Fyctia

— Tu ne sais pas où vous allez ?

Il hausse les épaules avec un air pris au piège sur le visage qui me donne des sueurs froides.

— On devrait trouver un itinéraire qui nous convienne à tous, argumente-t-il. Je suis sympa, moi !

Mouais, je demande à voir. Les sites d’études ne sont pas vraiment les mêmes que ceux pour faire du tourisme.

— Je vais préparer la navigation, propose Anaïs.

Ma meilleure amie montre Baptiste du doigt qui s’affaire au cockpit, le poste de pilotage à l’arrière du voilier. Nous nous emparons des sacs qui restent sur la jetée et grimpons à bord.

— Qu’est-ce que vous avez tant mis dans ces sacs ?

Anthony me tend une main pour m’aider à monter, que je refuse, évidemment. Je connais mieux le bateau que lui, croit-il vraiment m’apprendre à y monter les mains chargées ?

— Ce sont les provisions.

— Vous comptiez partir trois mois ?

Il lève les yeux au ciel.

— On aime bien manger.

— Vous aimez bien le plastique, surtout.

Anthony s’apprête à se justifier mais Anaïs lui fait signe de ne pas se lancer dans cette discussion. La traîtresse !

— On ne va pas jeter les contenants par-dessus bord, ne t’inquiète pas.

Il ne manquerait plus que ça !

Ma protestation est coupée court quand Nana me saisit le bras dans une poigne de fer. Je pense qu’elle veut encore m’empêcher d’exprimer mon point de vue sur la question, mais non, elle fixe Baptiste.

La Brute est courbée sur les cartes du littoral. La concentration augmente son habituel froncement de sourcil alors qu’il règle la radio et le GPS. Ma meilleure amie le regarde avec cette fascination que je ne comprendrais jamais. Physiquement, il est pas si mal ; mais son incapacité à formuler plus de trois mots à la suite rebuterait n’importe qui. N’importe qui sauf elle, visiblement.

Anaïs se racle la gorge et je me rend compte qu’elle est rouge des joues à la poitrine.

— C’est moi qui m’occupe de ça, d’habitude.

La Brute lève les yeux de ses feuilles et nous toise comme si nous étions des insectes qu’il observerait à la loupe. Je sens Anaïs se recroqueviller sur-elle.

— Anthony a proposé de partager la traversée, expliqué-je quand il devient clair que Nana a aussi perdu sa faculté d’expression.

Baptiste jette un regard surpris à Anthony. Quand ce dernier acquiesce, la Brute fat signe à Anaïs de le rejoindre.

D’une main tremblante, elle lui montre notre première destination : le site d’étude numéro un. Il hoche la tête.

— Alors ça vous convient comme destination ? vérifié-je pour briser le silence.

— Tant qu’on ne rentre pas au port et que j’ai l’occasion de te voir en maillot de bain, ça me va, clarifie Anthony.

Me voilà aussi rouge que ma meilleure amie. Génial. Je sens que cette traversée va mettre mes nerfs à rude épreuve. Enfin, ça vaut toujours mieux que de passer la semaine avec Grognon-en-Chef qui souffle sur ma nuque.

Rien que de penser à mon directeur de thèse, mon estomac fait un petit bond.

— Bon, maintenant que tout le monde est d’accord, il va falloir se dépêcher. On est déjà en retard sur le planning !

Anthony et Baptiste partagent un de leurs sourires goguenards.

— Adieu, vacances ! regrette le Frimeur.