Fyctia

Je passe déposer mes affaires dans la petite cabine, énervée après moi-même. Le lit en pointe obligera Anaïs et moi à ne pas trop bouger nos pieds. Je râle déjà au sujet du retard que je vais prendre à cause des nuits difficiles que je vais passer.

Je me change mais je ne mets pas le bikini qu’Anthony me réclame, ni même un autre maillot de bain. À la place, j’enfile un short beige et un t-shirt à fines bretelles blanc. J’aime bien ce haut car en plus de ne pas être très chaud, il couvre bien toute ma poitrine et les bretelles sont suffisamment larges pour ne pas glisser quand je bouge. Là ! Même le Frimeur ne pourra trouver quelque chose de séducteur dans cette tenue.

Quand je retourne à l’extérieur, la digue du port de Toulon s’éloigne au loin. Je suis toujours surprise que ces trois rangées de pierres pleines de trous arrivent à retenir le courant. Des travaux sont en cours, ceci dit, donc je ne dois pas être la seule à avoir peur pour la solidité de l’édifice.

La brise marine a une odeur d’iode. Je me sens enfin respirer. Les goélands nous accompagnent de leur cris tant que nous ne sommes pas très loin du rivage.

Mon sentiment de quiétude est troublé quand je me rend compte que la grande voile n’est pas encore déployée. Nous naviguons toujours au moteur, même si nous avons quitté le port.

Je rejoins Anaïs qui est seule à la barre. Baptiste est assis sur le rouf, le toit au-dessus de la descente, et ils échangent des regards assassins à intervalle régulier.

— Pourquoi il boude ?

— Il refuse de naviguer à la voile. Il dit qu’on ne sera jamais au point de mouillage avant l’apéro si on n’utilise pas le moteur.

Ma poitrine se contracte. Même si mon travail me tient à cœur, il est hors de question de renier mes principes.

— On a un voilier, ce n’est pas pour faire le trajet au moteur. Dans le port, c’est la réglementation, mais après, on hisse les voiles.

— C’est ce que je lui ai dit, mais…

— Mais tu es d’accord avec lui ?

— Il n’a pas tort, le vent n’est pas génial.

Je serre les dents. Tant pis. Les principes ne sont pas faits pour être ignorés quand ça ne nous arrange pas.

— Tentons-le quand même.

Nana danse d’un pied sur l’autre.

— OK, mais si on tarde trop, on mouillera ailleurs.

Je ne proteste pas même si je le voudrais. Notre organisation a toujours très bien marché jusque là, il ne manquerait plus que les deux boulets viennent tout chambouler.