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Charles II et le mammouth 9
Quelques mois plus tard, un jeune activiste evenk fut tué par un policier russe à Moscou lors d’une grande manifestation pacifique visant à réclamer des terres pastorales et arables à l’état. De cet événement naquit une explosion d’indignation, indignation qui incita à la désobéissance civile, désobéissance qui prit rapidement la forme de violentes protestations, les protestations se changèrent en émeutes, puis les émeutes en révolution.
Moins d’un an plus tard, la Nation Toungouse Unie arrachait à la Fédération de Russie son indépendance, ainsi qu’un petit morceau de Sibérie orientale, entre la Mer d’Okhostk et la Chine. A peu près personne dans le reste du monde et l’Ouest de la Fédération n’en eut quoi que ce soit à foutre. Mais pour les peuples concernés, ça eut de l’importance.
Oak lut la nouvelle dans le journal, un jour qu’elle revenait en ville.
Ureltu était la victime du policier. L’article n’avait pas utilisé son prénom evenk, mais celui, russe, qui se trouvait sur ses papiers d’identité. Mais elle le reconnut sur la photo.
Il tenait un groupe de discussion en ligne où il parlait depuis des mois de ses idéaux, et archivait maniaquement toutes les ressources culturelles qu’il pouvait trouver sur tous les peuples indigènes de Sibérie. Il y écrivait des poèmes, aussi, dans sa langue, comme son ancêtre éponyme.
Le mouvement de protestation, d’abord evenk puis indigène au sens large, fit de son portrait le visage de leur lutte, de ses poèmes des chants révolutionnaires, et de son nom une future légende.
Le Fils de la forêt avait fini par affronter son tigre.
Il avait changé le monde. Une toute petite partie, du moins.
C’était déjà beaucoup.
Le jour où Oak apprit la mort de l’adolescent, elle appela son frère une fois de retour chez elle. Ils parlèrent plus longtemps que d’habitude, de tout et de rien, dans leur langue maternelle. Elle ne mentionna pas une seule fois le gamin.
De temps en temps, lorsqu’elle passait aux abords du village evenk le plus proche du parc, elle faisait un petit détour par le dépotoir qui leur servait de lieu de culte. Elle plantait un bidi allumé dans le sol, au milieu du bric-à-brac informe, et regardait l’offrande se consumer, tout en fumant sa propre clope pensivement.
Ce n’était pas qu’elle ne croyait plus aux esprits.
C’était les esprits qui avaient cessé de croire en l’humanité.
Charles II et le mammouth est maintenant terminé.
Je vous remercie d'avoir lu cette nouvelle, votre soutien et vos retours signifient beaucoup pour moi. Le prochain chapitre est un bonus, après quoi démarrera la publication d'une troisième nouvelle (entièrement écrite déjà) : Émotivité de l’échec. Vous y découvrirez des personnages et un lieu tout à fait différent, et de nouveaux thèmes : l'intelligence artificielle et la solitude.
22 commentaires
Janicelesmaux
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Il y a 2 ans
Janicelesmaux
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Il y a 2 ans
Janicelesmaux
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Il y a 2 ans
Arca Lewis
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Il y a 2 ans
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WildFlower
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Mira Perry
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Léa Muna
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Il y a 2 ans