Fyctia
Chapitre 2
Je reste immobile au milieu du quai, prisonnière de ce regard vert. Pendant un long moment, ni lui ni moi ne bougeons, perdus dans un tourbillon de souvenirs. Puis un goéland passe juste au-dessus de nous et le temps repart.
Anthony fond sur moi. Il a toujours ce sourire en coin qui faisait craquer toutes les filles.
— Manon Fabre ! J’y crois pas !
Moi non plus. Mon cerveau a bugué, je ne sais pas quoi lui répondre. Que dit-on à quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis des années après lui avoir crié au visage qu’il n’était qu’un opportuniste sans cervelle ?
Il se penche pour me faire la bise mais je me recule, surprise par son invasion de mon espace personnel.
— Woh ! Toujours aussi sauvage ! Tu n’as pas changé.
Serait-ce une pointe de regret dans sa voix ?
Sans perdre son sourire, il saisit ma main et me fait un baise main. L’étonnement m’empêche de le repousser à temps. Sa poigne est chaude et il n’a pas de bague au doigt.
— Toi non plus.
Je ne suis pas tout à fait honnête, toutefois. L’homme devant moi n’a plus le physique du gamin qui me courrait après au lycée. S’il a toujours ses manières de séducteur confirmé, il me semble qu’il a pris du muscle sous sa chemise blanche. On dirait bien qu’il fréquente un peu trop une salle climatisée où on peut faire du sport artificiel quand il existe tant de façons d’en faire dans la vraie vie.
Il repousse d’une main la mèche qui lui tombe dans les yeux. Je me rappelle que je détestais ce geste et la façon dont il me déshabillait d’un simple coup d’œil en même temps. Hum, visiblement, il a gardé cette habitude là aussi.
Un air malicieux glisse sur son visage.
— Tu t’habilles mieux qu’avant ! Mais depuis quand tu as rejoint les ordres ?
Il ricane et j’ai bien envie de le pousser à l’eau. Dommage que j’ai besoin qu’il renonce à prendre le voilier. Je sors d’un cours, alors forcément, j’ai fait un effort vestimentaire. Je porte un pantalon noir et un chemisier blanc que je boutonne jusqu’en haut, pour que les étudiants se concentrent sur mon cours et non pas sur ma tenue.
Rien à voir avec son short de bain orange et t-shirt assortis. Je connais cette marque de vêtements. Elle a fait la une des journaux pour l’utilisation de teintures toxiques à la fois pour l’homme comme pour l’environnement.
— Je ne savais pas que tu étais maître nageur à tes heures perdues… ni que tu soutenais la pollution des eaux dans le monde.
Son visage se décompose d’un coup et son expression me donne des frissons. On dirait que j’ai touché une corde sensible. Est-ce que, lui aussi, il s’intéresse à la survie de la planète ? Si c’est le cas, il devrait vraiment changer de tenue. L’Anthony dont je me souviens n’avait pas tellement de préoccupations pour le monde dans lequel il vit.
Il recule d’un pas, mais avant qu’il ne puisse fuir sur son bateau, Anaïs déboule sur la jetée.
— C’est quoi cette histoire de réservation ? Je viens de voir le loueur et…
Elle s’arrête au milieu de sa phrase et son regard passe d’Anthony à moi.
— Le Frimeur ?
L’intéressé expulse la respiration qu’il retenait et son sourire en coin revient sur ses lèvres.
— Le seul et l’unique !
Elle secoue la tête. Puis un petit cri lui échappe. Je suis son regard et tombe sur la Brute, alias Baptiste Maillard. Je pousse un grognement interne. Ma meilleure amie a toujours eu un petit faible pour lui, bien que nous n’ayons pas dû entendre le son de sa voix plus de dix fois en trois ans.
Baptiste nous a aperçu, lui aussi. Si ça le surprend, il n’en laisse rien paraître. Les sourcils froncés et les épaules courbées vers l’avant, il continue de descendre des sacs de course ‒ même pas en tissu ‒ depuis le pont du bateau vers la cuisine à l’intérieur. Je me demande combien de temps ils comptaient partir avec tout ça.
Parce que, soyons clairs, même si c’est une cause perdue, je compte tout faire pour les empêcher de jouer les touristes pendant que je serais obligée de repousser mes recherches.
Je me tourne vers Anaïs :
— Ils ont loué le Beau Soleil.
— Pardon ?
Je lui explique la situation avec l’acompte non versé. Anthony nous écoute sans intervenir, jusqu’à ce que je me tourne vers lui :
— Il faut que vous me laissiez le voilier. Vous n’auriez jamais dû l’avoir, de toute manière, puisque je l’avais réservé il y a plusieurs mois déjà.
Son sourire en coin s’élargit assez pour que je sache que je vais regretter ce qui va sortir de sa bouche.
— Qu’est-ce que tu nous offres en échange ?
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Agathe Pearl
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