Fyctia

L’emplacement du Beau Soleil est vide. Il ne reste qu’une bouée surmontée d’un pavillon rouge barré d’une diagonale blanche à la place.

Je suppose qu’Anaïs a mis en place la signalétique de plongeurs isolés. Ce serait dommage de se prendre une coque de bateau en remontant… Mais pourquoi nous avoir laissé seuls ? En plus de poser de sérieux problèmes de sécurité, je n’imagine pas vraiment ma meilleure amie nous faire ce genre de farce. Ceci dit, depuis hier, je me demande si je la connais aussi bien que je le croyais…

— Qu’est-ce qu’on va faire ?

Je me tourne vers le Frimeur et il est tout blanc. Même s’il essaie de maintenir les apparences, je peux sentir la panique l’envahir. Or panique et plongée sont une très mauvaise combinaison.

Oh non, il va me claquer entre les doigts.

— Respire, respire !

— Eh bien, j’essaie !

Il agite ses bras de manière inutile, ce qui augmente considérablement ses chances de se noyer.

— Comment on va faire ?

Le souffle court, il tourne la tête dans tous les sens à la recherche de la côte la plus proche. Je savais bien que c’était un boulet, qu’est-ce qui m’a pris de l’emmener plonger avec moi ?

Malheureusement pour nous, je pense qu’il ne pourra pas nager jusqu’à Port Cros dans cet état. Surtout que nous arriverions sur la côte sud, à l’opposé des habitations où nous pourrions chercher de l’aide. J’essaie de le stabiliser à la surface tout en réfléchissant à une solution.

— Je n’arrive pas à nager !

Je vois ça.

— Pas grave, on va se faire ramasser par un bateau. On est en pleine saison touristique et il y a des plongeurs qui viennent tout le temps ici.

Ma tentative de le rassurer ne marche pas, il remue toujours autant.

Sauf que je me demande où ils sont, les dits plongeurs. Autant, je ne m’attendais pas à grand monde entre midi et deux, mais les équipages du coin auraient dû arriver depuis.

— Tu devrais économiser tes forces.

— Facile à dire !

Et il pédale pour rien de plus belle.

— Tu as des palmes. Tu ne vas pas te noyer ! On va juste rejoindre un autre bateau et attendre de savoir pourquoi Anaïs nous a abandonné au milieu de nulle part.

J’aimerais en chercher un tout de suite, mais il faut d’abord qu’il se calme où ça va mal finir.

— On va jamais y arriver !

— Mais non.

— On va se noyer !

— Toi, peut-être, si tu continues à t’épuiser comme ça !

Oups… j’ai dit ça à voix haute, non ?

— On pourra jamais rentrer !

— Si on meurt, non, effectivement.

Il me fait des gros yeux écarquillés. Bon, visiblement, le sens de l’humour ne perdure pas pendant les crises de panique. Au moins, j’aurais de quoi rétorquer la prochaine fois qu’il me tentera de me séduire… je pourrais lui rappeler comment il s’est comporté à l’idée de nager un peu.

Dommage que ce soit à ce moment que mon odorat détecte quelque chose de louche. M’assurant qu’Anthony ne va pas couler, je scrute la zone des yeux. Pourquoi je ne vois pas de bateaux ? Il devrait y en avoir plein !

Puis je vois la fumée. Oh merde !

— Bon, changement de plan !

J’essaie tourner Anthony pour qu’il se trouve dos à Port Cros mais la colonne de fumée est trop grande pour passer inaperçue bien longtemps. Nous ne nous sommes pas rendus compte de l’incendie plus tôt uniquement parce que j’étais occupée à le maintenir hors de l’eau et lui à paniquer.

— En fait, on va se rapprocher de l’îlot de la Gabinière et se trouver un rocher pour attendre.

— Un rocher ? Sur ce caillou escarpé ? Tu n’y penses pas ! Et pour attendre quoi ?

— Un bateau !

Bateau que je ne vois nulle part. Puis je réalise qu’à cause de l’incendie, ils doivent être soit retenus au port, soit en train de libérer la zone pour les canadairs.