.
La science, elle, propose de faire démarrer le second millénaire en 1996, à la naissance de la brebis Dolly, qui ouvre une nouvelle ère.
Le clonage animal n’a depuis cessé de se poursuivre, et d’amener avec lui des débats éthiques. En 2007, il existait près d'un millier de cochons clonés et près de 3 000 bovins, mais c’est dans le domaine de la résurrection (ou désexctinction) d’espèces disparues que les avancées technologiques génétiques se proposent de réaliser les plus belles prouesses.
Il a été question de faire revenir d’entre les morts différentes espèces, mais le mammouth laineux en est le projet le plus ambitieux et emblématique. En plus de ce que Oak en dit déjà dans la nouvelle, vous pouvez vous renseigner plus en détail ici : fr.wikipedia.org/wiki/Recr%C3%A9ation_du_mammouth_laineux )
Pour le moment, les technologies actuelles ne parviennent pas encore à récréer le mammouth, mais déjà des questions primordiales d’éthique se posent : une espèce est-elle en soi une entité ayant des droits ? Si oui, une espèce éteinte en a-t-elle, et ces droits requièrent-ils sa résurrection ? Et enfin, ne serait-il pas préférable de se concentrer sur les espèces en voie de disparition aujourd’hui ?
La controverse fait rage : en annulant ainsi l’extinction d’une espèce, l’humain ne ferait-il pas preuve de trop d’arrogance en cherchant ainsi à jouer à Dieu ? Mais on pourrait aussi répliquer que l’humain a une sorte de dette envers certaines espèces éteintes, et la première fois que nous avons joué à Dieu a été lorsque nous avons causé leur disparition, et ainsi, la désextinction serait une preuve d’humilité plutôt que d’arrogance.
Le débat est loin d’être tranché. Quant au retour du mammouth, il n’est pas encore pour demain.
Disparition prévue
Dans cette nouvelle, Oak et Ureltu sont opposés sur bien des points, mais quelque chose d’important les réunit : ils sont tous deux les descendants de peuples (Mohawk et Evenk), qui ont subi un ethnocide.
L’ethnocide, que l’on peut rattacher aux concepts de « génocide culturel » et d’« assimilation forcée », est le fait de détruire volontairement l’identité d’un groupe culturel.
On a qualifié d’ethnocide l’acculturation des autochtones américains ou des aborigènes d’Australie, les modifications profondes de la culture traditionnelle du Tibet en Chine, la russification des peuples premiers de Sibérie, l’assimilation des Aïnous du Japon, ou encore la tentative du général Franco d’éradiquer les langues catalane et basque dans les années 1930 en Espagne.
L’assimilation forcée peut passer par des déplacements de population, la conversion religieuse, l’appauvrissement d’une langue jusqu’à sa disparition, la scolarisation forcée des enfants dans des pensionnats-prisons, et l’imposition d’une nouveau mode de vie à travers de grandes violences.
Aux États Unis et au Canada, l’ethnocide des populations autochtones des plaines, s’est faite notamment à travers le massacre volontaire des bisons, dont ces peuples dépendaient pour survivre. Le bison a ainsi été massacré jusqu’à sa quasi extinction au XIXème siècle, passant de centaines de millions à moins de 1000 animaux. Frank Mayer, un chasseurs de bisons, rapportera les paroles d’un officier de l’armée : « …soit les buffalos doivent disparaître, soit les Indiens doivent disparaître. (…) Mais si on tue le buffalo, on conquiert l’Indien. »
Le tableau peu reluisant que j’ai fait du sort actuel du peuple evenk m’a été inspiré par ce reportage : youtu.be/eYD_KCwbGQs
Mais on peut voir des représentations moins pessimistes des peuples autochtones de Sibérie à travers les portraits photo d’Alexander Khimushin ici : mymodernmet.com/alexander-khimunshin-indigenous-people-siberia/
Ancêtres modernes
Dans la nouvelle, Oak se moque d’Ureltu et de son costume fait main, non pas parce qu’elle méprise sa culture, mais parce que le jeune homme a recopié un vêtement trop ancien dont il a trouvé le modèle dans un livre d’histoire ou un musée, et c’est pour ça qu’Oak le traite de préhistorique. Ureltu a fait ici une erreur fondamentale courante : confondre les peuples indigènes avec des peuples primitifs.
Or, ces peuples n’ont pas moins évolué que nous. En biologie, il n’y a pas d’espèce plus évoluée que les autre, un arbre est au même stade d’évolution qu’un poisson ou un humain. Et dans l’espèce humaine, il n’y a pas de loi d’évolution des sociétés. La technologie est une échelle de valeur arbitraire. Il n’y a pas un stade primitif qui serait celui des chasseurs-cueilleurs, et un stade civilisé qui serait celui des agriculteurs, certaines civilisations sont passé de l’un à l’autre, d’autres non, et d’autres sont revenues à la cueillette après avoir essayé l’agriculture.
Un Evenk ou un Inuit ou une Berbère ne sont pas "plus proches" d'humains préhistoriques qu'un Français, ces peuples ne se sont pas "arrêté" à un moment de la frise chronologique. Les peuples indigènes ne sont pas en retard par rapport à nous, leur évolution s’est faite en parallèle de la nôtre et non en retard, et ils vivent simplement dans des sociétés différentes, avec des valeurs différentes.
Quand on parle de "avant" ou "plus vieux", c'est par rapport à la colonisation, pas l'histoire de l'humanité. « Peuple premier » signifie qu’ils habitaient là avant nos culs blancs de colonisateurs, c’est tout.
Traditionnel ne veut pas forcément dire plus vieux, les masques et objets provenant de ce que l’on appelle « arts premiers » exposés au Quai Branly sont en réalité souvent des œuvres du 19ème siècle, donc plus récentes que des Van Gogh ou Monet.
Ce thème est développé dans deux vidéos de la (géniale) chaîne de paléontologie Passé Sauvage :
youtu.be/a1wQTSBC-mc (qui parle des différents systèmes sociaux)
youtu.be/T74POvmYLsI (sur les arts premiers)
Voilà, c’est tout pour cet épisode bonus.
Je vous donne rendez-vous tout bientôt au chapitre suivant, où démarre la troisième histoire : Émotivité de l’échec. Changement de décor et de personnage, vous aurez l’occasion de vous reposer un peu de l’effroyable caractère de cette antipathique chronique d’Oak, et de faire connaissance avec un protagoniste bien plus positif et humaniste.
30 commentaires
Leana Jel
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Il y a 2 ans
Mira Perry
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Il y a 2 ans
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Mira Perry
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Adrien Lioure
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Gottesmann Pascal
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Léa Muna
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