Fyctia

Nous débarquons à peine sur l’île que je suis déjà subjuguée par les paysages. Mon frangin, qui n’a pas desserré les dents de tout le voyage, sourit enfin !

— Ha, j’adore déjà l’ambiance ! Que la fête commence, mon pote, s’amuse-t-il en frappant l’épaule de Louka.

— La fête ? demandé-je. Mais il est à peine midi !

— M’enfin, Viquette ! On est à Ibiza, merde ! Bien sûr, la fête ! Tu crois que je suis venu ici pour le folklore espagnol ou quoi ?

Je le regarde, exaspérée, avant de lui indiquer le paysage autour de nous.

— Pas forcément le folklore, non ! Mais regarde comme cette île est magnifique ! On va visiter un peu, quand même !

Pour seule réponse, il m’offre un éclat de rire.

— T’es sérieuse ? Purée, y’a vraiment toute ton éducation à refaire ! T’es sûre que tu es ma sœur ?

— Demi-sœur ! lui asséné-je, agacée.

— Ouais, bah ça doit venir de là !

Énervée, je fonce vers le premier taxi, où je les attends à l’intérieur de l’habitacle.

— Tu vas vraiment l’emmerder comme ça tout le weekend, sérieux ? Tu ne veux pas mettre un peu d’eau dans ton vin, là ? entends-je Louka, tandis qu’ils chargent les valises dans le coffre.

— C’est toi qui lui as proposé de venir. Si elle veut faire du tourisme, occupe-t’en ! Je te rappelle qu’à la base, on n’était pas venus pour ça, toi et moi ! Si ça te plait de gâcher ton weekend, et bah vas-y : fais-toi plaisir et visite l’île avec elle, je t’en prie !

— Elle ne gâche rien du tout ! Et même si c’était le cas, j’m’en tape ! Elle compte plus que ça pour moi, et tu le sais. Je pensais juste que c’était le cas pour toi aussi, en fait…

J’entends mon frère souffler un bon coup, puis les garçons grimpent à mes côtés. Romuald m’offre un léger sourire d’excuse.

— J’suis désolée, je ne voulais pas te gâcher ton weekend, lui assuré-je d’une petite voix face à son regard repentant. Fais ce que tu avais prévu, je vais m’occuper toute seule, ne t’en fais pas.

Il passe sa main au-dessus de mon épaule et me plaque contre son flanc.

— C’est moi qui dois m’excuser, Viquette ! Tu ne gâches rien du tout ! J’adore t’avoir avec moi et tu le sais… Mais, par contre, jure-moi que si on visite un peu les environs, ce soir on va faire la fête.

Il hausse un sourcil en signe de paix. Je lui rends un magnifique sourire pour lui assurer que, moi non plus, je ne lui en veux pas.

— Bien sûr ! Mais toi, promets-moi en retour que tu ne me laisseras pas partir avec un con ce soir ?

— Promis, sœurette. Et si je suis trop occupé, je suis sûr que ce bêta — il indique Louka de la main — saura très bien te chaperonner !

Les deux hommes s’échangent alors un regard complice, comme toujours quand ils parlent de moi.

En arrivant à l’hôtel, nous devons faire face à un problème qu’aucun de nous trois n’avait anticipé.

— Plus de chambre ? Du tout, du tout, insiste mon frère malgré tout.

— Du tout, du tout, monsieur, répète l’hôtesse d’accueil. Nous en sommes navrés, en nous prévenant plus tôt, nous aurions sans doute pu prendre d’autres dispositions, mais là… Hormis les deux chambres que vous aviez réservées initialement, nous n’avons plus aucune possibilité.

Je regarde le visage de mon frère se fermer. Encore une fois, ses plans risquent de tomber à l’eau parce que je suis là. Je lui tapote légèrement le bras et il se tourne vers moi.

— Ce n’est pas grave, je suis sûre qu’il y a d’autres hôtels dans le coin, je vais bien trouver une chambre quelque part !

— Il en est hors de question, on a dit un weekend à trois.

Je lui souris, heureuse de l’entendre revenir sur tous ses propos de la journée.

— Vous pouvez au moins ajouter ma sœur à ma réservation ? Nous partagerons ma chambre, ce n’est pas grave.

— Bien sûr, monsieur, je fais ça de suite.

Je m’approche de lui et lui dépose une bise sur la joue.

— Tu sais que tu es le meilleur petit frère du monde, toi !

— Et toi, tu sais que tu as de la chance de nous avoir ?

Il regarde derrière moi et me désigne Louka de la tête. Il est en train de feuilleter les différentes brochures touristiques que l’hôtel met à disposition des clients.

— Tu devrais aller le rejoindre, m’intime mon frère. Je suis sûr qu’il est en train de chercher ce qu’il y a de mieux à visiter pour te faire plaisir !

Il hausse un sourcil de connivence et j’accepte sa proposition, puis je rejoins mon meilleur ami.

— Tu as trouvé des trucs sympas à faire ?

— Tu savais que la ville haute d’Eivissa est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO ?

— Non, je ne savais pas. C’est loin d’ici.

— A priori, non. Je pense même qu’en nous dépêchant, on pourra rejoindre la visite guidée prévue cet après-midi.

— Visite de quoi ? questionne mon cadet en nous rejoignant.

Je me retourne vers Louka, l’œil complice. Lui et moi savons que Romuald n’est pas vraiment branché culture et histoire.

— De la vieille ville.

— Sérieux ? s’offusque-t-il.

— Tu n’es pas obligé de venir, insiste Louka. Si tu préfères rester ici et t’amuser…

— Non. J’ai promis à Viquette de venir. D’accord, j’aurais préféré que vous choisissiez un truc plus fun, mais bon… Je vous connais en même temps ! Demain, c’est moi qui choisis le programme !

Je fonce sur mon frère et lui pose un nouveau baiser sur la joue, sous le regard amusé de notre ami.

Nos valises à peine déposées dans nos chambres, nous rejoignons le point de rendez-vous fixé pour le départ de la visite. Celle-ci commence rapidement et, à peine les premiers pas faits, je suis déjà sous le charme de ce joyau de l’histoire. Les remparts sont magnifiquement bien conservés et nous découvrons, çà et là, de splendides points de vue sur l’île. Finalement, même Romuald se prête au jeu et écoute avec attention le guide, mais Louka et moi comprenons vite que son seul intérêt en posant autant de questions, est une approche lente et douce vers une des touristes de notre groupe. Tandis que nous entrons dans un nouveau bâtiment, mon frère tente enfin une attaque plus directe de sa cible. Louka retient un rire et je me tourne vers lui. Il approche sa bouche de ma tempe et murmure avec amusement :

— Il n’y a vraiment que Romu pour draguer dans un couvent !

Je glousse et reprends mon calme avec difficulté, tandis que Louka, fidèle à lui-même, reste avec moi durant tout le reste de la visite.

— Tu n’as vu personne qui t’intéressait, toi ? je lui demande, alors que nous regagnons tranquillement la sortie de la ville.

— Je t’ai dit que je restais avec toi.

— Sauf que tu avais toi aussi une tout autre idée en tête en venant sur cette île, non ?

Il grimace et secoue la tête, perdu dans ses pensées, semble-t-il, tandis que nous franchissons une dernière porte et pénétrons sur une corniche.

— Waouh, m’exclamé-je, en m’approchant de la barrière de sécurité, pour mieux savourer la vue.

Les bras de Louka viennent alors m’encercler, puis nous profitons ensemble, silencieusement, de ce spectacle magnifique que nous offre la nature.