Fyctia
Chapitre 3
J’ignore autant que possible le sous-entendu.
— La possibilité de contribuer à des recherches primordiales pour la survie de notre planète. L’herbier de posidonie est le poumon des côtes méditerranéennes. Sa destruction pourrait entraîner la perte d’une grande partie de la biodiversité locale et…
Mais il me coupe avec un petit rire.
— C’est pas vraiment ce que j’avais en tête.
Non, sans blague ! Comme si je n’avais pas remarqué ses œillades évocatrices…
— La préservation du milieu marin est l’affaire de tous !
— Si c’était vraiment l’affaire de tous, tu ne serais pas en train de quémander notre bateau. Tu aurais des moyens conséquents à disposition dont le voilier, un skipper, une équipe de plongeurs…
Il marque un point mais plutôt l’étrangler avec son collier que de le lui avouer. D’ailleurs, l’huître qui a donné la perle qui pend à son cou pourrait bien disparaître justement à cause de ce genre d’attitude.
— C’est mon bateau.
— Eh bien, j’ai hâte de te voir nager à notre poursuite. Peut-être que tu seras même obligée de te débarrasser de tes vêtements pour aller plus vite.
Anaïs me retient alors que je m’apprête à rétorquer. Il ferait effectivement mieux de se balader nu, lui, plutôt que de porter ce genre de teintures contre sa peau. En plus, le spectacle ne serait pas désagréable…
— Je vais voir à l’agence ce qu’ils peuvent faire, décide ma meilleure amie.
Je ne la retiens pas, même si je sais que la saisonnier n’y pourra rien.
— Alors tu es vraiment devenue chercheuse en biologie, me dit Anthony.
— Ça te surprend ?
— Pas vraiment, c’est ce que tu voulais faire depuis le début. Mais entre vouloir et pouvoir, il y a parfois une marche.
— Je n’ai pas encore validé ma thèse, avoué-je. Il me manque ces derniers résultats et un peu de rédaction avant de soumettre.
— Bon courage.
Il fixe ses pieds et je sais que le fantôme de notre dernière conversation est en train de prendre forme autour de nous. D’une petite voix, je finis par demander :
— Tu travailles dans l’entreprise de ton père, au final ?
Il redresse son menton et plante son regard dans le mien avec un air de défi.
— Oui. Il faut croire que j’ai “cédé à la facilité”.
Je rougis mais je ne m’excuse pas. Je persiste à dire qu’il avait les capacités de faire autre chose de sa vie que de contribuer à la détérioration de la qualité de l’air en prenant un poste dans une boîte de maçonnerie. Surtout une dirigée par son père, comme s’il ne pouvait pas se faire sa place par lui-même.
Anaïs revient, les joues rouges. À la façon dont elle martèles les lattes de bois à chacun de ses pas, je sais que je ne vais pas aimer ce qu’elle va me dire.
— Non seulement il ne peut rien faire pour cette semaine mais le Beau Soleil est pris jusqu’à mi-septembre !
Le visage de Grognon-en-Chef danse derrière mes paupières. Un mois et demi de retard… c’est quelque chose que je ne peux pas me permettre si je tiens à ma santé mentale. Sans compter que cela signifie de reparamétrer toutes mes prédictions pour une eau plus froide, avec des conditions différentes.
— C’est une catastrophe !
— L’océan risque de mourir avant ça ? demande Anthony.
Anaïs et moi échangeons un regard. Elle sait, comme moi, ce que représente un mois et demi de plus sous la coupe de Grognon-en-chef.
— L’océan ne sera certainement plus le même quand tu sortiras de prison dans 30 ans après le meurtre de Grognon-en-Chef.
Elle réussit à m’arracher un sourire. Pas à Anthony. Il se renfrogne comme si on venait d’insulter un membre de sa famille. Il a peut-être vraiment changé… en tout cas, je ne me le rappelais pas aussi lunatique !
— C’était un plaisir de vous revoir, nous salue-t-il en faisant demi-tour. À une prochaine fois peut-être.
Son visage exprime à peu près tout sauf du plaisir. De la surprise, oui. Ce maudit air de séduction, aussi. Et un truc que je ne m’explique pas : de la peur. Ou du moins, c’est ce que je crois deviner dans son regard fuyant et la façon dont il se tient, prêt à bondir. De quoi peut-il bien avoir peur ?
Je prends une profonde inspiration et tente une dernière fois.
— Il n’y a vraiment rien qui puisse te convaincre de repousser tes vacances à septembre ?
Il secoue la tête.
— Figure-toi que même quand on bosse dans une entreprise familiale, on ne peut pas prendre autant de congés qu’on veut !
Il croit me moucher avec sa pique, mais je sens bien que ce n’est pas la vraie raison. Sinon, il ne chercherait pas Baptiste du regard, comme s’il espérait que son pote vienne le sauver.
Comme le Frimeur ne serait pas le Frimeur autrement, il fait la bise à Anaïs. Puis il se tourne vers moi alors que son fichu sourire en coin grandit sur ses lèvres.
— Je suis vraiment triste de pas pouvoir te voir en maillot de bain en train de compter des algues.
Cette fois, je réussis à éviter qu’il m’attrape la main.
Il fait quelques pas vers le voilier. Mes épaules pèsent une tonne. Est-ce l’idée qu’il s’en aille ou qu’il prenne mon bateau ? Je ne sais pas. Je me résigne à ce qu’il monte à bord et que je ne le revoie jamais.
Au dernier moment, il se retourne et propose :
— On pourrait partager le Beau Soleil…
Mon cœur s’emballe. Je pourrais me jeter dans ses bras, mais il coupe tout mon élan en levant une main.
— Mais j’ai une condition.
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AuCoeurDeTonHistoire
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