Fyctia
33 -Trop froid pour en pleurer
Je me détourne et fixe résolument dans la direction opposée. Ça m’empêchera peut-être aussi de me rendre malade à imaginer les conséquences de l’incendie.
— Manon ! Ne te fâche pas !
Trop tard.
Je plonge les pieds dans l’eau et sa fraîcheur me procure tout de suite une sensation de bien-être. Les embruns sont plus forts ici. Je prends une grande inspiration iodée. Je me demande comment tout a pu déraper aussi vite. Il y a quelques jours, j’étais sûre de bientôt finir mes études et maintenant, rien n’est moins sûr. Mes analyses prennent du retard, je n’ai plus de bateau et si l’incendie est trop important, ça pourrait affecter mes résultats d’analyse.
Quelques bateaux passent au loin, toujours sans nous voir. Les occupants doivent être concentrés sur le Canadair qui repique une tête. J’ai perdu le compte de ses recharges, il y a un moment.
Anthony est une présence silencieuse à mes côtés. Je sens la tension dans son corps, comme il doit détecter la mienne. Je me retiens de relancer la conversation, et lui aussi, me laissant tout le loisir de réfléchir au naufrage auquel commence à ressembler ma vie. Même si je finis ma thèse, ‒ et là, tout de suite, ça me semble compliqué ‒, je n’ai toujours pas de plan pour mon futur. Dois-je rester dans le département de Grognon-en-Chef où le travail me plaît mais où le stress est constant ? Dois-je me résoudre à aller dans l’industrie où les conditions sont meilleures mais pas toujours en accord avec mes convictions ?
Le claquement des vagues contre la roche ne m’apporte pas plus de solution. La morsure du soleil commence aussi à se faire sentir. Alors que je commence à redouter une brûlure, je me glisse à l’eau, juste pour me rafraîchir. Le courant m’entraîne vers le large, alors je garde une main contre la roche pour ne pas lutter autant que lorsque nous sommes arrivés. Quand je remonte sur notre promontoire, je fais tout mon possible pour ignorer mon estomac qui grogne. Je ne le lui avouerais jamais mais Anthony avait sans doute raison quand il insistait pour que je mange avant de plonger. Maintenant, j’ai le ventre vide depuis notre certes gargantuesque petit déjeuner alors que l’après-midi est déjà bien avancé.
Le Frimeur n’a toujours pas bougé. À la fois, je redoute nos conversations et je les attends en même temps. Nos petites joutes verbales m’exaspèrent tout autant qu’elles m’intriguent. Je ferme les yeux et sourit, imaginant le Frimeur hésiter à m’aborder, puis cédant à la tentation. Il prend son temps pour une fois, mais je ne céderai pas la première. Je lui tourne résolument le dos et attend qu’il fasse le premier pas vers moi.
L’imaginer hésiter à m’aborder alors que je dégouline d’eau créée une distraction appréciable du soleil et de la soif.
Toutefois, j’ai beau attendre, il n’ouvre pas la bouche. Pas de souffle sur ma nuque, pas de ricanement dans mon dos. Bref, Anthony ne me regarde pas !
Tant pis pour mon imagination, je jette un bref coup d'œil par-dessus mon épaule. Ma mâchoire manque de se décrocher. Il n’est pas du tout en train de me reluquer ou de préparer l’une de ses blagues… non, il dort ! En plein soleil, sur un rocher en pleine mer, c’est jamais une très bonne idée.
Je me réinstalle à côté de lui en faisant autant de bruit que possible. Je fais bouger des rochers, replie ma combinaison avec la discrétion d’une otarie et je me parle à moi-même. Pourtant, rien n’y fait, il dort trop bien. J’aurais dû m’en douter puisque même le rugissement du moteur du Canadair n’y fait rien.
Je finis par me décider sur une approche un peu plus directe. Je recueille de l’eau à l’aide de ma combinaison et lui verse le tout sur le torse.
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Lara ROBIN
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