Fyctia

L'alarme incendie hurle encore.

Un son strident, saturé, qui déchire l'air. Instinctivement, je me recroqueville sur mon siège, les épaules crispées. Je déteste les bruits trop forts. Ma respiration se bloque une fraction de seconde avant que je ne me force à bouger.

Les autres employés de la startup se lèvent en râlant, attrapant leurs affaires avec l'indifférence mécanique de ceux qui ont déjà vécu trop de tests d'évacuation inutiles. "Putain, encore une fausse alerte ?"

Mon regard reste rivé sur mon écran.

Le fichier que Noa m'a envoyé la veille a disparu .

Pas juste supprimé. Effacé proprement. Plus aucune trace dans le cache, pas un seul fichier temporaire, pas même une empreinte laissée dans les logs du serveur.

Une purge complète.

Mon estomac se serre. Si j'avais su ce que contenait ce fichier avant de l'ouvrir, j'aurais pris plus de précautions… Mais c'était une preuve que quelqu'un, quelque part, écoute tout ce qu'on dit. C'est le grand sujet de recherche de Noa, elle pouvait m'en parler pendant des heures.

Je me tire doucement les cheveux. J'ai pas fais gaffe putain.

Et maintenant, il ne reste rien .

Quelqu'un a nettoyé les traces.

Et pas un amateur.

Je me lève d'un coup et attrape mon sac. Ma main tremble légèrement lorsque j'éteins mon écran.

L'alarme continue de hurler et de me vriller les tympans.

De l'autre côté de l'open space, à travers les silhouettes de mes collègues qui avancent vers la sortie, j'aperçois un homme que je ne reconnais pas .

Il est trop calme. Trop droit. Costume impeccable, oreillette dissimulée sous une coupe standard, celle des mecs du gouvernement qui veulent se fondre dans la masse sans y arriver vraiment. Mais je commence surement à être paranoïaque, c'est surement un agent de la sécurité qui est venu dégager les retardataires comme moi qui ne se dépêche pas de bouger leur cul et d'évacuer comme le veux l'exercice de sécurité incendie.

Un regard. Un dixième de seconde.

Il me voit.

Je ne réfléchis pas. Mon corps réagit avant moi.

J'attrape mon disque dur externe dans le tiroir, j'enfonce mon ordinateur dans mon sac et me faufile entre deux collègues, tête baissée. L'alarme couvre le bruit de mes pas précipités.

Derrière moi, un mouvement. L'homme avance dans ma direction.

Merde.

Je bifurque, ignore la sortie principale et me dirige vers le couloir du fond. Je le connais par cœur. À droite, la salle des serveurs. À gauche, l'escalier de service qui mène directement au parking.

Je pousse la porte métallique et descends les marches deux à deux, mon cœur battant à un rythme trop rapide, trop irrégulier.

Quand j'atteins le parking souterrain, je ne me retourne pas. Si je le fais et qu'il est la, je vais paniquer et paniquer n'est pas bon pour la survie. Peut-être que j'en fais des tonnes, que mon esprit me joue des tours, mais j'ai vu trop de film et lu trop de livre pour me laisser assassiner stupidement parce que j'en sais trop.

Je marche vite, mon sac serré contre moi. Le téléphone à la main, je pianotes le numéro de Noa, à la seconde où elle décroche je lui coupe le sifflet alors qu'elle s'apprêtait à engager la conversation.

"Il y a une petite place pour moi dans ton appartement à Portland ?

-Oh putain ! C'est grâce à mon enquête ? dis moi que c'est grâce à ce que je t'ai envoyé ! dit elle enjouer.

-A cause, je corrige puis j'éteins mon téléphone avant de monter dans ma voiture."

Dans le rétroviseur, je vois une silhouette s'approcher qui me conforte dans l'idée que je ne vais pas quitter mon job, mon pays, et mon appartement dans un coup de folie.

J'appuie sur l'accélérateur avant de voir son visage mais ma main à coupée que c'était l'homme en costume de tout à l'heure .