Kassandra Pasquier Skyline Emrys Chapitre 3.4

Chapitre 3.4

Il zooma à nouveau sur nous, légèrement plus large pour que nous ayons une vue d’ensemble de la zone. On voyait la ville de Bellal, la clairière où nous avions débuté, et quelques autres symboles qui, pour moi, n’avaient aucun sens.


Il nous désigna une clé de vie égyptienne.


— Ça, c’est un sanctuaire de résurrection. Vous trouvez trois à quatre de ces temples par zones, pour vous éviter de repartir de la dernière ville que vous avez visitée. Mais il vous faut les activer personnellement pour pouvoir vous y téléporter après votre mort. Si cela arrive trop souvent, vous aurez un malus de santé qui ne disparaîtra que si vous enchaînez suffisamment de victoires, si vous gagnez un niveau, si vous achetez un « antidote » dans une ville ou si vous vous déconnectez. La meilleure solution restant tout simplement de ne pas mourir.


Il nous fit un clin d’œil et, à cette évocation, je songeai soudain à un détail qui ne m’avait absolument pas effleuré lorsque, compulsivement, j’avais décidé d’acheter ce jeu et d’y jouer dès mon retour, sans même un regard pour la notice explicative et les pages interminables d’avertissements et de mises en garde.


— Et… on ressent la douleur, aussi ? De la même façon ?


Aramise se tourna vers Shaïn, très intéressée par la réponse, légèrement inquiète. Shaïn fit une grimace peu encourageante.


— Oui. L’aiguille de l’Infinity Drive est plantée dans le système cérébral et sait très bien stimuler la douleur, même virtuellement. D’où l’intérêt encore plus évident de ne pas mourir. À mon avis, la douleur est minorée grandement, mais lorsque l’on est blessé ou tué, bien sûr que ça fait mal ! C’est aussi pour ça que je traîne autour de Bellal : j’essaye de former les nouveaux et en même temps je prends des galons, des niveaux, qui me permettront de passer à la ville suivante plus tranquillement.


Je déglutis. Sa stratégie était plutôt bien réfléchie. Je risquais de faire de même. L’idée de mourir ne me plaisait pas plus que cela, même si je savais que je pourrais ressusciter.


Shaïn revint à sa carte de l’arbre cosmique d’Yggdrasil. Il nous désigna les différents mondes, un à un.


— Après Midgard, sur la même couronne, dans les cinq mondes du milieu, vous avez Niflheim, le monde des glaces et de la brume. Ce n’est pas pour rien qu’il faut attendre d’être niveau 30 sur Midgard pour changer de monde, car Nifleim commence au niveau 30. Après, il y a Muspelheim, le monde du feu, puis Jötunheim, le monde des géants des glaces et enfin Vanaheim, le monde des dieux mineurs, les Vanes.


Il désigna ensuite un niveau inférieur où gravitaient deux mondes, l’un sous l’autre.


— Svartalfheim, royaume des nains et des elfes noirs, et en dessous, le plus instable des neuf mondes, le plus lointain, le plus sombre et le plus difficile de tous, Helheim, le monde des Morts gardé par la déesse Hel. Ensuite, on remonte sur la couronne supérieure avec Alfheim, le monde des elfes de la lumière et au-dessus, Asgard, le monde des dieux, les Ases.


Mais il fit brusquement tout disparaître, trop vite encore pour que je ne voie quoi que ce soit, et reprit son chemin. Il en savait tant qu’il semblait avoir déjà joué un temps considérable. Alors pourquoi n’était-il que niveau 5 ? Était-ce si dur de progresser ? Ou bien avait-il tellement peur de la douleur de la mort qu’il prenait d’énormes précautions, quitte à monter de niveau plus lentement que la moyenne ?


Il se tourna face à nous avec un grand sourire en se frottant les mains.


— Bref, d’ici à ce que vous quittiez Midgard, vous avez du chemin et du temps devant vous. Si vous êtes assidus, d’ici un an et demi vous devriez pouvoir atteindre le prochain monde.

Je ne pus contenir ma surprise et mes yeux s’écarquillèrent de perplexité. Avais-je mal entendu ? Était-ce un bug soudain dans le jeu ? Avait-il vraiment dit qu’en jouant comme des geeks, il nous faudrait un an et demi pour atteindre le niveau 30 ?!


— Qu’est-ce que tu racontes ? demanda Aramise en fronçant les sourcils.

Shaïn laissa son sourire faner légèrement.


— J’ai découvert que monter de niveau prend un temps monstrueux. Si l’on veut éviter de mourir dès que l’on fait dix pas. J’y ai déjà passé une semaine entière, mes journées, une partie de mes nuits. Seul, on ne va pas loin et on ne va pas vie non plus.


Il désigna les caractéristiques que nous pouvions voir au-dessus de sa tête, son niveau surtout.


— Eh bien, je suis niveau 5.


— J’y crois pas…, murmura Aramise. Mais, et les gâteaux avec 10% d’XP en plus ?


— Ils n’accordent trois fois rien, et malgré tout, ils coûtent, au bout d’un moment. Et ce n’est pas dans cette zone que l’on devient riche, en gagnant tout juste deux à trois pièces de cuivre par monstre tombé.


Aramise et moi devions faire la même tête. C’était presque décourageant. Si je n’étais pas à ce point désespéré, oui, j’aurais été découragé. Mais le fait que Shaïn venait de nous prouver que ce jeu nécessitait de s’investir à fond, cela me donnait encore plus envie d’y jouer.

Il fallait que je remotive tout le monde.


— Eh bien alors, qu’attendons-nous ? Passons à l’attaque !


Je brandis mon épée comme les héros de films que nous voyions toujours à la télévision. Elle était plus lourde que ce que je le croyais d’ailleurs…


Shaïn leva aussitôt les bras, les mains bien en évidence, comme pour me rassurer et me prouver qu’il n’était pas une menace.


— Oh, cow-boy, on se calme ! Si vous êtes de vrais bleus, ça veut dire que vous ne savez même pas comment vous servir de ça ! Rengaine, tu vas blesser quelqu’un.


— Oups !


— C’est possible ? s’enquit Aramise, les yeux écarquillés. De blesser un autre joueur.


Shaïn sourit largement.


— Non. Mais évitez de faire des conneries quand même.


Nous reprîmes le sentier qui serpentait au milieu de nulle part, semblait-il.

Il y avait quelques joueurs, des PNJ dont la marche lente et calme était apaisante. Des lucioles apparaissaient dans les champs et la lumière de la lune suffisait à éclairer notre chemin. Ici, il faisait plus clair que dans la nuit réelle. D’ailleurs, quelle heure était-il ? Je ne tenais pas non plus à le découvrir de sitôt…


Shaïn reprit ses instructions juste avant de franchir un pont de bois qui enjambait une rivière à l’eau claire. C’était la porte invisible pour sortir d’une zone, très vraisemblablement, puisque le muret de pierres que nous suivions depuis un moment s’achevait juste là.


— Dans les mondes aussi il y a des zones avec des niveaux délimités, d’accord ? Jusqu’ici, nous sommes dans la zone administrée par Bellal, il est donc impossible de rencontrer un monstre qui pourrait vous attaquer. Là, nous allons entrer dans une zone entre 1 et 5. Certains vont vous attaquer, ceux qui ont une barre de PV rouge. Les autres, en jaune, ne vous feront aucun mal… sauf si vous les attaquez en premier ! Quant aux verts, eh bien, ce sont nos alliés.


Il se gratta la tête en réfléchissant.


Tu as aimé ce chapitre ?

9

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.