Fyctia
Chapitre 58
— Vraiment ?
Elle fut si soulagée d'entendre sa réponse qu'elle dut se retenir de lui sauter au cou.
On se calme ma belle. Adroite comme t'es, t'es capable de lui briser les cervicales, et là, il est pas né le juge qui croira un mot de ton histoire.
— Et pour la poste ?
— Nous sommes en bons termes avec le directeur, je vais l'appeler. Je ne pense pas qu'il portera plainte.
— Merci, vraiment. Du fond du cœur, merci.
Elle ne le remerciait pas pour lui avoir évité la prison, mais parce qu'il allait enquêter sur ce qu'elle lui avait raconté. Lui aurait les moyens de faire parler l'espionne soviétique.
— Et maintenant ?
— Maintenant ?
Il se leva son dossier à la main et la regarda, amusé.
— Serait-ce trop vous demander de rentrer chez vous et de ne plus en sortir du week-end ? Est-ce que vous pensez cela possible ?
Elle se leva et se mit presque au garde-à-vous pour lui montrer qu'elle pensait obéir.
— Oui, promis.
— Très bien, alors laissez-moi vous appeler dès que j'en saurai un peu plus, d'accord ?
Elle le remercia une dernière fois et prit la poudre d'escampette. Elle se fit la réflexion que cela faisait la deuxième fois en deux jours qu'elle partait en courant du commissariat, et elle pria pour que l'adage « jamais deux sans trois » ne soit qu'une vilaine superstition.
— Tu veux faire quoi ?!
Sabrina venait de hurler si fort dans le téléphone qu'elle se demanda si elle ne venait pas de lui crever un tympan. Elle changea aussitôt le combiné de côté.
— Mais t'es malade ?!
Deuxième tympan.
— Écoute, je t'appelle pas pour te demander ta permission, mais parce que j'ai besoin que tu me rendes un service.
Silence au bout de la ligne.
— Allez Sabrina, s'il te plaît. Je dois aller au bout de ce que j'ai commencé, sinon je m'en voudrai toute ma vie. Je sais que tu vas me dire que c'est le travail de la police, mais même si le lieutenant veut bien me croire, le temps qu'il arrive à faire bouger les choses, Franck sera peut-être mort, ou pire.
— C'est quoi pire que la mort ?
— J'en sais rien, je trouvais que ça sonnait plus dramatique.
— Toi ? Dans la jungle amazonienne ? La dernière fois que t'es allée en forêt, c'était dans le bois de Vincennes et tu t'es perdue, je te rappelle.
— Merci, tu m'aides beaucoup là.
— Oui, j'essaie de te décourager, et alors ? T'as pensé aux bêtes ?
— Quelles bêtes ?
— Des bestioles plus grosses que tout ce que t'as jamais vu. C'est pas à Paris que tu vas croiser des anacondas, des caïmans ou des jaguars.
Gloups.
Léonie imaginait déjà de quoi elle allait rêver cette nuit.
— Faut toujours que t'exagères.
— Ah ouais ? Bah va sur Google Images et tape « faune Amazonie », et crois-moi que t'iras pas sans un gilet pare-balles et un lance-roquettes. Et puis, si comme tu le penses, Franck a vraiment été enlevé ou je ne sais quoi d'autre, c'est toi qui vas le délivrer des méchants ? Tu vas te pointer là-bas avec ta bouche en cœur et leur dire : bonjour, c'est moi Léonie la chérie de Franck, vous voulez bien me le rendre ?
Sabrina commençait à lui avancer beaucoup trop d'hypothèses qu'elle n'avait pas envisagées et elle sentit que si elle ne se dépêchait pas de raccrocher, elle n'allait plus trouver la force de partir.
— Bon, tu m'aides ou pas ? Sinon je peux toujours demander à Syssi.
Léonie le savait, c'était LE sujet sensible entre elles. Une amitié qui n'avait jamais été du goût de Sabrina.
— Quoi ? Ta copine féministe avec son accent québécois à couper au couteau et qui vit avec cet aristocrate belge ?
— Jean-Christophe. Et il n’est pas aristocrate, il est juste un peu précieux.
— Ça reste à prouver. Bon, ça va, ça va, tu crois que je te vois pas venir à me titiller ainsi ? Allez, accouche, de quoi t'as besoin ?
— Que tu me couvres. J'ai déjà pris mon billet pour demain matin et je ne sais pas quand je vais rentrer.
— À quoi tu penses ?
— Un arrêt maladie. Tu dois bien avoir ça dans ton répertoire ?
— Mouais... T'as de la chance, je viens justement de revoir Jacob, un généraliste qui me tourne autour depuis un moment. Marié, mais carrément canon.
— Alors ?
— Pfff, c'est d'accord bien sûr. Tu veux combien de temps ?
— Une semaine, histoire d'être sûre.
— Tu veux quoi ? Diabète aigu ? Rage ? Tuberculose ?
— Je te laisse voir.
— OK.
Léonie fut soudain inquiète.
— Mais Sabrina, pas un truc trop dégueu, hein ?
— Promis.
— Tu pourras le donner à Anne ? Elle le posera à l'école pour moi.
— Sans problème. Et tes élèves ?
Cette fois-ci, c'était SON sujet sensible à elle. Elle y avait déjà pensé, et elle se sentait coupable de les abandonner ainsi pour une durée indéterminée. Mais elle devait penser à elle aussi.
— Anne s'en occupera.
— Tu m'étonnes. Elle va bien trouver un truc débile à leur faire construire. Une centrale nucléaire avec des batteries de voiture usagées, ça devrait bien leur prendre une semaine ça ?
— T'es pas drôle.
— Je sais. Bon, par contre, c'est moi qui t'emmène demain. À quelle heure est ton vol ?
— Onze heures, à Roissy. Passe me prendre vers sept heures.
— Dacodac.
Léonie allait raccrocher, quand elle eut envie d'ajouter.
— Sabrina ?
— Quoi ?
— Merci.
14 commentaires
andymail
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Il y a 2 ans
Lara ROBIN
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Il y a 2 ans
Promesse d'encre
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sophie loizeau
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