Fyctia

Anaïs se réveille en sursaut à côté de moi.

— Quoi ?

Elle se redresse d’un coup, elle aussi.

— Pourquoi on est aussi proches de Porquerolles ?

— C’est ce que je voudrais savoir !

Elle lève les mains au ciel pour montrer son ignorance et nous nous tournons ensemble vers Baptiste. Aidé d’Anthony, il est clairement en train de manœuvrer pour rejoindre une des plages de l’île.

— Qu’est-ce qu’il fout ! On va à Port Cros pas à Porquerolles !

Si les deux îles font toutes deux parties des îles d’or au large de Hyères, elles sont tout de même séparées d’une quinzaine de kilomètres.

Je marche jusqu’au cockpit, mais je ne réussis pas à rejoindre Baptiste. Anthony se met en travers de mon chemin.

— Ouh la, tu vas où comme ça ?

— Apprendre à ton pote à lire une carte, puisque, visiblement, il a des soucis d’orientation !

Le Frimeur croise les bras.

— C’est toi qui a un souci. Nous, on a choisi de s’arrêter là.

Il pointe du doigt derrière moi et je me retourne sur la plage du Langoustier, à la pointe ouest de l’île. De nombreux vacanciers sont déjà installés dans l’anse. La plupart mettent la table pour le dîner ou profitent d’un dernier bain. Les plus courageux ont même rejoint l’anse de sable et se mêlent aux visiteurs de l’île.

— Ça a l’air sympa pour passer la soirée, claironne Anthony.

— Ça l’est… quand on est en vacances ! Pas quand on va bosser à Port Cros le lendemain matin !

Il lève les mains au ciel.

— Eh bien, ça tombe bien puisque nous sommes en vacances !

Il dit ça avec une pointe d’ironie dans la voix, comme s’il me mettait au défi de le contredire.

Je ne vois pas pourquoi je discute avec lui ! Je me tourne vers Anaïs pour qu’elle m’aide à lui faire entendre raison mais ma meilleure amie à des excuses au fond des yeux.

— Il n’a pas tort… On n’a un vent pourri de toute manière. On fera le reste de la traversée demain matin.

Elle n’est pas sérieuse là ? Faire la traversée demain matin signifie ne pas plonger avant le début de l’après-midi. Or je me réserve ce temps-là pour récupérer mes mesures, les traiter sur mon ordinateur et écrire le bilan de mes observations. Quand est-ce que je vais pouvoir faire ça ? J’avais déjà prévu de travailler jusqu’au soir et c’était sans compter une navigation le matin. Comment je suis censée avancer si nous prenons une demi-journée de retard dès le premier jour ? Pire, ça va inverser notre rythme et nous obliger à naviguer le matin et plonger plus tard, ce qui est tout à fait contraire à ce que nous avons fait jusque-là.

Anaïs doit me voir me décomposer car elle me prend dans ses bras.

— Je sais que ça change du plan initial… mais on n’a vraiment pas le choix !

Au fond de moi, je sais qu’elle a raison, mais ça n’empêche pas mes yeux de piquer. On mouille d’habitude dans la ZMEL de la Passe de Bagaud, une zone dans laquelle des bouées de mouillage écologique ont été implantées. Ça nous permet d’y passer la nuit avant de rejoindre le site numéro un, qui n’est pas du tout abrité du vent.

— On avait réservé ! protesté-je.

Les bouées écologiques se réservent, surtout en pleine saison.

— Si vous l’avez aussi bien réservée que le Beau Soleil, je pense qu’on a bien fait de s’arrêter ici.

Si le Frimeur continue avec son petit sourire narquois, il va effectivement s’arrêter ici car je vais attendre qu’il aille se baigner et le planter là !

— Je vais voir avec la capitainerie de Port Cros ce qu’ils en pensent, propose Anaïs.

Je lui rends son portable et elle part s’isoler, profitant du réseau de l’île à proximité.

Car Baptsite n’a pas attendu que nous prenions une décision. Pendant que nous discutions, il a continué à s’approcher de la plage ; si bien que quand Anaïs repose le téléphone, il est déjà en train de replier les voiles.

— Ils nous conseillent de rester ici.