AnnaK Si tu te noies, ne m'appelle pas ! 15 - Gonfler les bouées

15 - Gonfler les bouées

Mon estomac se contracte alors que ma meilleure amie confirme mes craintes. Cette fois, je ne peux empêcher une larme traîtresse de franchir mes paupières.


L’essuyant avec rage, je me tourne vers la Brute :


— Si tu ne serait-ce que songes à planter cette ancre dans l’herbier de posidonie, je te fais manger la carte que tu ne sais pas lire !


Baptiste me répond par un grognement.


Je reste collé à lui jusqu’à m’assurer qu’il trouve un banc de sable pour y dérouler l’ancre. Le mouillage dans l’herbier arrache les plantes et constitue la principale raison de sa destruction. Mes recherches visent à l’étudier pour le protéger, voir le faire prospérer, alors il est hors de question de gâcher tous mes efforts en contribuant au problème que je dénonce.


— D’abord, l’ancre pourrait détruire des feuilles en se plantant dans l’herbier, expliqué-je à Baptiste.


Il reste concentré sur sa tâche, sans montrer qu’il m’écoute d’une quelconque manière mais je n’en reste pas là :


— Mais c’est surtout une fois ancré que les vrais ennuis commencent ! Les mouvements du voilier à cause des courants vont faire bouger l’ancre et faucher l’herber sur une large zone !


Baptiste grommelle.


— Et le pire reste à venir ! Car en remontant l’ancre, on va labourer une zone encore plus grande !


La Brute me regarde dans les yeux avant de presser le bouton pour déclencher le déroulage de l’ancre. Je cours à l’avant du voilier pour voir le fond. Heureusement, l’eau est limpide et le fond peu profond, me permettant de voir la couleur rassurante du sable beige sous nous.


Je pousse un soupir de soulagement qui fait rire le Frimeur.


— Tu sais que ce n’est pas seulement la disparition de l’herbier, le problème ? C’est qu’en plus, en l’arrachant, le carbone stocké est rejeté dans la mer et doit être re-stocké par un autre moyen !

— Wouah, tu es vraiment passionnée là-dessus.


Il dit “passionnée” comme il aurait dit “hystérique”, mais je m’en fiche. Si m’insulter lui fait respecter les fonds marins à l’avenir, alors je suis prête à subir ses moqueries.


— Du coup, maintenant qu’aucune algue n’a été endommagée, est-ce qu’on peut se détendre ?


Il regarde autour de nous, en direction des nombreux bateaux. La plupart des vacanciers ont sorti lampes, enceintes et alcool.


— Je vais bosser.


Je reprends mon ordinateur, mais je n’ai plus grand chose à faire. Il me faut les mesures de demain pour avoir des nouvelles données à traiter.


Ça me laisse donc tout loisir d’observer les deux boulets qui ont décidé de piquer une tête malgré la luminosité faiblissante du crépuscule.


Depuis la terrasse du cockpit, cachée en partie par l’écran de mon PC, j’ai une vue imprenable sur le Frimeur qui se déshabille. Enfin, il se débarrasse de cet horrible t-shirt orange !


Sa peau en-dessous est trop blanche, comme s’il ne sortait jamais. Ce qui doit être le cas, entre son travail de bureau et son sport à l’intérieur.


Par contre, on ne peut nier que le sport en question a laissé des traces plutôt agréables… ses abdos sont joliment sculptés entre le V de ses hanches et l’arrondi de ses pectoraux. Ses bras sont aussi larges qu’ils paraissaient à travers le tissu.


Je manque soudain de m’écraser le nez sur mon clavier, alors que quelqu’un me bouscule. Je me retourne sur Baptiste, lui aussi en short de bain. Ses traits sont plus tirés que jamais en une expression qui promet du sang si je continue de regarder son pote ainsi. Bien malgré moi, je me sens rougir jusqu’à la racine des cheveux mais je refuse de détourner le regard. Si Anthony ne veut pas que je l’observe, il n’a qu’à se changer dans son immense cabine !


Baptiste continue son chemin et, avec un dernier regard meurtrier dans ma direction, plonge par-dessus bord. Anthony ne semble pas avoir remarqué notre échange, trop occupé à déployer l’échelle à la poupe pour descendre dans l’eau. Quand il y met les pieds, un frisson remonte le long de son dos et je me sens frissonner moi aussi.


— Elle est fraîche !


En vrai, elle n’est pas si fraîche, c’est surtout que sa peau a été chauffée au soleil toute l’après-midi.


— Tu admires le spectacle ?


La voix de ma meilleure amie me fait sursauter.


— Je ne suis pas la seule…


Anaïs dévore des yeux la Brute qui nage en direction de la plage. Même son crawl fend l’eau avec une brutalité que j’aurais cru réservée à une compétition de natation.


— Je ne vois vraiment pas ce que tu lui trouves… maugréé-je.


Nana ne me répond pas. Elle se contente de suivre la progression de la Brute avec un air transi sur le visage. Je secoue la tête.


— Tu peux te moquer mais regarde ce que fait le tien !


Anthony n’est pas à moi et heureusement ! Enfin, je crois… Une partie de moi se demande si ce serait vraiment désagréable d’aller nager avec lui jusqu’à la crique et de profiter du couché de soleil entre ses bras moelleux.


Enfin, elle n’a pas tord sur le fond : il est en train de s’asperger la nuque et le torse. Il met de l’eau partout mais je sens mon ventre se contracter alors que ses muscles du dos luisent dans le soleil couchant.


— On dirait bien que le Frimeur va t’avoir.


Je rougis et je détourne la tête.


— Certainement pas.

— Hum, hum.


Je n’aime pas trop l’air connaisseur qui passe sur le visage de ma meilleure amie. Puis elle lève les yeux au ciel.


— Mais ce n’est pas ce que je voulais dire.


Elle me pointe du doigt un petit sac à côté d’Anthony. Ma curiosité est piquée alors qu’il en sort une sorte de bouée et entreprend de la gonfler.


— Tu crois qu’il ne sait pas nager ?


Elle rit encore et secoue la tête.


— Malheureusement, non, ce n’est pas ça.


Anaïs a l’air de savoir ce qu’il fait mais je dois attendre que le flotteur soit prêt pour comprendre. Il s’agit d’une sorte de table flottante avec des trous pour y déposer bouteilles et verres.


Le Frimeur le charge en alcool en tout genre avant de le pousser à l’eau et de l’y suivre. Son plongeon n’est pas aussi gracieux que celui de Baptiste. Il se laisse simplement tomber à l’eau.


— Ils vont être ronds avant la fin de la soirée, soupiré-je.


Sa consommation d’alcool m’importe peu, mais je crois que ça marque la fin de nos discussions pour aujourd’hui.

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20 commentaires

Margo H

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Il y a 2 ans

La météo a bord n a pas l air de changer ... A mon avis, une rancœur glotte dans les parages...

Cécile G

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Il y a 2 ans

Ici, c'est l'attitude de Baptiste qui m'intrigue un peu. Au début, je pense qu'il fait semblant de ne pas s'intéresser à ce que raconte Manon, mais qu'il l'écoute quand même en réalité et qu'il est vigilant sur l'endroit où il déroule l'ancre. Ensuite, avec son échange de regards avec Manon, je me demande s'il ne cherche pas tout simplement à protéger son ami. Il se rappelle sans doute comment s'est déroulée leur rupture 8 ans plus tôt, peut-être qu'Anthony ne l'a pas aussi bien vécue que pourrait le laisser penser son attitude désinvolte. Enfin, voilà mes hypothèses 😊

Patricia Eckert Eschenbrenner

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Il y a 2 ans

Moi aussi j'ai envie de me baigner, du coup!

Riley Evergreen

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Il y a 2 ans

La soirée semble apaiser les tensions ;-D

Cyrielle Lenge

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Il y a 2 ans

Eh bien, qu'est-ce qui lui prend à Baptiste ? Il crushe sur Anthony ou il est jaloux de Manon ? 😹

Alexiane Thill et Luna Joice

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Il y a 2 ans

Grognon-en-chef risque d'être surpris lorsqu'il recevra des mesures qui ne concerne aucun herbier, mais plutôt le détail d'une musculature :')

AnnaK

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Il y a 2 ans

ça lui ferait les pieds, nah !

Ana_K_Anderson

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Il y a 2 ans

:)

AnnaK

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Il y a 2 ans

<3

Lina Lépy

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Il y a 2 ans

Madame n'est pas seulement douée pour observer en détail l'herbier de posidonie, dis-donc... 😏
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