La_petite_plume Silence Compromis Chapitre 2 - Portland

Chapitre 2 - Portland

J’ai quitté mon job. Mon appartement.

Et maintenant, je quitte mon pays.


Tout ça en quelques heures.


Tout ça à cause d’un fichier que je n’aurais jamais dû ouvrir.


Après soyons honnête, mon travail monotone ne valait rien à côté de la petite aventure que me propose Noa avec ses recherches dangereuses.


Sur le siège passager, mon téléphone est éteint. Je n’ai pas envie de vérifier s’il est déjà compromis. J’ai retiré la carte SIM, formaté l’appareil, mais si quelqu’un me cherche, ce n’est pas ça qui va l’arrêter.


À côté de moi, mon sac est plein à craquer. Un disque dur, mon laptop, un chargeur, quelques fringues. Rien d’autre. J’ai laissé tout le reste derrière moi. Peut-être que je reviendrai une fois que j’aurai enterré Noa pour avoir foutu son nez là où elle n’aurait jamais dû.


L’aéroport de Belgrade est plongé dans cette ambiance floue de fin de soirée. Des néons blafards, des visages fatigués et des annonces en fond sonore. J'ai un billet pour New York à la main. Une escale de quelques heures. Puis un vol pour Portland.


Je devrais être nerveuse.


Je suis nerveuse.


Peut-être aussi un peu excitée par l’adrénaline.


Il y a aussi autre chose. Une impression de déjà-vu.

Cette sensation dans la nuque.

Ce frisson.

Cette certitude que je suis suivie.


Je passe la sécurité. Aucun problème. Mon passeport est en règle, mon billet aussi. J’évite de regarder autour de moi au cas ou que quelqu’un m’observe. Je préfère ne pas savoir. L’embarquement commence. Je m’installe côté hublot, enfonce mes écouteurs dans mes oreilles prête à affronter une aventure qui ne finira certainement pas bien.



Je descends du Uber devant un immeuble aux balcons en fer forgé.

Arrivée, devant une entrée sécurisée, je tape le code que Noa m’a envoyé et la porte se déverrouille dans un clic sourd. L’ascenseur est lent, à peine plus moderne qu’une boîte de conserve. Trois étages. Dernière porte à gauche. Ce n’est pas la première fois que je viens ici mais la dernière remonte à deux ans.


Je frappe trois fois. Silence. Certes on est au beau milieu de la nuit mais elle savait que je venais. Alors je décide de maltraiter la sonnette en appuyant très longtemps. Puis rapidement, un bruit de verrou perce le silence suivis du son d'une chaînette qui glisse contre le bois de la porte.


Surprise ce n'est pas le visage de Noa que je découvre mais celui d'un jeune homme fin, l’air fatigué avec des lunettes sur le nez. Il me fixe un instant et mes joues rougissent de honte à la pensée de m'être trompée d’appartement. À moins que…


"Nolan ? Punaise, je te pensais plus vieux.


— Parce que ce n’est pas Nolan."


La voix de Noa surgit derrière lui. Elle apparaît à côté du gars, un peu plus grande que lui. Son air fatigué et l'état de ces cheveux me font comprendre qu'elle était belle et bien entrain de pioncer.


"Théo, le colocataire, se présente-t-il, elle a plaqué Nolan la semaine dernière."


Le prénommé Théo baille et disparaît dans l'appartement.


Noa me regarde un instant, bouche entrouverte, comme si elle hésitait entre rire et paniquer.


"Je ne sais pas si je veux te serrer dans mes bras ou te tuer, admis-je".


Elle me sourit et fait un pas sur le coté pour me laisse entrer. A peine j'ai fait deux pas à l'intérieur qu'elle verrouille la porte et remets la petite chaîne.


Son appartement est un bazar organisé. Des piles de dossiers, un tableau blanc couvert de notes, un écran d’ordinateur qui clignote encore. L’odeur du café froid flotte dans l’air.


"Dis-moi que t’as rien ramené avec toi, lâche-t-elle en croisant les bras."


Je pose mon sac sur le canapé.


"Juste moi."


Elle me tend finalement les bras avec un petit sourire.


"Vingt heures de trajet pour voir ton amie que tu n’as pas vue depuis deux ans… et même pas un câlin ?


— Je suis venue pour réparer tes conneries, pas pour te voir."


Je soupire mais cède rapidement puis je l'enlace.


"Si tu quittais ton job, ton appart et ton affreux pays à chaque fois que je fais une connerie, tu aurais foulé le sol de cet appartement bien plus tôt."


Je lâche un petit rire nerveux et m’affale dans le canapé. Il y a une couette et un oreiller dessus, surement pour moi.


Noa verse de l’eau bouillante et légèrement colorée dans un mug affreux, elle s’approche et tend sa tasse fumante sous mon nez.


"Tisane ?


— Me propose pas cette connerie."


Elle hausse les épaules, s'installe sur une chaise en face de moi et boit une gorgée sachant très bien que la tisane serait pour elle.


Il y eu quelques secondes de silence. Ses yeux me détaillent de haut en bas. Puis elle observe mon sac, comme si elle essayait de comprendre comment un simple mail a suffi à me faire tout quitter pour la rejoindre ici, dans son petit appartement à Portland.

Soudain, une illumination traverse son regard prouvant qu'elle a l'esprit vif d'une journaliste comme on s'y attend. L'expression de son visage change, ses pouces tripotent le bord de sa tasse nerveusement.


"T’as pas ouvert ce que je t’ai envoyé sur un réseau sécurisé, hein ?"


Je passe une main sur mon visage. J’ai peut-être été un peu hypocrite en parlant de réparer ses conneries. Parce que j’ai moi aussi fait une putain de boulette.


"Ça dépend de ce que tu appelles sécurisé."


Elle souffle un juron.


"Merde, Eli…"


Un silence. Mon pied tape nerveusement contre le sol.


"Je te rappelle, très chère amie, que tu ne m’as pas vraiment avertie du contenu, quand tu m’as dit que tu m’envoyais un fichier.


— Je ne pouvais rien te dire au téléphone, ils nous écoutent !"


Elle pose le mug un peu trop fort sur la table. Dieu qu'elle avait l'air d'une folle quand elle disait des choses comme ça.


"Je t’ai dit que j’avais besoin de ton expertise. Je pensais que tu serais assez futée pour comprendre que si je faisais appel à toi, c’était pour quelque chose de confidentiel !


— Tu fais appel à moi pour des putains de chaussures ! Comment j’étais censée deviner que cette fois, tu m’envoyais un fichier crypté du gouvernement ?"


Je baisse la voix sur la dernière phrase, comme si certains mots pouvaient nous condamner.


Elle ne répond rien. Elle boit une gorgée de sa tisane, calme comme si tout allait bien.


Je tends la main.


"File-moi une gorgée."


Peut-être que ça va calmer mes nerfs à moi aussi.

A peine je trempe mes lèvres dans cette espèce d'eau qu'à un mauvais gout de poire, que je grimace et la lui rends aussitôt. C'est immonde.


"Raconte-moi, je dis enfin, Tout."


Elle me fixe, l’ombre d’un sourire nerveux sur les lèvres.


"T’étais bien mieux en Serbie, tu sais.


— Trop tard."


Elle se lève ouvre le petit coffre fort derrière un tableau qu'un gamin de dix ans aurait pu peindre et attrape une pile de documents et les balance sur la table.


"Ok. Accroche-toi. Ce que j’ai trouvé est bien pire que ce que je pensais."


Je m’assois en face d’elle, mon estomac en vrac.


Mon regard se pose à peine quelques secondes sur le premier document, que je regrette presque déjà.


J’aurais dû rester en Serbie.

Mais maintenant, c’est trop tard.


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3 commentaires

Chloe Miller

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Il y a un mois

Le chapitre est bien et la fin nous donne envie de lire la suite. J'avoue ça me stresse de ne pas voir ou très peu les tirets cadratins pour les dialogues 😅

lea.morel

-

Il y a 3 mois

je suis à fond dedans…. encore un dernier 🫢🫢
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