Marc Laine Si tu saignes pas, t'as pas mal Chapitre 59

Chapitre 59

Après avoir passé deux bonnes heures à remplir sa valise sans trop savoir de quoi elle aurait exactement besoin là-bas, Léonie se rendit compte qu'elle avait presque emporté toute sa garde-robe. Il ne restait plus dans son placard que ses tenues de soirée et ses chaussures à talons. Elle savait qu’il pouvait faire très chaud sur l'équateur, vraiment très chaud, mais que les nuits pouvaient également être fraîches, quand elles n'atteignaient pas un taux record d'humidité.


Elle dut s'asseoir sur sa valise pour réussir à la fermer, mais elle ne regretta pas d’avoir pris tant de vêtements. Elle avait emporté de quoi affronter toutes les saisons et une amplitude thermique pouvant aller du zéro absolu à la brûlure du désert de Gobi. Quant à son bagage de cabine, il était farci de suffisamment de médicaments pour alimenter deux ou trois camps de réfugiés.


Il n'était pas encore trop tard, à peine vingt heures, et elle décida de rendre visite à Célia, sa voisine accro aux reptiles, pour quelques conseils avisés.


Bien évidemment, après quarante minutes passées dans son appartement qui tenait plus du vivarium géant, elle regretta son choix. Elle était à présent terrifiée de voir tout ce qu'elle risquait de rencontrer dans la jungle. Elle réalisa que son aspi-venin de poche ne serait d'aucune utilité en cas de morsure. Vu la taille des serpents là-bas, un aspirateur sans fil lui aurait été plus utile.


— Voilà, je pense qu'on a fait le tour, finit d'expliquer Célia, trop heureuse d'avoir pu partager sa passion. Comme je t'envie. C'est le paradis sur terre pour moi. J'ai toujours rêvé d'y aller.


Léonie avait enfin réussi à atteindre le palier et espérait pouvoir s'éclipser.


— T'en fais pas, je te raconterai.


— J'espère. Tu reviens quand ?


— Je ne sais pas trop.


Elle regarda la dernière porte au fond du couloir avec l'étrange sensation qu'on les épiait.


— T'as toujours pas vu Karl ?


— Non, mais je l'ai entendu rentrer hier soir. J'étais surprise, il était vachement tard, pas loin de deux heures du mat. Un record pour lui.


— Oui, lâcha Léonie le regard toujours rivé sur la porte.


— Qui sait ? Il s'est peut-être trouvé une copine.


— Qui sait...

Une fois revenue dans son salon, Léonie se dit que de retour de son expédition, elle irait s'enquérir de son mystérieux voisin. Son récent comportement était plus que troublant et ne correspondait pas à ce à quoi il les avait habitués. Lui qui campait d'ordinaire une bonne partie de la journée sur le palier dans l'espoir de les assommer avec ses passions ennuyeuses, semblait avoir disparu de la surface de la Terre.


Lui aussi. J'espère qu'il va bien, c'est tout de même un gentil garçon, même si je l'avoue, j'ai tendance à l'éviter.


Elle y pensa encore quelques minutes, puis en voyant l'heure qui avançait, se dit qu'il était temps d'aller se coucher.


Le lendemain matin, à six heures précises, Léonie se réveilla au bruit de tout ce que son appartement comptait de sonneries. Elle avait tellement craint de se rater, qu'en plus de son radioréveil et de son téléphone, elle avait également programmé le téléviseur, deux montres, et même la minuterie du four.


Ce fut donc dans un tintamarre cauchemardesque qu'elle se leva et se précipita sur tous les boutons à appuyer. Elle se dit une nouvelle fois qu'elle prenait vraiment sa mission très au sérieux, pour ainsi se lever aux aurores un dimanche matin. L'affaire était d'une importance plus que capitale.


Non, pas capitale, vitale même.


Elle engloutit deux tartines de pain couvertes de Nutella et se dit en revissant le couvercle sur le pot que c'était sûrement la chose qui allait lui manquer le plus durant son séjour.


Il est vraiment temps que je me trouve un mari moi, si le truc qui me rend le plus triste, c’est de me séparer d'un pot de pâte à tartiner.


Sa réflexion la renvoya inexorablement à Franck et à ce qu'il pouvait être en train de vivre à cet instant.


Non, il est en vie. J'en suis persuadée.


Sentant ses yeux s'humidifier, elle lutta pour réprimer ses larmes. Elle ne devait pas craquer, pas encore. Elle était peut-être la seule personne capable de le sauver, alors elle devait se montrer forte, plus forte qu'elle ne l'avait jamais été.


Le bip de l'interphone la sortit de sa mélancolie et elle en remercia le ciel, ou plutôt Sabrina, qui comme elle le constata en regardant sa montre, était incroyablement à l'heure. La chose était si rare qu'elle ne faisait que rappeler l'importance de l'événement.


— Attends, je descends.


Elle lança un dernier regard à son appartement, comme si elle n'était pas sûre de le revoir un jour, puis ferma la porte, plus que jamais envahie des pires doutes quant à sa décision.

— Bon, t'es sûre que t'as tout ?


Filant sur l'autoroute A3 à bonne allure, Sabrina tentait de la distraire par n'importe quel moyen.


— Je pense, oui.


— J'imagine. Telle que je te connais, t'as bien dû emporter de quoi survivre à un siège de plusieurs années.


— J'avoue que dans le doute, j'ai pris un peu de tout.


— Carrément. T'as vu la taille de ta valoche ? T'as pas peur qu'elle te gêne plus qu'autre chose ?


— Pourquoi ?


— Bah tu sais, je suis pas sûre qu'il y ait le TGV pour aller dans ton bled. Comment tu dis qu'il s'appelle, déjà ?


— Camopi.


— Y a pas, rien que le nom ça fait flipper.


— T'inquiète, je me suis regardé un Indien dans la ville hier soir, je suis parée.


— Fais ta maligne.


L'arrivée à l'aéroport fut l'occasion d'adieux larmoyants. Sabrina parce qu'elle craignait plus que tout pour sa meilleure amie, et Léonie, eh bien, parce qu'elle en avait besoin. Lorsqu'enfin elles se séparèrent l'une de l'autre, elle réalisa que cela lui avait fait le plus grand bien. Elle se dit que pleurer était une chose qu'elle ne faisait sans doute pas assez.


Il fallut que la jolie voix de l'hôtesse réitère une dernière fois son appel dans le haut-parleur pour qu’elle se décide enfin à franchir l'ultime cap qui la séparait de la salle d'embarquement. Elle avait toujours été admirative de ces voix, aussi douces que sensuelles, et elle pensa que les sirènes des contes appelant les marins à venir s'échouer sur les rochers avaient certainement les mêmes.


C'était peut-être le but après tout. Hypnotiser les gens encore habités par le doute. Le doute d’être en sécurité dans ces gigantesques carcasses de métal qui les emportaient à des milliers de mètres dans les cieux.


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6 commentaires

Stéphanie Dewost

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Il y a 2 ans

Triste que le concours se termine...

Valérie Chopin

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Il y a 2 ans

🥰

Alice61

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Il y a 2 ans

🥰

Philippe Colin

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Il y a 2 ans

Et voilà pourquoi le concours est-il terminé ? Snif Léonie va nous manquer ! Merci pour ces bons moments amicalement

Sophie Galerne deglane

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Il y a 2 ans

Quel dommage que je n’ai pas pu lire tous les chapitres Mais j ai passé un très bon moment avec léonie Merci marc pour ton écriture bisous 😘

Monica Bellucci

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Il y a 2 ans

Je suis frustrée ! Je veux savoir ce qui attend Léonie! Promets -nous, Marc , de le publier pour qu'on puisse suivre ses péripéties!
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